Hier, pendant que j’attendais d’être reçu par mon médecin traitant au Centre Hospitalier Universitaire Gabriel Touré (CHU-HGT), j’ai entendu un aide-soignant dire à son collègue qu’il n’était pas fou pour manger dehors parce qu’il tenait beaucoup à sa santé. J’avoue que cela m’a fait rire aux éclats. Si manger dehors est une caractéristique spécifique de la folie, Dieu seul sait si nous sommes nombreux dans le Maliba à être fous. Car, on en compte par millions, les Maliens qui mangent dehors !
Cela dit, il n’a pas tout à fait tort. Car, acheter à manger dehors, c’est parfois aussi acheter des maladies. Prenez l’exemple de l’huile alimentaire utilisée dans la préparation des plats vendus dehors. Franchement, on en a parfois peur. Utilisée « recto-verso » et voire « en intercalaire », elle finit par prendre une couleur parfois même plus sombre qu’une huile de vidange fatiguée. Et c’est là que vous vous rendez compte que « huile, c’est pas huile ».
Je le dis d’autant plus que j’ai l’habitude de voir la vendeuse d’attiéké du quartier recueillir dans son gros bidon, l’huile utilisée pour frire le poisson, pour la réutiliser le lendemain et les jours suivants. Si bien que plus les jours avancent, plus la couleur de son huile de friture s’assombrit. Ce n’est que lorsque celle-ci devient aussi noire que « le derrière » d’une marmite en ébullition, qu’elle se résout à jeter cette huile. Moi, en tout cas, je suis très regardant sur ma santé : pour ne pas prendre de risques, je n’achète pas de fritures n’importe où hein ! Que croyez-vous ? Moi je suis un fou de première classe ! Et ce n’est pas le malin !
Pourtant, le mois passé, je me rappelle, puisque j’étais à côté, que le neveu de la bonne dame, un agent du Laboratoire national de santé (LNS), l’avait sensibilisée sur les dangers de l’utilisation répétée des huiles alimentaires pour la santé. Il lui avait expliqué que l’huile alimentaire, utilisée plus d’une fois, perd de sa composition chimique. Ce n’est plus de l’huile, et ce qui est grave, c’est très mauvais pour la santé. Car, selon ce qu’il lui a dit, c’est en partie ce qui explique la recrudescence des cancers dans nos villes, des maladies cardio-vasculaires et autres. Une autre personne très au fait de ces questions, m’a confirmé la même chose. Dans un langage propre aux spécialistes, elle m’a expliqué qu’à force de passer sur le feu, surtout si elle n’est pas de très haute qualité, l’huile libère ce qu’on appelle dans le langage des spécialistes, des « radicaux libres », un vrai danger pour l’organisme qui se voit ainsi exposé au cancer. Elle m’a dit toutefois qu’une fois utilisée, l’huile peut être réutilisée seulement à l’état froid pour les crudités par exemple. Bref il faut éviter de la réchauffer.
Notre mort est souvent dans nos assiettes
Mais tous ces conseils semblent être tombés dans l’oreille d’une sourde car Tanti a gardé ses bonnes vieilles habitudes. Ce qui ne m’a guère étonné. Car, j’avais vraiment du mal à l’imaginer se débarrassant d’une huile qu’elle n’aura utilisée qu’une seule fois ; elle qui passe le temps à se plaindre que ses affaires ne marchent pas, même si, chaque jour, ses clients continuent à affluer. Certains vendeurs d’aliments, tout comme Tanti, connaissent bien les dangers auxquels ils exposent leurs clients, mais ils n’en ont cure. Ne cherchez pas loin la raison d’un tel comportement : la cupidité.
Pour d’autres, par contre, c’est l’ignorance qui les amène à utiliser l’huile alimentaire plus d’une fois. Ceux-là ont besoin de sensibilisation. Eux, on ne peut pas les accuser de faire exprès et d’être méchants. Mais cette ignorance ne concerne pas que les commerçantes et commerçants de dehors. Car, même au sein des foyers, l’utilisation multiple de l’huile alimentaire est une pratique courante. Combien sont celles qui remettent plusieurs fois au feu, l’huile consommée à la maison ? Attention, danger ! Quelqu’un a eu à dire que notre mort est souvent dans nos assiettes. Et il n’a pas tort. Ce que nous mangeons précipite notre départ vers la tombe. C’est la triste réalité.
Mais comme je l’ai déjà dit, « huile, c’est pas huile ». Il y a des huiles de très bonne qualité, qui résistent longtemps à la chaleur, qui ne se détériorent pas très vite au contact de la chaleur. Mais ces huiles-là, ma foi, ce n’est pas donné à n’importe qui ! Vu leurs coûts prohibitifs, elles sont inaccessibles au Malien lambda C’est sûr, si ces huiles de haute qualité étaient à la portée du Malien moyen, on limiterait les dégâts. Une politique du gouvernement dans ce sens, ferait certainement beaucoup de bien aux maliens. Car, après tout, on est face à une question de santé publique.
En plus de la question de l’accès aux huiles de qualité, un travail de sensibilisation de la population sur les dangers de l’utilisation répétée des huiles alimentaires, s’avère nécessaire. La Ligue des consommateurs a donc sa partition à jouer dans cette lutte pour la santé publique. Mais cela doit aussi être l’affaire des consommateurs eux-mêmes, qui doivent se montrer très exigeants. Une anecdote : j’ai un ami qui, quand il achète de l’attiéké, exige que l’huile qu’on mettra dans son assiette, sorte directement du bidon contenant de l’huile encore non utilisée. En tout cas, personne ne doit se rendre complice de ce suicide collectif. Chacun, à son niveau, doit et peut jouer sa partition. Assurément, l’huile tue, elle tue au Mali et il faut que les gens en prennent conscience. Et tout le monde devrait se sentir concerné par cette question, car il y va de la santé de tous.
Mariam Konaré
Karim Koudougou, Biochimiste, à propos des huiles alimentaires pour fritures
« Il est déconseillé d’utiliser l’huile plus de quatre fois »
La rubrique de cette semaine, la santé dans nos assiettes, se penche sur l’utilisation des huiles végétales alimentaires pour fritures. Le biochimiste Karim Koudougou, dans ces lignes, donne des conseils sur l’utilisation des huiles pour la friture. Lisez !
La friture est une opération qui consiste à immerger un aliment dans un corps gras ou une huile « bouillante » qui sert « d’intermédiaire » pour le transfert de la chaleur. La friture se traduit par une déshydratation à haute température (160 à 190°C) de l’aliment.
Il convient de distinguer la cuisson de la friture. Si un bain de friture subit plusieurs cycles de chauffage, une cuisson est une opération unique, généralement menée à des températures inférieures à celle d’une friture.
« Le Pays » : Quelles sont les huiles qu’il faut choisir pour la friture ?
Karim Koudougou : En raison de la température et du temps de friture, il est conseillé de choisir des huiles stables à la chaleur. Il s’agit des huiles spécialement préparées à cet effet, comme les huiles végétales étiquetées « Pour friture » ou les beurres (beurre de karité par exemple) particulièrement résistants aux « hautes » températures.
Les huiles de noix de coco, d’olive, d’arachide, de graines de coton, de palme et certaines margarines (Margarine standard et margarine végétale) sont stables en friture. Les margarines pour fritures sont souvent hydrogénées, donc susceptibles de contenir des acides gras qui sont des substances indésirables.
Quels corps gras ne pas utiliser ?
Les huiles de maïs, de tournesol, de colza et de soja sont riches en acides gras polyinsaturés, qui sont par nature plus fragiles à la chaleur. Elles sont déconseillées pour les fritures et les cuissons prolongées et à températures élevées. Leur utilisation pour de telles opérations peut conduire à leur dégradation avec production de fumée, de fortes odeurs et de substances toxiques (peroxydes, composés polaires, radicaux libres, …) liées à l’altération de leurs composants. Ces substances, une fois dans l’organisme, pourraient être responsables d’intoxications diverses pouvant entraîner des cancers, des maladies cardiovasculaires notamment. Certaines huiles végétales étiquetées «Pour friture et assaisonnement», devraient être utilisées avec précaution en friture en raison de leur teneur élevée en acides gras polyinsaturés, qui les rend instables à la chaleur.
Elles sont beaucoup plus conseillées pour l’assaisonnement.
L’emploi d’huiles végétales riches en acides gras polyinsaturées dans certaines recettes de plats à cuire (même au four) est tout à fait possible si la cuisson est effectuée à feu doux et avec un temps de cuisson court.
Comment réaliser une friture saine ?
Éviter de chauffer le bain trop fortement ou trop longuement.
Éviter de plonger des aliments trop humides dans un bain de friture. Pour cela, laisser égoutter par exemple les tubercules (patates douces, ignames, pommes de terre, …), les viandes / poissons ou certains légumes découpés (oignons, …) avant de les frire. L’excès d’eau de ces aliments en contact avec l’huile chaude contribue à sa dégradation.
La friture de certains aliments comme les poissons, les croquettes, les beignets et autres produits similaires (contenant de la matière grasse ou des œufs) fait mousser le bain de friture en s’y mélangeant ; cette mousse persistante rend le bain inutilisable plus rapidement.
Attention ! Cette mousse n’est pas à confondre avec le bouillonnement normal observé à l’introduction des aliments lors des fritures.
Filtrer le bain après chaque usage afin d’éliminer les débris d’aliments qui risqueraient de carboniser la fois suivante et contribueraient à dégrader ledit bain.
Après une friture, garder le bain de friture dans un récipient fermé, à l’abri de la chaleur, de la lumière et de l’air pour éviter son altération. Mais ne pas laisser cette huile plus de 2 ou 3 semaines sans l’utiliser.
Quand changer d’huile ?
Plusieurs signes indiquent l’altération de l’huile lors des fritures. Il appartient aux utilisateurs d’être attentifs à ces signes. Dès leur apparition, il faut obligatoirement changer l’huile. Il s’agit :
– du brunissement de l’huile (l’huile devient sombre) ;
– de l’apparition de mousse stable (en rappel, à ne pas confondre avec le bouillonnement normal observé à l’introduction des aliments lors des fritures) ;
– de l’épaississement et de l’augmentation de la viscosité de l’huile ;
– de la production de fumées ;
– des odeurs rances.
Il est déconseillé d’utiliser l’huile plus de 4 à 6 fois. Jeter l’huile de friture qui a fumé, qui est trop foncée, trop ou assez visqueuse, qui a une odeur rance, qui ne bouillonne pas lorsqu’on ajoute les aliments, ou qui mousse.
Karim KOUDOUGOU, Biochimiste
Le barbecue (tant vanté à la TV) est tout aussi cancérigène !
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