Elle a perdu sa virginité à la suite d’un viol dans la nuit du 28 au 29 juillet. Cinq mois après les faits, Saran (non d’emprunt) tente de reconstruire sa vie.
Assise sur un lit en fer et enveloppée dans un voile géant, à la manière des femmes au Nord du Mali, Saran est une artiste musicienne. Elle reçoit ses visiteurs dans la cour du domicile familial sous un hangar dont le toit est recouvert de paille.
Elle chante depuis deux ans malgré l’avis contraire de ses parents. D’ailleurs, c’est en poursuivant sa passion que Saran croise le chemin de son futur bourreau, un rappeur. «Je voulais réaliser un featuring avec lui» indique-t-elle, avec beaucoup de gesticulations.
Pour atteindre ses objectifs, le jeune garçon l’invite, un soir, chez lui, à vingt heures, afin, dit-il, de réaliser le beat (rythme musical) et partir pour le studio d’enregistrement, situé non loin de sa maison. Dans la chambre, le chanteur commence à l’amadouer. «Il a promis de faire de moi un grand artiste», raconte Saran.
L’idylle entre les deux artistes s’arrête là. «Il m’a demandé de le caresser et j’ai refusé. Tout en lui rappelant que j’étais vierge», explique-t-elle. Une virginité confirmée par un garçon du quartier, qui l’a fréquentée un moment. «Elle te largue dès que tu lui proposes une relation sexuelle», témoigne-t-il.
Face à l’intransigeance de la jeune fille, le rappeur emploie la violence. Il l’étrangle. La voix hésitante de Saran laisse transparaître sa douleur, sa colère et sa rancœur. «D’abord, c’était avec les doigts. Puis, sans ôter sa main de mon coup, il arrache mes vêtements. Enfin, rien ne pouvait le retenir. Ni mes cris, ni même mes larmes. Quand il a terminé le drap était maculé de sang, de mon sang. J’ai réalisé que je venais de perdre ce que j’avais de plus cher : ma virginité», s’indigne-t-elle.
Les cicatrices sont encore visibles sur son cou. «Ce sont les traces de ses ongles», précise-t-elle. «J’ai eu également des blessures à l’intérieur», confie-t-elle, les larmes aux yeux.
Soutenue par ses parents, Saran a porté plainte contre le présumé coupable. «Je veux qu’il paie très cher», lâche-t-elle. Cependant, la jeune fille déplore les réactions de certaines personnes qui ont mis en doute sa version des faits.
«Les hommes me dégoûtent» se plaint-elle. Se marier avec son présumé violeur ? Saran ne veut pas l’entendre. «Je ne peux prendre pour mari un violeur», s’enflamme-t-elle. Son histoire, Saran ne veut pas se taire là-dessus, elle promet de la raconter à son futur époux.
À dix-sept ans, Saran espère reprendre le micro dans une année avec à la clé une chanson sur le viol. Le temps de décrocher son Diplôme d’Etudes Fondamentales (D.E.F).
Abdrahamane Sissoko