Malgré les difficultés économiques du fait de la crise sociopolitique que traverse notre pays, Bamako est en chantier. Partout, des maisons en dur poussent comme des champignons. Ce léger boom du BTP a stimulé le commerce des matériaux de construction. De plus en plus, les quincailleries se livrent une concurrence sauvage. Mais, comme l’on dit, tout ce qui brille n’est pas forcement de l’or. C’est le cas du ciment. Le sac pèse normalement 50 kg et la tonne coûte entre 91 000 et 92 000 FCFA sur le marché selon le mode d’acquisition du produit. Mais, puisque le Mali a souscrit volontaire à toutes les conventions internationales relatives à la liberté d’entreprise, garantie par la Constitution, le prix est par conséquent libre sur le marché à la différence du système d’économie dirigée où le prix est fixé par le gouvernement. En optant pour la libre entreprise, le peuple souverain du Mali a estimé que c’est dans l’intérêt du consommateur final. Mais, sans compter sur la capacité de contournement du commerçant. Tel est le cas du ciment. Actuellement sur le marché de la capitale, ce produit est proposé à tous les prix aux dépens non seulement de la quantité, mais de la qualité. Pour s’en convaincre, il suffit de faire un tour sur le parking des gros porteurs à Faladiè Carrefour.
Selon nos sources, des camions de 40 tonnes y sont immobilisés pendant des jours. Le temps nécessaire pour permettre au réseau de fraudeurs de tailler dans le poids de tous les sacs sur la plateforme. Certains sacs sont amputés de 5 kg pour permettre aux commerçants d’amplifier leurs bénéfices en vendant les mêmes sacs entre 90 000 et 92 000 FCFA la tonne selon le type de client qui se présente à eux. AD est un jeune cadre qui a entrepris des travaux d’extension de sa maison. Pour cela, il a ouvert un compte auprès d’un fournisseur qu’il alimente régulièrement dans le but de s’assurer de la fourniture continue des matériaux aux ouvriers. Grande fut sa surprise lorsque par simple curiosité, il a voulu prendre des nouvelles sur le prix du ciment indépendamment au circuit de fourniture de son fournisseur habituel. Il découvre qu’il achetait des sacs de ciment incomplet. Lorsqu’il poussa sa curiosité pour en savoir plus, il se rendit compte que la pratique est bien organisée. C’est un vaste réseau qui implique les importateurs, les transporteurs et les distributeurs. C’est ce qu’on appelle dans leur jargon « le ciment logé ».
Ce sont des sacs qui pèsent moins de 50 kg, qui est le poids normal. La technique est subtile. Ils introduisent un tube cylindrique à l’intérieur du sac qu’il incline un peu. Le produit est déversé dans un récipient placé en dessous du sac de ciment. La quantité prélevée peut varier d’un sac à un autre et d’un vendeur à un autre, mais la finalité est la même : diminuer la quantité de poudre de ciment pour jouer sur le prix de vente en détail. Selon nos sources, certains commerçants peuvent ainsi récupérer jusqu’à 5 sacs sur chaque tonne. Cette différence leur permet non seulement de faire plus de bénéfice, mais surtout de rattraper le gap sur le prix réel qu’ils dissimulent dans le but d’appâter le client, l’empêchant d’aller chez le concurrent. En clair, c’est ce qu’on appelle de la concurrence déloyale. A en croire nos sources, la pratique est courante avec le ciment importé du Sénégal. C’est pourquoi, nos commerçants préfèrent le ciment sénégalais contre les productions nationales. Parce que les fabricants locaux sont très attentifs sur ces détails. Faites l’expérience vous-mêmes. Vous allez vous rendre compte du système de vol de ces fraudeurs. Il s’agit de regarder entre deux sacs, celui qui porte des embonpoints et celui qui est très épais au point de se plier en deux. C’est le premier qui contient la quantité normale, le second est le « ciment logé ».
Approchés par nos soins, les responsables de la Direction Nationale du Commerce et de la Concurrence ont immédiatement ouvert une enquête pour sévir contre ces contrevenants. Qui déstabilisent le marché de la construction avec des risques graves d’effondrement que cela représente pour les clients. Nous allons y revenir dans nos prochaines éditions.
M. A. Diakité