Vague de mariages à la veille du Ramadan : Toujours plus frénétique

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Cette année encore, Bamako n’a pas dérogé à sa réputation et des centaines de couples ont défilé devant « Monsieur le maire ».

 C’est devenue une tradition qui se renforce d’année en année à Bamako. A la veille du mois béni de Ramadan, le nombre de mariage décuple. Cette année encore, la capitale n’a pas dérogé à sa réputation en la matière. Depuis des semaines, les jeudis, samedis et surtout les dimanches, l’affluence est à son comble dans les centres d’état-civil et dans les mosquées de Bamako. Les candidats au mariage ont défilé par dizaines devant les officiers d’état-civil. Dans les rues, d’imposants cortèges constitués de belles voitures ornées de guirlandes et de motocyclistes cascadeurs, animent la circulation. Cette frénésie d’unions profite bien entendu à pas mal de monde : propriétaires de salons de coiffure, de boutiques location de robes, loueurs de véhicules, de chaises, de chapiteaux, organisateurs de spectacle, cuisinières professionnelles ou occasionnelles, échangeurs de billets de banque, artistes, griots, animateurs radios, cameramen, photographes…, tous se frottent les mains et se tapotent la poche.

Depuis la mi-juin, le mouvement s’est déclenché pour s’amplifier au fil des semaines. Sans être une tradition de longue date, encore moins une recommandation religieuse, les mariages à la veille du mois de Ramadan sont devenus un phénomène très, très, très à la mode à Bamako. Les chiffres recueillis dans différentes mairies et centres secondaires d’état-civil du District de Bamako sont assez édifiants. Selon des estimations, plus d’un millier de mariages ont été célébrés dans la capitale entre la mi-juin et le 24 juillet. Soit une moyenne de plus deux cent mariages par commune. Nombre de mairies et centres secondaires d’état-civil ont battu des records. C’est le cas du centre de Médine en Commune II qui a célébré 97 mariages du 2 au 24 juillet dont une vingtaine pour le seul dimanche du 10 juillet. Au centre d’état-civil de Missira, toujours en Commune II, 54 unions ont également été nouées durant la même période. Pour le centre secondaire d’état-civil de Kalaban-Coura, les officiers d’état civil ont uni 90 couples dans le laps de temps en question dont 35 le fameux dimanche 10 juillet. Et ici, une vingtaine d’unions sont prévues pour dimanche prochain.

LES MOSQUEES AUSSI. Le centre d’état civil principal de la Commune III affiche environ 70 mariages pour la même période contre un peu plus de 80 en Commune IV et V. Dans le même temps, les mosquées ont sans doute été encore plus sollicitées quand l’on sait que nombre de couples célèbrent leur union dans les mosquées en remettant la cérémonie civile à plus tard. Selon l’imam de la mosquée de N’Tomikorobougou, Abdoulaye Koumaré, ce lieu de culte n’avait jamais connu une telle affluence pour les mariages.

« Depuis plus d’un mois, nous célébrons pratiquement tous les jours des mariages religieux. Souvent nous sommes totalement débordés avec en plus les cortèges incessants qui accompagnent les mariages », témoigne le religieux en notant que si la religion musulmane encourage le mariage à la veille du Ramadan, il ne s’agit pas d’une prédiction islamique. Pour lui, il s’agit simplement d’un phénomène de société. « Un mariage musulman peut être célébré à tout moment de l’année. Il n’y a pas de période interdite pour le mariage. Cependant, il y a des références à des moments particuliers pendant lesquels il est plus souhaitable de célébrer son mariage.

Certains théologiens musulmans considèrent ainsi qu’il est bien de se marier pendant le mois de « Chawwâl » (le mois qui suit le Ramadan) comme le fit le Prophète Mohamed (PSL) avec sa première épouse. D’autres connaisseurs de l’islam estiment qu’un mariage célébré un vendredi a plus de chance de survivre et de se consolider. Mais de façon générale, l’homme et la femme qui désirent accomplir le rite du mariage peuvent choisir librement n’importe quelle date », explique l’imam Koumaré. Avant d’ajouter que choix de la veille de Ramadan pour célébrer le mariage est une tendance purement malienne et surtout bamakoise. « En fait, les familles veulent renforcer leur main d’œuvre féminine pour les travaux de cuisine qui augmentent considérablement en volume pendant le mois de Ramadan. En mariant les jeunes, il s’agit en même temps d’éviter aux jeunes de sortir pendant le mois béni de Ramadan », poursuit le religieux.

DES DERIVES. Et comme on peut l’imaginer, ces mariages occasionnent une véritable saignée financière dans certaines familles où toute l’épargne de plusieurs années est dilapidée en un seul jour. Mme D. F. N. qui a marié ses trois filles le 10 juillet dernier, détaille ses dépenses de cette seule journée. Une journée qu’elle n’est pas prête d’oublier. « Nous avons dépensé plus de 2 millions Fcfa dans la nourriture, les boissons, les locations de bâches et de chaises et dans les autres aspects des festivités. J’ai investi plus de 3 millions dans l’achat des ustensiles pour les nouvelles mariées. J’ai tout fait pour décaler ces mariages à l’après-Ramadan. En vain, car mes beaux-fils ont beaucoup insisté.

Or, il ne faut pas oublier que ce mois est particulièrement dispendieux », confie la mère de famille. Au Grand marché de Bamako, beaucoup de commerçants sont satisfaits. Vieux Doumbia est commerçant d’ustensiles de cuisine. Il ne cache pas sa satisfaction. « Nous avons presque tout vendu. Vous voyez que la boutique est pratiquement vide. Cette année a été exceptionnelle. Les commerçants ont vraiment fait de bonnes affaires avec les ustensiles et le textile. Nous sommes obligés de lancer de nouvelles commandes pour le Ramadan », sourit-il. Mais les mariages à Bamako ont leurs travers comme le gaspillage d’argent. L’affluence autour des « cambistes » dans la rue 305 au Quartier du fleuve et en face de la BDM, ces dernières semaines atteste de la propension de certains de nos compatriotes à céder à la folie des grandeurs.

Ces derniers jours, les coupures neuves de 1000 et 2000 Fcfa particulièrement sollicitées pour être distribuées lors des cérémonies de mariage aux griots et griottes, avaient pratiquement disparus de la circulation. « Nous avons échangé tous nos nouveaux billets de 1000 et 2000 Fcfa. Les commissions de change ont même doublé à l’occasion. Avant cette période, on échangeait 5000 Fcfa en coupures neuves de 1000 Fcfa contre 500 Fcfa de commission. Mais aujourd’hui, les mêmes 5000 Fcfa sont échangés à 1000 Fcfa. Le 10 juillet et le 24 juillet, on n’avait plus de coupures de 2000 et 1000 Fcfa », confie un cambiste.

LES ULTIMES SALVES. Les concessionnaires de robes de mariée qui sont d’autres grands gagnants de la vague de mariage, tout en reconnaissant leur bonne fortune, émettent une complainte inattendue : les dommages causés aux robes qu’ils louent. « Nos robes sont généralement dégradées à cause du bizutage dont font l’objet les mariées de la part des collègues du marié. Nos robes sont déchirées ou couvertes de taches parfois indélébiles. Cette période d’hivernage n’a pas arrangé les choses », déplore ainsi la propriétaire d’un salon de location de robes.

Le phénomène de prise « en otage » de la mariée est aussi déploré par les officiers d’état-civil. Le maire de N’Tomikorobougou, Oumar Tolo, est en colère. « Je vous assure que quand il y a un mariage de porteur d’uniforme par exemple, nous craignons toujours le pire. Pour enlever la mariée, ils sont capables de tout. Nos locaux subissent régulièrement des dommages à l’occasion des mariages. Certaines mariées sont tellement secouées qu’elles piquent des crises de nerfs à la mairie », déplore l’édile. Ainsi va Bamako, les jours de mariage. Et à quelques jours du début du mois de carême, les mairies et centres secondaires d’état civil tireront les ultimes salves samedi et dimanche.

L’ESSOR du vendredi 29 juillet 2011, par Doussou Djiré

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