La pendule de protocole ne trompe pas, mais il y a que des certitudes contradictoires ressortent de notre expérience actuelle du pouvoir. Nous pensons ici à cette visite que le Président Dioncounda Traoré a rendue, lundi dernier, au Chérif de Nioro, dans sa résidence bamakoise. Une visite dont la concomitance avec d’autres actualités est troublante.
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Le président malien de transition Dioncounda Traoré,[/caption]
Lors de son adresse à la nation le mardi dernier, le Président Dioncounda rappelait que dans ce pouvoir civil de la transition, il n’était pas un berger. Il finira son « sermon » par un ‘Vive le Mali un, indivisible et laïc ! ». Ce dont il sera question ici, c’est de cette visite rendue à un chef religieux du pays qui finira sans doute dans le commentaire. Le dignitaire religieux qui nous vient de Nioro du Sahel a dépassé ce rôle d’interface pour retrouver sa vocation, comme celle d’un poste de péage et de contre-pouvoir. Les autorités nationales savent aujourd’hui qu’elles ne disposeront plus de cette clairvoyance stratégique suffisante qui peut leur faire jouer un rôle central sans passer par la case du Chérif de Nioro. Au moment où l’heure est aux rigueurs de l’Etat, notre chef religieux tient ici la figure du procureur de la nation. Ce lundi, s’il n’a pas eu à fixer son propre ordre du jour, à qui demanderons-nous, à part le Créateur ? Qui serait comptable du premier matin de la nouvelle actualité politique ?
Le souffleur de la République
Sous la tente du Chérif Haidara de Nioro, c’est le Mali qui se parle et le Mali qui bouge. Le débat porte ici sur l’affirmation d’un droit de préséance pour ne pas se tromper d’histoire. Face à celui qu’on surnomme désormais comme le souffleur de la République, en quoi nos dirigeants pourront-ils revendiquer de nouveau l’initiative en donnant des réponses ? Tout le monde a vu le patinage sur la date de la tenue des concertations nationales. Si le Président Dioncounda Traoré ne semblait plus être sûr de son fait devant les micros à la sortie de la résidence de son hôte, le pouvoir nous donnait cette impression de chercher un bras contre des échappatoires. Une chose que le Président ne supportait pas intellectuellement autant qu’elle écorchait matériellement son autorité. Aujourd’hui, à Bamako, le pouvoir redevenait inséparablement temporel et spirituel. Le Président Dioncounda s’est déplacé chez le Chérif M’Bouillé avec tout cet « apparat de convenance » que joueraient les micros de l’ORTM. Ici il portait les titres et les lettres de la transition, et M’Bouillé l’accueillait avec sa bienveillance accoutumée. Il en est à sa deuxième, voire sa troisième visite, et nous ne savons pas qui jouerait les visiteurs du soir. Ce protocole semble être le fruit d’une relation un peu comme la politique est celui des relations sociales. Le lundi dernier, le Pr Dioncounda Traoré avait l’air d’un Ambassadeur chez M’Bouillé. L’hôte de Nioro s’est toujours fait l’obligé de toutes les Présidences de la République, ce qui lui permet, dit-on, de régner sans partage sur ses terres du Sahel. M’Bouillé est un cordon ombilical à Nioro. Il tient boutique, et les bienfaits de son commerce avec les hommes ont des retombées économiques. Le soleil ne s’est pas encore couché sur l’empire de ses activités, mais d’étranges rumeurs commençaient à circuler parmi les populations. L’homme religieux, dans un dernier meeting, a eu à se défendre tout en mettant en garde contre les envieux. Ses timides incursions dans le débat politique changent la donne. Il aurait été averti du départ de l’ancien locataire à la Primature. Il est important, aux yeux du grand public, de n’être gouverné que par un seul et il lui est tout aussi important que celui qui tient le gouvernail soit élevé de telle sorte au-dessus des autres afin qu’on en vienne pas à se comparer à lui. Si tel cas devait arriver, on trouvera toujours prétexte à former le carré. Souvenez-vous de la tactique de la tortue des légions romaines dans les batailles.
S. Koné