Après une 3ème édition marquée par une totale réussite, les ressortissants du village de Mouni avaient mis les petits plats dans les grands pour que cette 4ème édition connaisse le même succès. Cette édition était sous le signe de la paix, actualité oblige.
Il s’agissait pour les populations de Mouni de montrer au grand public toutes les facettes de la culture Bobo-fing, une ethnie proche des Bwa avec lesquels elle est souvent confondue.
Ce festival est une initiative de l’Association des Jeunes Ressortissants du Village de Mouni en partenariat avec la fondation Orange-Mali qui œuvre beaucoup pour la promotion de la Culture.
Longtemps restée recroquevillée sur elle-même depuis des siècles, et très peu connue au Mali, cette ethnie tente ainsi de sortir du silence pour exposer sa culture devant les projecteurs. Mieux, aujourd’hui, les masques peuvent être photographiés et même filmés. Ce qui était impensable il y a quelques décennies.
A la découverte d’une riche culture malienne
Lors de cette 4ème édition, comme dans les éditions précédentes, M. Jules Diama, un intellectuel ressortissant de Mouni ayant fait des recherches et une publication sur les rites, traditions et les masques en milieu Bobofing, est revenu en long et en large sur l’importance des masques dans la culture Bobofing.
Selon lui, le masque est le socle de la culture Bobofing car tout tourne autour et tout s’organise autour. Dans la culture Bobofing, précise-t-il, les rites initiatiques commencent par la présentation des néophytes aux masques. Aussi, les travaux champêtres sont subordonnés aux cérémonies des masques. Mêmes les manifestations musicales, théâtrales, funèbres sont régies par les masques dans cette culture restée longtemps méconnue au Mali.
Pour M. Jules Diama, toute la vie des initiés est réglementée par l’initiation aux masques. Une initiation à travers laquelle, l’initié reçoit un enseignement ésotérique, un savoir sacré multidimensionnel.
Sur le plan physique, explique l’expert, on lui apprend le courage et l’endurance. Sur le plan moral, il lui est enseigné la discrétion, la courtoisie, savoir garder des secrets et être peu bavard.
Sur le plan économique, on lui apprend à être travailleur et producteur au profit de sa communauté, sur le plan social, l’initié est un gardien de la tradition et sur le plan artistique, il sait confectionner les masques, sait danser, sait jouer au tamtam en faisant la différence entre la musique sacrée et la musique profane.
Aussi, explique M. Jules Diama, l’initié est un homme de culture car il est tenu de rester correct toute sa vie sous peine d’être puni à sa mort.
Selon l’expert, l’initié ayant beaucoup appris sera peu bavard, et saura vivre en société sans déranger les autres. Car il saura comment parler, sera courtois, respectueux du plus âgé et protecteur des plus jeunes que lui. Et donnera l’exemple dans toutes les circonstances.
La danse des masques, une pratique ancestrale dans la culture Bobo-fing
Pour Jules Diama, le masque qui est le socle de la culture Bobofing revêt un caractère mystérieux car il descend du ciel, dit-on aux non-initiés.
C’est pourquoi, l’arrivée du masque crée la peur ou la crainte chez le non-initié. Car le masque est toujours armé d’un fouet. A son arrivée, tous les enfants non-initiés prennent la fuite pour ne pas se faire fouetter.
Les masques dans la culture Bobo-fing, explique M. Jules Diama, sont le socle de la foi et de la croyance aux mânes des ancêtres. Ce qui fait qu’ils revêtent un caractère sacré et mystérieux.
Aussi, les masques sont le symbole de l’unité et l’entente. Car tous les initiés parlent la même langue sacrée et adorent le même dieu appelé « Wuro ».
Toutes les activités agraires, travaux champêtres ne commencent qu’après les cérémonies des masques en commençant par les masques en feuille ou « Kwara » et ensuite les masques en fibres fabriqués dans les bois sacrés.
Ensuite, les récoltes dont les prémices sont le fonio, le maïs et de l’arachide que le chef coutumier reçoit et qui sont le signe du changement de saison.
Et l’expert d’ajouter que les rites initiatiques débutent toujours par la présentation des candidats à l’initiation dans la case sacrée appelée « Dibowié ». Une cérémonie au cours de laquelle, il est dévoilé aux non-initiés le secret du masque. Un secret à ne pas dévoiler aux non-initiés sous peine d’être mangé par l’hyène.
Pour M. Jules Diama, la saison pluvieuse est animée pendant les nuits par les danses des masques nocturnes. Des masques qui jouent au théâtre en mimant les différentes conduites bonnes ou mauvaises des habitants du village : les paresseux, l’orphelin, le lépreux, l’aveugle, certains animaux comme l’âne, le singe, l’éléphant…
Bref, pour M. Jules Diama, le masque revêt un caractère sacré à cause de son origine, son lien avec « Duo », le dieu de l’entente ou de l’unité.
D’autre part, le masque est appelé « Saga Fa » ou être de la brousse, c’est-à-dire que c’est la terre et la végétation qui l’enveloppent.
Par ailleurs, Jules Diama indique que dans la culture Bobofing, le croyant a une attitude d’adoration de la nature pour demander un hivernage pluvieux avec des bonnes récoltes.
Aussi le masque est le relai entre la nature et les humains et revêt un caractère folklorique et un aspect ludique.
D. Diama