Vendeurs ambulants dans la circulation routière : Pour survivre, ils défient la mort

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Un arrêt au niveau des feux tricolores de Bamako permet de faire un constat. Des vendeurs ambulants occupent les trottoirs des grandes artères de la ville. Marchandises à bout de bras, ces vendeurs à la sauvette se positionnent au niveau des feux tricolores pour proposer aux passants des articles de divers usages. Des échanges inouïs s’engagent entre eux et les usagers de la route, dans des marchandages qui n’en finissent pas et de nature à perturber la circulation. Qui sont ces vendeurs qui agacent mais constituent parfois une aubaine aux usagers ?  Un service de proximité qui n’est pas sans risque…

Il est 10h et nous sommes au niveau des  feux tricolores du carrefour de la Primature; précisément au rond point. Le feu de signalisation est passé au rouge… Parfait, c’est le moment ! Moins de deux minutes pour faire de bonnes affaires. Il faut donc aller vite, très vite ! 

 Les mains chargées d’articles de tous genres (chargeurs de portable, coton tige, cartes de recharges, gadgets, lampes torches, papiers mouchoirs…), des vendeurs se faufilent entre les véhicules et motos immobilisés, proposant leurs marchandises à qui voudraient leur prêter une attention hâtive. Une vendeuse agite ses papiers mouchoirs aux conducteurs…Un motocycliste lui tend 100fcfa et prend le paquet de pile. Elle tente le même manège auprès d’autres usagers qui, agacés et impatients (le feu passera bientôt au vert), se détournent.

Et elle s’éclipse de façon hâtive : le feu vient de passer au vert. Une minute après, le même scénario se répète. Elle se confie: « C’est le perpétuel recommencement, tous les jours! Mais c’est mieux que rien » dit-elle, l’air embarrassé.

Interrogée quant aux risques de cette activité, elle déclare : « Nous sommes rarement victimes d’accidents ici, cependant les conducteurs de motos ont tendance à se ruer sur nous » reconnait- elle d’une voix attristée.

Il s’agit là, reconnaissent tous, d’un risque permanent d’accident ajouté à celui de l’exposition aux autres nuisances. « Je souffre souvent de la grippe et de la toux » dit-elle.

La moisson en vaut-elle la peine ? D’abord réticence à livrer son secret professionnel, notre vendeuse finit par avouer : «Les temps son durs… On récolte de maigres bénéfices… Les affaires marchent cependant mieux ici qu’à rester assis au marché … On est au moins sûr de vendre ici ».  

S’exposer à autant de risques pour un revenu précaire ! Difficile de se soustraire à   cette réalité lorsqu’on n’a vraiment pas le choix !

 A la merci des escrocs Oumar est un vendeur originaire de Ségou. Il s’est spécialisé dans les morceaux de tissus servant de serviettes et torchons. Dès que le feu passe au rouge, il présente son article aux conducteurs de camion. Un chauffeur s’en procure et s’essuie aussitôt le visage. Tout joyeux, ce vendeur se confie dans un français approximatif :

« Ce job me profite malgré les difficultés ! ».

 Si à ce carrefour, les risques sont apparemment mineurs, le cas du rond point du square Lumumba est plus élevé. Ici les vendeurs sont victimes d’escroquerie de la part de certains clients. Ces derniers leur remettent sciemment des faux billets.

Nous sommes au niveau de l’artère menant à Dabanani. Ici ce sont les vendeurs des cartes de recharge qui rivalisent d’ardeur. On n’attend pas forcément le feu pour écouler sa marchandise. Très dévoués, ils font leurs opérations à pas de course, accompagnant les clients loin des limites des feux de signalisation.

Solo, un vendeur, explique : « Nous sommes exposés à la fumée, à la poussière et au soleil, nous souffrons de rhume et de fatigue. Mais le risque le plus grand est la réception de faux billets ».

Sur ce point, les autres vendeurs interviennent de concert: « Il ne se passe un seul un jour sans qu’un d’entre nous reçoive un faux billet».

D’un feu tricolore à l’autre, les difficultés varient. Les expériences personnelles des vendeurs aussi.

Vendeurs de morceaux de tissus, papiers mouchoirs et vendeurs d’eau glacée … les mêmes risques

    Une vendeuse d’eau glacée debout  « place Koro » raconte ses mésaventures. Au prime abord, il qualifie ce boulot de très «contraignant et dangereux «. Ses douleurs dans les reins et articulations le lui rappellent. Il est cependant prêt à les supporter à la seule pensée des parents dans l’attente d’une subsiste.

Elle poursuit : «à la moindre occasion, les usagers emportent vos sous»…

Et la pluie, en cette période hivernale, constitue une véritable source de mévente.  « Souvent, nous ne  gagnons même pas le prix du transport pour retourner à la maison ».

Evidemment, ce n’est pas une partie de plaisir et nombre d’entre eux attendent trouver mieux pour changer de métier: « Si je trouve un job rémunéré seulement à hauteur de 30.000F par mois, je quitte cet enfer».  En attendant, il faudra bien continuer à envoyer de l’argent aux parents.

Awa, est vendeuse de pain à Faladjé, face de la direction générale de la douane. Sa journée commence à 05 H du matin à la boulangerie en compagnie de son enfant de 2 ans porté au dos.

Après s’être ravitaillée là, elle se rend devant l’hôtel Faso pour vendre à la sauvette. Il arrive des fois que le client lui remette moins qu’il n’en faut pour ses baguettes et démarre en trombe. Plus ! Au moment de remettre.

Malgré tout cependant, son activité lui permet d’aider effacement son époux handicapé moteur et au chômage. Il en est ainsi depuis maintenant 08 ans.

Du carrefour de la Primature en passant par le rond point du square Lumumba, aux différents carrefours de la capitale, l’ambiance est la même, les risques varient à des degrés divers.

Face à cet état de chose, les solutions proposées par les vendeurs eux-mêmes sont spécifiées. Il serait bon que L’Etat qui est responsable du bien-être et de la sécurité publique se penche sur la question des vendeurs ambulants au niveau des feux tricolores. Ces endroits sont transformés en de véritables marchés. Et l’effectif des vendeurs augmente. Les risques aussi, au regard de la concurrence.

Les dangers sont aussi pour les usagers dans la mesure où la qualité des produits et leur hygiène ne sont pas garanties.

Il appartient à la municipalité et aux autorités de tutelle de réfléchir sur les solutions, la répression n’ayant rien donné. Rappelons enfin que la période la plus propice à cette activité est le mois de Ramadan.

Paul N’guessan

 

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