Jacques Attali, écrivain français, dans son manuel publié en 2006 chez Fayard, avait fait une synthèse sur l’histoire des cinquante prochaines années telle qu’on peut l’imaginer à partir de tout ce que l’on sait de l’histoire et de la science. Le temps ne lui a-t-il pas donné raison face à la nouvelle situation mondiale ? plus particulièrement celle des pays de l’Afrique de l’Ouest ?
Suivant la pensée de Jacques Attali dans son œuvre intitulée « une brève histoire de l’avenir », on peut retenir que depuis les temps les plus reculés, tout groupe humain s’est organisé autour d’une richesse, d’une langue, d’un territoire, d’une philosophie, d’un chef. A cet effet, trois pouvoirs ont toujours coexisté : le religieux, le militaire et le marchand. Et en dessous, un pouvoir différent traverse tous les autres et en prend un jour la place : le féminin, qui maîtrise la reproduction des générations et la transmission du savoir. Au Mali, la lutte implacable contre les violences basées sur le genre et l’adoption de la Loi 052/2015, témoigne cette ascension des femmes comme l’avait prédit Jacques Attali.
Dans la gestion des affaires, il rappelle qu’à partir de ces trois pouvoirs, trois grands ordres politiques se sont toujours succédés dans l’histoire du monde : ordre rituel, ordre impérial et ordre marchand. Selon Jacques Attali, dans chacun de ces ordres, une société reste stable aussi longtemps que le groupe dominant contrôle le partage des richesses. En plus, dans ces trois ordres, la défense de son pouvoir est prioritaire, car le contrôle de la richesse par le groupe dominant est menacé par des guerres, des cataclysmes naturels, des prélèvements extérieurs, des concurrents. Enfin, pour conserver le pouvoir, le groupe dominant cherche à mettre en œuvre à son profit un progrès technique, une exploitation plus intensive des faibles ou une extension de l’espace dominé. Et s’il échoue, un autre groupe dominant prend sa place.
Quand la légitimité même de l’autorité est mise en cause, un ordre nouveau s’installe, avec d’autres pouvoirs, d’autres savoirs, d’autres modes de dépense du surplus, d’autres rapports de forces géopolitiques. Ce changement suscite que le maître devienne l’esclave, le soldat remplace le prêtre, le marchand remplace le soldat.
Prédire l’avenir n’est pas un jeu de hasard
Selon Jacques Attali, aujourd’hui se décide ce que sera le monde en 2050 et prépare ce qu’il sera en 2100, la façon dont nous agirons, nos enfants et nos petits-enfants habiteront un monde vivable ou traverseront un enfer en nous haïssant. Pour leur laisser une planète fréquentable, il nous faut prendre la peine de penser l’avenir, de comprendre d’où il vient et comment agir sur lui. Et il ajoute que c’est possible, car l’histoire obéit à des lois qui permettent de la prévoir et de l’orienter.
Tenant compte de la situation actuelle du monde, Jacques Attali fait savoir que la situation demeure simple, c’est-à-dire, les forces du marché prennent en main la planète. Ultime expression du triomphe de l’individualisme, cette marche triomphante de l’argent explique l’essentiel des plus récents soubresauts de l’histoire : pour l’accélérer, pour la refuser, pour la maîtriser.
Et si cette évolution va à son terme, l’argent en finira avec tout ce qui peut lui nuire, y compris les États, qu’il détruira peu à peu, même les États-Unis d’Amérique. « Devenu la loi unique du monde, le marché formera ce que je nommerai l’hyper-empire, insaisissable et planétaire, créateur de richesses marchandes et d’aliénations nouvelles, de fortunes et de misères extrêmes ; la nature y sera mise en coupe réglée ; tout sera privé y compris l’armée, la police et la justice » a-t-il ajouté.
Ainsi, l’être humain sera alors harnaché de prothèses, avant de devenir lui-même artefact, vendu en série à des consommateurs devenant eux-mêmes artefacts. Puis, l’homme, désormais inutile à ses propres créations, disparaîtra.
« Si l’humanité recule devant cet avenir et interrompt la globalisation par la violence, avant même d’être libérée de ses aliénations antérieures, elle basculera dans une succession de barbaries régressives et de batailles dévastatrices, utilisant des armes aujourd’hui impensables, opposant Etats, groupements religieux, entités terroristes et pirates privés. Je nommerai cette guerre l’hyper-conflit. Il pourrait lui aussi faire disparaître l’humanité » a-t-il déclaré.
Tout cela n’ira naturellement pas sans de terribles secousses notamment, des populations se disputeront des territoires, d’innombrables guerres auront lieu, nations, pirates, mercenaires, mafias, mouvements religieux se doteront d’armes nouvelles, instruments de surveillance, de dissuasion et de frappe utilisant les ressorts de l’électronique, de la génétique, des nanotechnologies. « On se battra pour le pétrole, pour l’eau, pour conserver un territoire, pour le quitter, pour imposer une foi, pour en combattre une autre, pour détruire l’occident, pour faire régner ses valeurs. Des dictatures militaires, confondant armées et polices, prendront le pouvoir » a-t-il souligné.
Pour éviter ce bouleversement, Jacques Attali a fait savoir que, si la mondialisation peut être contenue sans être refusée, si le marché peut être circonscrit sans être aboli, si la démocratie peut devenir planétaire tout en restant concrète, si la domination d’un empire sur le monde peut cesser, alors s’ouvrira un nouvel infini de la liberté, de la responsabilité, de la dignité, du dépassement, du respect de l’autre. « C’est ce que je nommerai l’hyper-démocratie. Celle-ci conduira à l’installation d’un gouvernement mondial démocratique et d’un ensemble d’institutions locales et régionales. Et, elle permettra à chacun, par un emploi réinventé des fabuleuses potentialités des prochaines technologies, d’aller vers la gratuité et l’abondance, de profiter équitablement des bienfaits de l’imagination marchande, de préserver la liberté de ses propres excès comme de ses ennemis, de laisser aux générations à venir un environnement mieux protéger, de faire naître, à partir de toutes les sagesses du monde, de nouvelles façons de vivre et de créer ensemble ».
Boubacar Idriss Diarra