Violences Conjugales au Mali : Les deux faces d’un drame

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Violences conjugales : quand l’amour «se mue» en haine
Kamissa Sissoko et Mariam Diallo

Les violences conjugales constituent un phénomène en nette progression au Mali. L’Association des Femmes Battues (ABF) enregistre au moins deux plaintes par semaine. Les violences conjugales présentent deux faces, même si la plus connue est celle qui frappe la gent féminine.

Le mariage se fait pour le meilleur et pour le pire, selon les écritures saintes. Les gardiens de la tradition en l’occurrence les griots et autres hommes de caste nous enseignent que “le mariage n’est pas un grand boubou que l’on peut enlever quand on est fatigué de le porter”. Ces mêmes gardiens disent que “les dix colas font de la femme une esclave”. Ces vérités connues sont-elles des réalités aujourd’hui ? S’inspirant de la tradition, le législateur malien a codifié que la femme doit obéissance et soumission à son mari. Cela peut-il faire de la femme une esclave ? Non, répondent les responsables des organisations féminines qui se battent nuit et jour contre les violences faites aux femmes. Ce phénomène, en nette progression dans nos foyers, présente deux faces même si la plus connue est la violence qui frappe les femmes. Certains hommes subissent des violences de la part de leurs épouses dans le plus grand silence. Mais généralement, ce sont les femmes qui sont les plus victimes de la violence conjugale. Elles subissent des coups blessants, des injures, des souffrances morales et autres maltraitances de la part de leurs conjoints. Aussi, elles souffrent souvent des effets négatifs de la polygamie.

Selon Camara Ousmane, coordinateur des recours juridique et judiciaire de l’Association des Femmes Battues (ABF), la cause de la violence dans un foyer tient au manque de communication, à l’incompréhension, au manque de moyens financiers, à la jalousie, à l’effet des excitants consommés par certains hommes. Toujours selon lui, l’association reçoit les plaintes de la part des victimes deux fois par semaine. La Clinique Juridique Démèso reçoit des femmes victimes de violences dans leurs foyers et les aide à travers une assistance juridique et judiciaire. Même si les chiffres viables ne sont pas disponibles, il ressort des échanges avec les responsables de nombreuses associations de défense des droits de la femme que le phénomène est en nette progression.

Mme Aminata DIARRA : Mon mari me frappait violemment

L’Association des Femmes Battues (ABF), souligne Camara Ousmane, ne reçoit pas des plaintes de la part des hommes qui sont victimes des violences conjugales. Cela ne veut pas dire que ceux-ci n’en subissent pas. Si les femmes qui osent porter la main sur leurs maris sont rares, certaines épouses n’hésitent pas à les injurier publiquement. Aussi, il faut reconnaître que la gent féminine dispose de nombreux moyens de pression conjugale pour torturer son compagnon. C’est le cas de M D. « Ma femme m’a boudé au lit. Pendant plus de sept (7) mois, elle a refusé de coucher avec moi. Depuis lors, la maison est devenue invivable pour moi. Je sors tôt et rentre tard. Finalement, je me suis résigné à prendre une seconde épouse », nous a-t-il confié et préfère garder l’anonymat car craignant d’être la risée du monde.

Dans un rapport daté de 2005, la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), reconnaît que « la société tolère les violences conjugales ». Le document de l’organisation internationale de défense des droits de l’homme fait cas de la pression sociale subie par les femmes victimes qui sont  stigmatisées lorsqu’elles dénoncent de telles violences. Pour cette raison, il est difficile d’obtenir des témoignages de celles qui souffrent dans le domicile conjugal. Aminata Diarra a voulu briser le silence.  Elle était mariée et mère de quatre enfants. « Mon mari me frappait violemment. Ses coups étaient même accompagnés parfois d’injures graves. Après avoir écouté une amie, je me suis rendue dans une association de défense des droits des femmes pour exposer mon problème. Après l’intervention des autorités, il a momentanément cessé pendant deux semaines mais après, la routine a repris le dessus. On a fini par divorcer », nous a confié Aminata Diarra.

Des injures et autres coups et blessures, les violences conjugales prennent rapidement une tournure dramatique. Il y a moins d’un an, le cas de la dame Mariam Diallo, Secrétaire particulière du Ministre de la Culture, de l’Artisanat et du Tourisme avait suscité un tollé général sur les réseaux sociaux. Elle a été poignardée à mort, le 05 février 2015, au domicile conjugal à Bacodjicoroni ACI par son mari, Soumaïla Dicko.

Pas plus tard que le samedi 23 janvier 2016, Amadou Fall a tiré à bout portant sur sa femme, Kamissa Sissoko à l’arme automatique. La pauvre Kamissa Sissoko a rendu l’âme. Le couple avait deux enfants.

 Les méfaits de la polygamie

De l’avis de nombreux responsables d’associations et organisations de défense des droits de la femme, « la polygamie peut souvent être une source de frustration, d’humiliation, de troubles du comportement, de haine, de drame, de cruauté entre les femmes dans la mesure où le mari n’est pas responsable et équitable ». Deux témoignages rapportés par notre confrère Le Débat dans sa parution du 12 décembre 2015 édifient sur la tournure dramatique de certaines vies dans les familles polygames. Oumou T. a perdu un morceau de son oreille gauche à la suite d’une dispute avec sa coépouse. «Suite à une dispute très houleuse, ma coépouse m’a donné un coup de pilon sur la tête. Je me suis évanouie et elle a mordu mon oreille gauche jusqu’à ôter un morceau», a-t-elle confié à notre confrère. Aissata la troisième épouse de Lassana, peut-on lire dans le Débat, a ébouillanté la quatrième épouse avant de s’enfuir. «Je ne supportais pas du tout les comportements moqueurs et les provocations indirectes de ma coépouse. Comme elle n’arrêtait pas de se vanter de sa beauté physique et de sa forme, j’ai chauffé de l’eau et l’ai  versée sur son visage avant de m’enfuir», a déclaré Aissata.

Il est certain que ces violences plongent les victimes dans la peur, la dépression psychologique, l’isolement. Souvent, elles tournent au drame et le divorce est un moindre mal dans ces cas-là. Il est temps que les autorités prennent à bras le corps des mesures préventives contre ces actes ignobles. Les actions du gouvernement doivent être conjuguées à celles des organisations de la société pour renforcer les espaces d’écoute et centres d’accueil en faveur des femmes victimes de violences conjugales. L’opérationnalisation d’un système d’aide juridictionnelle permettant l’accès des tribunaux aux femmes victimes de violences, est à la portée des pouvoirs publics.                 

 Bintou Diarra *Stagiaire*

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1 commentaire

  1. La violence conjugale est vieille comme le monde. Cependant la culture occidentale qui est rentrée par effraction en Afrique a fortement déséquilibrer la société Malienne comme partout en ailleurs dans L’Afrique subsaharienne. En ajoutant que de par dans le monde, les hommes ont inventé toutes les théories imaginables dans le seul but de dominer les femmes. Aujourd’hui le déséquilibre sociale et societale sont venus renforcer la violence généraliser de part et d’autre, ce désarroi sexisme et sexiste engendrent des valeurs nouvelles, des troubles de comportements et, il est temps de repenser la place de chacune et chacun, car cette grande confusion qui est la ressemblance de femmes aux hommes et vis versa qui a déshumanisé la société occidentale tout entière est par devant la porte aux moeurs Maliens, doublée d’un phénomène idéologie, théologique qui sont le saoudisme et le Wahabisme, ceux-ci sont entrain de disloquer lentement mais sûrement la civilisation Malienne, c’est un ouragan 🌀 invisible, mais suivi d’une nouvelle colonisation des esprits qui cache nos péchés indescriptibles et innommable… Plus que jamais l’éducation généralisé des femmes et de tout le monde s’impose à nous tous, enfin de pouvoir nous en sortirent de ce cercle infernal.

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