Samedi dernier, l’enceinte de l’UMAV a abrité une rencontre de dénonciation et de précampagne contre le Président M. Moumouni Diarra. Ce dernier, après une audience accordée au collectif pour le changement, avait promis une seconde rencontre lorsqu’il aura consulté ses proches collaborateurs autour d’un rapport en date du 10 octobre 2013 et à lui remis à la fin de la rencontre, lui demandant de ne plus briguer un mandat. Mais dans une lettre en date du 26 décembre 2013, et après constat que tout avait été dit entre eux sur le contenu dudit rapport, le Président a indiqué au collectif ne pouvoir lui accorder une seconde audience. Ce qui a provoqué l’ire du collectif. Ainsi, les participants à la rencontre de samedi, avec comme conférenciers Lassine Coulibaly, Moussa Kéita, Nyaman Diarra, veulent tout mettre en œuvre pour faire partir le Président lors des élections prévues en juillet. Que reproche-t-on au Président et qu’en pense ce dernier ?
Vision du collectif pour le changement
Le collectif estime que l’UMAV traverse depuis quelques années des difficultés d’ordre scolaire, sécuritaire, professionnel et statutaire qui se sont accumulées et aggravées surtout pendant le troisième mandat de son actuel président. D’où sa requête auprès du Président de ne plus briguer d’autres mandats afin d’éviter le pire. Et le collectif n’a pas manqué d’égrener un chapelet de critiques et de suggestions dans le rapport et reprises dans l’assemblée d’information et de sensibilisation pour passer à l’action contre le Président.
Au plan scolaire, le collectif propose l’organisation d’une journée de réflexion sur les problèmes scolaires et l’orientation des élèves et étudiants vers d’autres filières possibles que seulement l’IFM pour ceux qui ont le DEF et la FLASH ou l’ENA pour les bacheliers. Il exige que tous les nouveaux enseignants apprennent d’abord le braille avant d’intégrer les classes ; que les cours de l’après-midi et du soir soient redynamisés ; que soient mis en place une équipe chargée des AVJ (activités de vie journalière) et de la mobilité des enfants non-voyants ; que la perception des frais de scolarité des élèves non-voyants soit arrêtée ; que soit recruté un nouvel infirmier et que l’infirmerie soit fournie en médicaments ; que le service social soit activé.
Le collectif pour le changement demande également que l’UMAV trouve la solution de renouveler constamment les matériels didactiques des élèves et étudiants et de leur donner cent feuilles braille par mois ; nomme un directeur de études et un chef d’internat ; renforce l’équipe de la reprographie pour la transcription des documents des enseignants, élèves et étudiants relatifs aux programmes officiels ; mène des démarches auprès de l’Etat pour la prise en charge de l’internat, de l’eau et de l’électricité et l’augmentation de sa subvention annuelle accordée à l’UMAV. Le collectif demande aussi de réparer et entretenir régulièrement les douches internes et externes et que le compteur ne soit plus fermé afin d’éviter l’insalubrité pouvant engendrer des maladies de toutes sortes. Que les céréales de l’internat soient judicieusement utilisées afin de ne plus anticiper les congés, et que la quantité et la qualité de la nourriture soient améliorées ; que l’UMAV cherche des jeux tels que le domino, le damier et le jeu d’échec pour les enfants.
Concernant la SOPRAM (Société de production), le collectif demande le remplacement des ouvriers retraités ou décédés par des ” déperdus ” scolaires ; d’associer les ouvriers aux démarches de recouvrements de créance auprès des structures concernées et faire davantage la promotion de leurs produits auprès des académies d’enseignement, des CAP, des promoteurs d’écoles privées, des maires et des structures sanitaires publiques et privées tant à Bamako que dans les régions. Aussi, que l’UMAV crée d’autres métiers pour permettre à un grand nombre d’aveugles de se nourrir à la sueur de leur front.
Enfin concernant l’UMAV, que la révocation de toute personne travaillant au compte de l’UMAV ne soit désormais décidée que par le conseil du Bureau Exécutif National ; que les affaires, problèmes ou litiges ne soient plus tranchés par la structure hiérarchique que sauf si la structure concernée se sente incompétente ; que soit sécurisée la cour par la reconstruction du mur d’enceinte, l’éclairage de toute la cour et le recrutement d’autres gardiens. Le collectif estime en outre que l’UMAV ne profite pas des activités de la FEMAPH malgré sa présence aux postes clés, et demande donc qu’une solution rapide en soit trouvée, tout comme il faut le recrutement d’un encadreur et d’un manager pour l’orchestre. Enfin le collectif demande de renouveler du bureau sportif et de procéder à la relecture des textes de l’UMAV pour limiter le nombre de mandats du président à deux et corriger d’autres lacunes.
La réplique du Président
Selon M. Moumouni Diarra, l’audience qu’il a accordée au collectif a duré de 14 h 30 à 18 h 30 soit 4 h d’horloge. Ils ont largement échangé sur les problèmes consignés dans le rapport en question. C’est pourquoi il a écrit au collectif qu’après examen dudit rapport, il est au regret de ne pouvoir lui accorder une autre audience.
Selon le Président, le collectif pour le changement est illégal car tous ses éléments sont membres de l’UMAV dont l’adhésion est libre. Et il y a des instances à l’UMAV qui donnent l’occasion de susciter le débat. Pour le Président, le collectif est en contradiction flagrante avec les textes de l’UMAV, il n’a pas de récépissé, ses membres n’ont pas demandé à quitter l’UMAV dont ils sont d’accord alors avec les textes qui ne limitent pas le nombre de mandats dont la durée est cependant déterminée (4 ans).
M. Moumouni Diarra a rappelé que l’UMAV a été créée en septembre 1972 avec comme premier Président M. Ismaël Konaté qui a exercé jusqu’en 1991, ce qui correspondant à environ 5 mandats, même s’il n’y avait pas d’élection. Il a été victime de l’insurrection populaire de 1991 au Mali de la part de personnes qui prenaient prétexte du changement. Un deuxième président M. Mahamane Maïga a été élu en juillet 1991 jusqu’en juillet 2002 soit 3 mandats. L’actuel Président élu en juillet 2002 puis 2006 et 2010 est à son troisième mandat.
Et le Président de déclarer : ” Quand je venais, j’ai fait l’état des lieux, il y avait beaucoup de problèmes. Entre autres, il y avait des arriérés INPS autour de 24 millions de F CFA de cotisations impayées par l’UMAV, 7 mois d’arriérés de salaires, des factures mensuelles d’électricité impayées de l’ordre de 400 à 600 000 F CFA et d’eau de 300 à 400 000 F CFA/mois. Bref, il y avait beaucoup d’impayés à l’UMAV. Ce sont des problèmes récurrents qui ne datent pas d’aujourd’hui. Cependant, j’ai réussi à réaliser une amélioration des conditions de vie et de travail notamment l’augmentation de salaire à 55%, et concernant les infrastructures 12 classes ont été construites dont 6 au niveau du second cycle et 6 au niveau du lycée, en plus de deux bâtiments administratifs pour la direction et 54 motos offerts gratuitement aux travailleurs. Donc il y a eu un changement de ma venue à aujourd’hui. Le bilan est indéniablement positif. De 2002 à 2011, le taux moyen d’admission s’élève à 80% au niveau fondamental et le taux moyen de passage au niveau du secondaire de 70%. Pour la prévention contre la cécité une unité d’ophtalmologie a été construite et équipée pour les consultations et soins au profit de toute la communauté. Tous les bâtiments ont été badigeonnés, des matériels de travail ont été offerts. 36 agents ont été intégrés à la fonction publique de l’Etat et des collectivités. En aucun jour les enfants n’ont été dans des difficultés pour manger grâce aux bonnes volontés, ils ont les trois repas.
Concernant les arriérés EDM d’un montant d’environ 49 millions de F CFA et d’eau 29 millions de F CFA, en janvier 2012 le Premier ministre Mariam Khaïdama m’a reçu et a instruit au ministre de l’économie et des finances Lassine Bouaré de s’occuper du dossier qui a été transmis au directeur général du budget. L’Etat a payé plus de 39 millions de F CFA à EDM et 26 millions de F CFA à SOMAGEP donc il reste environ 13 millions pour EDM et SOMAGEP. Mais l’Etat ne nous avait rien dit et EDM est venue couper. C’est l’actuel ministre du budget qui nous a informés et sur notre intervention l’électricité et l’eau ont été rétablies. Nous allons demander à l’actuel ministre du travail et des affaires sociales de payer les factures restantes.
Je voudrais préciser à l’intention du collectif que le président n’a aucun pouvoir de changer les textes ni de s’opposer à une candidature. Quand je recevais leur rapport, je nourrissais la réflexion de me retirer ou de poursuivre. Mais à la suite de ce rapport, j’ai opté pour la poursuite en vue de ne pas l’UMAV s’écrouler en raison de ma contribution historique qui volera en éclats.
Concernant l’eau, je ne peux pas demander à l’Etat de venir à notre secours et procéder au gaspillage, car il y avait une utilisation abusive de la part de personnes étrangères à l’UMAV dont les gens qui viennent le soir pour les entrainements et qui se lavent. J’ai donc décidé d’ouvrir le robinet de 6 h à 8 h et de 18 h à 20 h. C’est contraignant pour moi également car ma famille est branchée sur le même robinet. Ensuite deux agents sont venus me dire l’un après l’autre que des enfants non-voyants partent dans les familles voisines pour chercher de l’eau à partir de midi. Donc j’ai élaboré une note de service pour ouvrir le robinet également de 12 h à 13 h, soit trois fois dans la journée. Je ne rejette toutes les propositions faites par le collectif car il y a toujours lieu d’améliorer les conditions de vie à l’UMAV mais dans la mesure de nos possibilités et de l’appui des bonnes volontés et de l’Etat. C’est pourquoi je pense à fournir du papier braille mais seulement aux indigents et non pas aux boursiers. Au niveau de la SOPRAM, je veux démarcher l’ANPE pour inscrire les déperdus scolaires en vue de leur trouver des stages et leur donner une attestation de qualification en vue de leur recrutement selon les besoins. Il faut préciser que SOPRAM est en redressement par un administrateur de l’Etat depuis le 2 janvier 2009. Le marché de la craie est donné par l’Etat sur appel d’offres d’un montant de 200 millions à ne pas fractionner, et c’est Tomota qui l’emporte car nous ne pouvons pas satisfaire l’offre autant que lui. Je souhaite comme solution que l’Etat pense à dissocier une part de 60 millions F CFA pour l’UMAV. Bref, le moment venu je présenterai mon bilan et mes projections pour l’UMAV “.
Soulignons que le collectif nous a remis également le rapport de Ward Tanghe, Assistant technique en gestion de International Service qui avait un contrat avec l’UMAV. Ce rapport qui date du 12 février 2008 porte sur des activités datant de 2006 et 2007, et critique bien sûr la gestion de l’actuel président qui, malgré tout, a été réélu en 2010. Nous ne voyons l’opportunité d’en faire la publication au risque de produire des contre-vérités par rapport à l’actualité de l’UMAV. C’est tout comme nous avons volontairement omis des cas de critiques du président à l’endroit de membres du collectif coupables de comportements indignes d’enseignants et d’éducateurs qu’ils sont à l’endroit d’enfants non-voyants. Mais en période de campagne, il faut parier que l’UMAV sera sur un très mauvais registre si les uns et les autres ne mettent pas un peu d’eau dans leur vin pour faire face, dans l’union et la concorde, aux défis qui se posent à leur structure.
Il conviendrait que le comité syndical joue son rôle car apparemment, l’on se demande si la colère des travailleurs ne relève pas en partie de la carence de ce bureau à défendre les intérêts des travailleurs ou du manque de communication dans la transmission des efforts déployés par le président et l’Etat. Toutefois, il y aura toujours des insatisfaits, et le président n’est pas un homme providentiel, peut-être n’est-il même pas un parfait gestionnaire des hommes et des biens. Mais y a-t-il mieux que lui au sein du collectif, et qui serait le challenger de l’actuel président ? C’est là une autre paire de manche que le collectif, lors de son assemblée, n’a pas tranchée et a soutenu que chacun doit se sentir capable. Espérons que l’UMAV trouve un bon pied sur lequel danser pour le bonheur de tous.
Mamadou DABO