Excellence Monsieur le Président, l’année 2014 s’achève et l’année 2015 est à la porte. Nous rendons grâce à Dieu pour sa protection et pour tous les bienfaits qu’il nous a accordé.
Nous implorons le Dieu Tout-Puissant pour qu’il nous accorde une heureuse année 2015.
Qu’il nous accorde la sagesse d’apprendre de nos erreurs.
Excellence Monsieur le Président, permettez-moi de partager avec vous la lecture que l’AGEMPEM a faite de la vie de la nation au cours de l’année 2014 et nos voeux pour l’année 2015.
L’AGEMPEM se réjouit des efforts du gouvernement de mettre le pays débout et de relancer le développement économique. Elle salue les sacrifices consentis pour diminuer le prix des engrais et les tentatives du gouvernement de remettre de l’ordre dans l’usage des biens publics et aussi de mettre fin à l’usage abusif des véhicules de service. L’AGEMPEM souhaite que ces efforts ne soient pas simplement un feu de paille mais l’expression d’une volonté politique sincère d’assainir la gestion de la chose publique.
L’AGEMPEM soutient tous les efforts que vous fournissez afin d’aboutir à une paix définitive dans un Mali uni et laïc. Le Dieu que nous servons est un Dieu de paix, un Dieu qui veut la paix.
« Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu! » dit Jésus-Christ.
L’AGEMPEM veut être une artisane de paix et de réconciliation. Elle est prête à vous accompagner dans toute action susceptible d’aboutir à une paix réelle. Toute la communauté protestante évangélique continue de prier pour la réussite des discutions en cours sur la paix et l’unité du pays. Nous prions que le Dieu de paix nous accorde une paix durable dans un Mali unifié et laïc.
Excellence Monsieur le Président, la communauté chrétienne évangélique salue votre engagement à lutter contre la corruption. Elle se souvient avec tristesse des nombreux slogans de lutte contre la corruption avant vous qui n’ont été que des vains mots. La corruption est avant tout un problème spirituel et éthique. Elle est une preuve irréfutable de l’ignorance de Dieu, de l’absence de crainte de Dieu. Elle prouve à suffisance que notre peuple a simplement le nom de Dieu sur ses lèvres mais son coeur est bien lo in de Dieu.
Nous formulons le voeu que Dieu vous accorde le courage de changer ce que vous pouvez changer.
Excellence Monsieur le Président, il est un slogan bien connu dans notre pays que : « Le bateau Mali peut tanguer mais il ne pourra jamais chavirer. » Permettez-moi de faire entendre un autre son de cloche : Le bateau Mali est en train de prendre l’eau à cause des multiples brèches que nous lui avons infligées. Je voudrais juste mentionner quelques unes de ces brèches.
Je commence par la brèche de l’éducation : Le mal de l’école malienne s’empire. La fraude aux examens a atteint cette année une proportion jamais égalée. Si l’on était habitué à parler de fuite de sujets, cette année ce n’était pas une fuite mais un étalage public des sujets.
Depuis quelques années, notre pays est en train de développer une « mentalité PMU, » la mentalité qu’on peut devenir riche du jour au lendemain ou qu’on peut réussir en faisant l’économie du dur labeur. Nous formulons le voeu que le gouvernement investisse les ressources humaines et matérielles nécessaires pour ressusciter l’école malienne et en faire un instrument privilégié de développement humain.
La brèche de la justice : Notre pays a mal à sa justice. Le nombre et la nature des dossiers soumis au Médiateur de la République et présentés à l’Espace d’Interpellation Démocratique confirme notre diagnostique et de l’ampleur du mal. Plutôt que d’être un droit inaliénable pour tous les citoyens, la justice est devenue une marchandise qu’on donne au plus offrant. Le peuple a appris avec indignation ce qui lui a paru comme un déni de justice quand des hommes impliqués dans des prises d’otages et des meurtres ont été purement et simplement relâchés en échange d’un otage français. Comment donc pourrions-nous expliquer à nos enfants que la justice a du prix quand l’État s’en débarrasse si aisément ? Je ne doute pas que nos autorités aient une bonne raison pour un tel échange fut-elle un raison d’État mais il aurait été bienséant que, par respect pour le
peuple, elle lui donne une explication. Une des conséquences de la brèche de la justice est l’accroissement des litiges de tout genre et des litiges liés au foncier en particulier. Le problème foncier demeure une écharde dans la chair de notre nation. Le pourcentage élevé de dossiers fonciers présentés lors de l’espace d’interprétation démocratique en est un témoignage éloquent. La communauté protestante évangélique est victime de ce dysfonctionnement de la justice depuis près de dix ans. Et pourtant, avec une superficie de 1.241.238 km2 pour une population estimée à 15 millions d’habitants, on ne saurait pour l’instant parlé de crise de terre dans notre pays. Le pays dévore ses habitants et pourtant ses habitants se dévorent pour des lopins de terre.
La brèche sociétale : Les valeurs par lesquelles vivait notre société se sont érodés. L’intégrité et de l’éthique personnelles sont devenues des denrées rares de notre société. Nous assistons passivement à l’exploitation éhontée des enfants dans nos rues. Les exploitants ont pour nom: éducateurs religieux et vraies et fausses mères de jumeaux. Face au silence et à la complaisance de nous tous le phénomène ne fait que s’amplifier. Malheur à la nation qui abandonne ses enfants dans la rue car elle prépare une bombe à retardement pour sa propre destruction. Nous formulons le voeu que notre Président s’investisse personnellement pour la cause des enfants. Nous prions que Dieu nous accorde la volonté et la capacité de venir ensemble pour coudre le tissu social.
Le temps nous manquerait de parler de la brèche de la gouvernance, de la brèche de la sécurité et de la brèche de la politique. Face à cette situation, certains ont pris des bouées de sauvetage pour abandonner le bateau. D’autres profitent de la situation pour s’enrichir au détriment de la misère des autres. L’AGEMPEM lance un appel à vous, dirigeants du pays et à tous les citoyens à se donner les mains pour colmater les brèches. Ensemble, nous pouvons.
L’AGEMPEM formule le voeu ardent que l’année 2015 soit une année de succès dans la communication entre les gouvernants et les gouvernés. Nous souhaitons un dialogue constructif entre majorité présidentielle et opposition pour le bien du pays. Certaines
rumeurs ont fait partie de l’assaisonnement de la presse au cours de l’année 2014. El les ont pour noms : accord de défense avec la France, régionalisation, affaire Toumi, avion présidentiel, malversation au sommet de l’État, etc. Une bonne communication entre gouvernants et gouvernés aurait permis d’évacuer certaines de ces rumeurs et de donner la bonne information au peuple. Notre mémoire saigne encore à cause de la blessure à nous infligée par les douloureux et dramatiques évènements survenus à Kidal les 17 et 18 mai dernier. Ce qui fait encore mal, c’est le refus des autorités de la nation à dire la vérité au peuple et les accusations mutuelles au sommet de l’État. Nous appelons de tous nos voeux une meilleure communication au cours de l’année 2015.
L’AGEMPEM comprend que la promotion des langues nationales est un gage d’une démocratie participative, d’une participation du peuple au pouvoir et à la gestion de la chose publique.
L’usage privilégié du français exclu le peuple et permet à une minorité de confisquer les débats parlementaires et le pouvoir de décision. Il est temps que le Mali adopte sa politique des langues et mette en place un système efficace de traduction et
d’interprétation. Que chacun puisse entendre les sujets de débats dans sa langue de choix et que chacun puisse s’exprimer dans la langue qu’il maîtrise. C’est à cette condition que notre Assemblée Nationale deviendra un lieu d’échanges et de participation pour tous et non un lieu où les uns décident et les autres lèvent les mains. L’Eglise a déjà développé une expertise dans le domaine de la traduction et de l’interpré tation et pourra mettre cette expertise au service du peuple si elle est sollicitée.
Excellence Monsieur le Président, vous êtes venu à la présidence en un temps particulièrement difficile pour notre nation. Notre peuple souffre en silence à cause du sentiment d’impuissance face à l’agression et à l’humiliation dont il est l’objet. Excellence Monsieur le
Président, rappelez-vous constamment qu’en un temps comme celui-ci dans la vie de
notre nation, le soulagement et la libération du peuple doivent prendre l’ascendance sur le bien-être personnel et familial et les calculs politiciens. L’AGEMPEM est prête à vous accompagner dans toute démarche visant à redonner de l’espoir et l’estime de soi au peuple.
Excellence Monsieur le Président, la situation que le Mali traverse n’est pas une fatalité. Elle n’est pas non plus une situation unique en son genre. D’autres peuples ont su traverser des situations pires pour continuer leur marche triomphante vers l’avenir. Le Mali doit porter sa croix et après la croix viendra la gloire. Ensemble, en tant que peuple, nous devons espérer, ensemble nous devons lutter pour émerger. Ensemble, nous devons travailler sans calcul pour la paix, la réconciliation et la cohabitation pacifique.
Excellence Monsieur le Président, nous prions que Dieu vous bénisse dans l’exercice des tâches nobles et délicates qui vous sont confiées en ces moments encore difficiles dans la vie de notre Nation. Que Dieu bénisse votre famille. Qu’il vous accorde la force et l’audace de tenir ferme pour la vérité et la justice. « Que le droit coule comme de l’eau, et la justice comme un torrent intarissable. »
Que Dieu bénisse le Mali, un et indivisible !
Rev Dr Youssouf Dembélé, Délégué Général de l’AGEMPEM
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