Violence-injustice : La justice populaire se déchaîne à Bamako

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Dans la capitale malienne, plus rien n’échappe désormais à la furie de la population. Pas même les policiers « indélicats » qui sont violemment pris à parti. Tel a été le sort réservé au sergent de police Aboubacar Konaté, le 10 août 2017, tabassé par la foule pour une peccadille. Lui a été chanceux, mais pas les voleurs qui ont été brûlés vifs il y a quelques semaines dans un marché de Bamako. Faut-il se réjouir ou avoir peur de cette justice aveugle?

Pour les gens du cru (Dieu sait qu’ils sont nombreux), la réponse est bien sûr affirmative.  Il faut aller « casser de la fripouille » si les autorités ne sont pas en mesure de protéger la population. La preuve, la rue de Bamako se charge de plus en plus de redresser des torts en lieu et place des services de justice décriés pour plusieurs manquements au devoir de protection des citoyens. Le tort du sergent Konaté aura été d’avoir dégainé son pistolet pour blesser gratuitement des innocents.

C’est l’abus de trop pour les Maliens qui ont une grande aversion pour l’injustice flagrante. C’est ainsi que dans la rue, quiconque se hasarde à abuser de ses privilèges, fusse-t-il un policier, peut faire l’objet d’une descente ferme. Donc, il était hors de question de laisser partir l’agent de police qui aurait de surcroit prononcé des insultes graves contre une pauvre dame ayant tout bonnement refusé de lui donner son numéro de téléphone.

S’en est suivi un passage à tabac du policier par une foule colérique. Cet acte est en réalité le signe d’une crise de confiance entre la population et la justice dont la police est un service auxiliaire. Au non de cette crise de confiance, on préfère tuer et brûler les voleurs et tous autres méchants plutôt que les laisser entre les mains de la justice.

Dernier cas spectaculaire, ce fut celui de deux malfrats qui ont essayé de braquer en pleine journée un commerce à Bamako il y a un peu plus d’une semaine. Les malheureux apprentis sorciers ont été brûlés vifs, et les vidéos du châtiment par le feu ont fait le tour des réseaux sociaux auxquels sont abonnés beaucoup de Maliens.

Pour revernir à la question de la police, il existe en fait un profond ressentiment contre les policiers au sein de la population malienne. Cela doit interpeller les plus hautes autorités du pays. Mais rien ne devrait justifier une telle violence sans discernement aucun. Que ce soit au Mali ou ailleurs, la population doit accepter qu’il n’appartient pas à la rue de rendre justice bien que sa colère soit légitime.

Beaucoup ont donné des coups qui ont envoyé le policier dans le coma sans entendre la version du présumé coupable. Et c’est cela le problème de la justice populaire. Tous les voleurs abattus et brûlés vifs à Bamako n’étaient pas des voleurs. Quelques innocents ont eu plus de chance en échappant à une mort certaine parce que la foule s’était trompée de cible.

Soumaila T. Diarra

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