Vente des pagnes du 8 mars : A qui profite la spéculation sur les prix ?

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Moins d’une semaine avant le démarrage des activités commémoratives de la journée du 8 mars, les organisations et groupements de femmes, étaient toujours confrontées au problème de disponibilité des balles du tissu spécialement confectionné pour l’évènement. La cour du Centre Aoua Keïta, depuis plusieurs jours ne désemplie pas à cause d’une pénurie créée, semble-t-il de toute pièce par certaines personnes qui, en complicité avec des commerçants s’adonnent à une spéculation sur le prix de la balle vendue à 600. 000 francs CFA sur le marché. Une situation qui provoque colère et frustration chez les femmes. Reportage.

Notre pays célèbre aujourd’hui, 8 mars 2017, la journée internationale de la femme. Comme à l’accoutumée, cette année aussi les organisations féminines maliennes se sont mobilisées pour offrir le pagne du 8 mars à leurs militantes. Pour préparer l’évènement, une commission installée au sein de la Direction Nationale de la femme, a travaillé d’arrache-pied pour la bonne coordination des activités programmées. Cette année, un problème s’est vite signalé : il s’agit de la bonne gestion des balles du tissu fabriqué  pour la circonstance. La vente de ce tissu est une activité qui génère beaucoup d’argent. Ce qui explique la création de tout un réseau de vente qui a ses ramifications jusqu’au niveau du département chargé de la promotion de la femme où certains, pour des raisons mercantiles, font souvent recours à des commerçants pour réaliser une plus-value sur les pagnes, en vendant la balle à des couts assez exorbitants. Cette année, pour amasser le maximum d’argent, ces personnes ont eu recourt à une stratégie : créer la rupture au niveau du Centre Aoua Keïta (lieu habituel où les femmes vont s’approvisionner) pour contraindre les femmes à aller s’approvisionner chez les commerçants au grand marché. Conséquence ? Depuis des semaines, les femmes font des va et vient au Centre Aoua Keïta où on leur tient toujours le même discours : il y a manque de pagnes.  Or, pour ne pas accusé du retard, certaines femmes ont quitté les régions pour venir faire leurs commande directement dans la capitale. Depuis des semaines elles sont restées bloquées, à Bamako, pour raison de rupture ; une pénurie à laquelle certaines femmes ne croient pas. Beaucoup d’entre elles estiment qu’il s’agit d’une rupture créée de toute pièce, sachant que le tissu n’est pas importé mais fabriqué sur place dans les usines de Batexi. Par petits groupes de dix, vingt et souvent plus, les femmes passaient une bonne partie de leur journée à attendre devant le bureau de Mme Togo, celle qui est chargée de vendre le tissu au sein du Centre Aoua Keïta. Assise derrière un bureau modeste, la doyenne, feuillette sans arrêt un registre contenant les différentes commandes qui attendent d’être satisfaites. Face à elle, des femmes plutôt désappointées par l’idée qu’il n’y a toujours pas de stocks disponibles au niveau du centre. Cette situation d’attente interminable a fini par mettre certaines femmes sur leurs gros chevaux. C’est le cas de Mme Savadogo Djélika Dembélé, un agent de développement que nous avons rencontré au Centre Aoua Keïta, 72 heures avant le jour J. En compagnie d’un groupe de femmes, elle n’est pas allée par quatre chemins pour nous expliquer l’état de frustration et de déception de bon nombre de femmes, en cette veille de la célébration du 8 mars. «Cette fête c’est pour les femmes ; c’est pareil pour le pagne de l’évènement. Actuellement nous sommes au Centre Aoua Keïta ; Depuis le vendredi dernier le centre est en pénurie de pagnes ; mais chose qu’on ne comprend pas, quand on rentre dans le grand marché de Bamako, nous voyons que les commerçants sont ravitaillés de balles ; or, on nous a fait savoir que les femmes, les groupements de femmes et toute femme qui désirent s’approprier de ces pagnes peuvent venir faire leur achat au niveau du centre Aoua Keïta. Imaginez-vous, cette année, le prix de la balle a atteint les 450.000 francs ! Cela n’a pas empêché les femmes et les groupements de femmes de venir chercher les pagnes ; mais on ne le trouve pas ; Au même moment, sur le marché (qui est bien approvisionné) la balle est vendue à 500.000, voir 600.000 F CFA ; Quelle spéculations», se lamente notre interlocutrice. Qui ajoute : «On ne comprend plus rien ; si on doit quitter ce centre qui est le notre pour aller chercher le tissu au marché ; Pourquoi ? Qu’on nous dise la vérité ; Ce qu’on doit faire ; Depuis le vendredi (24 février, Ndlr) les femmes ne font que des va et vient ; ça fait une semaine aujourd’hui ; moi personnellement j’ai quitté ici le mardi à 18h. De 9h à 18h j’étais là ; je n’ai eu qu’une demi balle sur 5 balles ; Aujourd’hui je dois revenir pour les autres 4 balles mais il n’y a pas un morceau de tissu ici au Centre Aoua Keïta ; mais à l’instant où je vous parle allez voir le marché ; c’est la spéculation des prix qui vont de 475 000 à 500 000 et de 500. 0000 à 600.000 Francs ; Où allons nous ; on dirait que l’usine n’est pas au Mali». Lorsque la question est posée à notre interlocutrice de savoir qui elle tient pour responsable de toute cette spéculation qu’elle dénonce, la réponse qu’elle donne en dit long sur son état de frustration : «Je ne sais pas qui est responsable, tout ce que je veux c’est avoir les pagnes pour nos femmes, c’est tout !».

Pourquoi le tissu du 8 mars manque t-il au moment où la demande est encore forte? Mme Togo, celle qui est chargée de la vente dégage toute responsabilité : «Je ne peux rien vous dire à ce sujet; Ma responsabilité se limite à réceptionner les pagnes et à les vendre aux femmes qui en font la demande ;  Je ne suis donc qu’une simple serveuse ; Mais ce que vous pouvez, vous-même constater, c’est que nous attendons toujours qu’on nous fournisse».  A ces mots, notre interlocutrice se retourne pour nous indiquer, en pointant l’index vers la cour, une file de femmes qui attendent impatiemment de pouvoir bénéficier du précieux… sésame.

Sory Coulibaly

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