Wash/Nutrition : L’objectif n’est pas encore atteint

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Action Contre la Faim et World Vision en collaboration avec un consortium d’ONG nationales multiplient depuis 2021, des plaidoyers en faveur de la prise en compte à tous les niveaux de l’Eau, assainissement, et hygiène (WASH) et nutrition au Mali à travers le projet Rigth2Grow. L’accès au Wash améliore la qualité de la prise en charge de la malnutrition dans plusieurs centres de santé du district dont le Centre de Santé communautaire à vocation universitaire (CScom-U) de Banconi.

Devant l’unité nutritionnelle du Centre de Santé communautaire à vocation universitaire (CScom-U) de Banconi, Fily Traoré rejoint une dizaine de mamans et leurs enfants. La jeune maman est à sa première consultation. Pour le moment, elle ignore les motifs de cette visite recommandée par le médecin traitant de sa fille. « Ma fille faisait beaucoup de fièvre vendredi, on est venu voir le médecin. Il nous a prescrit des injections à faire. C’est lui qui m’a demandé de venir ici après la consultation », raconte-t-elle, un peu rassurée, ce matin. Elle caresse légèrement la main de Sirantou, sa fille de 12 mois, qui ne fait plus de fièvre.

Après quelques minutes d’attente sur un banc, Fily entre dans la salle de consultation. L’état nutritionnel de l’enfant est aussitôt évalué par la chargée de nutrition, Mme Koné Fatoumata Diallo. Son poids et sa taille sont examinés. Son assistante, Ramata Diawara, contrôle après le tour de bras de l’enfant à l’aide du bracelet de mesure du périmètre brachial. La code couleur du bracelet définit qu’il est atteint de « malnutrition aigüe modérée ». L’agent en face lui explique la procédure de suivi et de prise en charge et lui demande de compléter les deux dernières vaccinations de l’enfant manquées après 4 semaines de prise en charge. « Un droit de l’enfant », rappelle la nutritionniste.

Comme Sirantou, Mohamed Konaté, 12 mois, a aussi développé une malnutrition aiguë modérée en début d’année. Après le diagnostic, il est vite pris en charge au CScom-U de Banconi.

Au Mali, plusieurs milliers d’enfants du centre et du nord du pays n’ont pas les mêmes chances que Mohamed et Sirantou.

« 1,2 million d’enfants sont à risque »

42 sur 51 cercles administratifs (contre 16 il y a six mois) dans l’ensemble des régions font face à des niveaux de malnutrition sérieux ou critiques (phases 3 et 4). En plus des sites de déplacés internes des régions de Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao, et Ménaka, selon la situation nutritionnelle actualisée du Mali, juin 2022, de la DGSHP/SDN.

Le Cadre intégré de classification de la malnutrition aigüe (IPC MA) conduite en janvier 2022), dans son rapport indique aussi l’augmentation de nombre d’enfants de 6 à 59 mois souffrant de malnutrition aiguë. Le chiffre a haussé de 29 % en 2021 comparé à 2020, et de 53 % comparativement à l’année 2022.

Les mêmes données soulignent plus de 1,2 million d’enfants qui sont à risque de malnutrition aigüe, dont 309 824 enfants de la forme sévère au niveau national et 247,088 enfants MAS dans les zones d’urgences.

A Asacoba de Banconi, l’enfant qui ne développe pas de forme grave de malnutrition aiguë poursuit son traitement à la maison. Il vient faire son suivi une fois par semaine. Tout est gratuit. Le centre leur fourmi des aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE), à consommer chaque jour.

Constitué à partir de pâte à base d’arachide, d’huile, du sucre et de lait en poudre et des vitamines, les « ATPE » sont des aliments thérapeutiques utilisés par les spécialistes dans le traitement des formes simples de malnutrition aiguë sévère. La dotation est donnée en fonction du poids de l’enfant, selon Mme Sissoko Ramata Diawara, suppléante au centre nutritionnel.

Une approche qui marche bien. Sur les 132 enfants malnutris aiguës sévères admis, entre 19 juillet 2021 au 28 octobre 2022, 127 ont été guéris. Comme Fily, la plupart des mamans accueillies pour la première fois à l’unité de nutrition du CScom ne connaissent pas les bonnes pratiques alimentaires et d’hygiène à adopter face à un enfant.

Priorité au lavage des mains

Chaque diagnostic au centre est accompagné d’une séance d’information et d’échange avec les mamans en nutrition afin qu’elles soient en mesure de suivre leurs enfants à domicile. Elles se prêtent ensuite à une séance pratique de mode d’emploi des aliments thérapeutiques en présence des agents de santé.

Une règle s’applique cependant à tous avant de toucher le sachet. Le lavage des mains à l’eau et au savon. La même pratique se refait sur l’enfant avant et après l’utilisation des aliments. Un dispositif de lave mains est construit à l’intérieur de l’unité pour l’occasion.

Le lavage des mains est primordial dans la bonne prise en charge de l’enfant souffrant de malnutrition aux dires de la chargée de nutrition, « Si on veut lutter contre la malnutrition, il faut être propre. C’est pourquoi à chaque suivi, on apprend à la maman les règles élémentaires d’hygiène ».

Pour Dr. Youssouf Traoré, nutritionniste à l’Eau, l’Assainissement, et l’Hygiène (wash), en anglais (water, sanitation and hygiène) occupe un rôle extrêmement important dans les questions nutritionnelles.

« Quand on prend les différents éléments qui composent le Wash, c’est d’abord l’eau. En termes de nutrition, l’eau est un aliment. Toutes activités qui visent à restreindre l’accès à l’eau à nos cibles, à c’est-à-dire les femmes enceintes, les enfants de moins de 5 ans, les femmes allaitantes peuvent être une source de malnutrition », explique-t-il.

Tout comme l’eau, les questions d’hygiène et d’assainissement occupent aussi une place non négligeable dans l’amélioration du statut nutritionnel de l’avis du nutritionniste. «Dans les caractéristiques d’une bonne alimentation, il faut qu’on mette un accent particulier sur l’hygiène alimentaire de l’homme même et de notre environnement. Idem pour les questions d’assainissement. Parce que lorsqu’on a la meilleure qualité d’aliment du monde, si l’on consomme dans un milieu qui n’est pas du tout assaini, ça peut être source de maladie à travers des microbes et d’autres mécanismes ». Toutes choses, souligne le spécialiste, qui peuvent être des causes immédiates de la malnutrition.

Une affirmation aussi soutenue par le coordinateur de la Campagne internationale pour l’Eau potable et l’Assainissement (CN-Ciepa/Wash) Boureima Tabalaba. « Le lien entre le wash et la nutrition est une évidence. C’est pourquoi nous travaillons avec un consortium d’ONG de société civile dont l’ONG Œuvre malienne d’Aide à l’Enfance du Sahel (Omaes) pour qu’il ait une approche intégrée entre le Wash et la nutrition ».

La CN-Ciepa/Wash mène ce combat au sein du projet Right2Grow. Le projet est initié par l’Action Contre la Faim et World Vision et financé par le ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas. Sur cinq ans (2021-2025) le projet veut «  réduire les inégalités d’eau, d’hygiène et d’assainissement (EHA/Wash) et de nutrition au Mali à travers un plaidoyer participatif porté par les femmes et les jeunes » dans les régions de Kayes, Sikasso, Koutiala et dans le District de Bamako.

L’Action Contre la Faim et World Vision en collaboration avec le consortium d’ONG de société civile s’engage de même à faire un plaidoyer pour la prise en compte du Wash et nutrition dans les politiques tout en améliorant la participation de la communauté dans l’élaboration de ces politiques.

 Droit constitutionnel

Les ressources budgétaires allouées aux deux secteurs selon les données récentes restent très faibles. Le secteur de la nutrition n’est financé qu’à hauteur de moins d’1 % du budget public de la santé. Le financement du Wash présentait, pendant la même période 2,62 % contre 1,23 % en 2017. Une forte priorisation est enregistrée en milieu urbain par rapport au milieu rural. Aussi, en 2020, la part du Wash continue d’être en dessous (3,62 % en 2020) des engagements pris dans le cadre de SWA qui est de 5 %.

Dans les débats de l’avant-projet de la nouvelle constitution en cours au Mali, le consortium  d’ONG nationales apporte de fortes recommandations. L’inscription du Wash et la nutrition dans la nouvelle constitution comme un droit constitutionnel et la matérialisation des deux questions au niveau de tous les documents de développement et politiques sectorielles sont au cœur des recommandations. «Cette intégration des questions Wash et nutrition dans la nouvelle constitution sera un grand pas » pour  Dr. Youssouf Traoré, chargé d’appui technique au niveau réseau des organisations de la société civile pour le renforcement de la nutrition.

Ce grand pas s’ajoutera à d’autres. Différents acteurs se reconnaissent tous en un acquis majeur. Le programme Right2Grow a permis aux deux OSC spécialisées sur les questions de Wash et nutrition de travailler ensemble et de tenir compte des questions Wash et nutrition dans toutes leurs démarches de plaidoyers et d’actions de renforcement de capacité.

Et sont unanimes qu’en agissant sur toutes les activités qui visent à faciliter l’accès des communautés à des meilleures conditions d’hygiène, d’assainissement et d’eau, on améliore le statut nutritionnel des populations maliennes.

 

Kadiatou Mouyi Doumbia

 

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