Une année d’épreuves pour que, bientôt, le Mali nouveau devienne la fierté de l’Afrique moderne

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Un an que le septentrion vit dans la terreur, un an que les médias internationaux manipulent l’information et brouillent les cartes, plusieurs mois que l’économie malienne est à genoux, qu’à Bamako, les uns et les autres rivalisent et que la communauté internationale tergiverse ne sachant plus qui est son véritable interlocuteur. Un an qui a permis à chaque Malien de bien prendre conscience que la cécité volontaire face aux trafics d’armes et de drogue, que la corruption à tous les niveaux de la société, que les suites de la guerre en Lybie et que le délitement de l’armée ont ouvert la voie aux premières agressions du groupe indépendantiste sur laquelle se sont engouffrés les groupes djihadistes et sont les principales sources de la crise générale qui fait tanguer le bateau Mali.

Un peu plus de deux semaines maintenant que la France se bat aux côtés des Maliens pour, non seulement stopper les groupes qui s’élançaient dangereusement vers le sud, mais pour reconquérir les régions du nord. J’avais réagi, bien sûr, en entendant François Hollande dire que l’intervention militaire française consistait à permettre au Mali de recouvrer son intégrité territoriale, et que, la France, dans cette opération, ne poursuit aucun intérêt autre que la sauvegarde d’un pays ami.  Et pourtant, alors que je combats depuis toujours la françafrique, je me suis rangée immédiatement derrière l’opinion du peuple malien qui  demandait que la France lui porte assistance, car le pays était en danger de mort violente, puisque l’Etat n’avait pas été capable d’assurer la sécurité physique de ses citoyens. «Quand la maison brûle, on appelle ses amis, et on sait bien qu’il y aura des grains de mil mouillés et beaucoup d’écrasés.» Les Maliens ne sont ni naïfs ni amnésiques. Ils savent que leur pays est classé parmi les plus pauvres du monde alors que, sous leurs pieds, il y a de l’or, du pétrole, du gaz, de l’uranium, et probablement une réserve d’eau potable inestimable. Ils savent que Bouygues, Aréva, Bolloré, Géocoton, Orange et autre Total sont omniprésents. Ils n’ignorent pas que l’Afrique du Sud, le Canada, la Chine aussi, pour ne parler que d’eux, se partagent leur gâteau dont ils ne récoltent même pas les miettes. Ils savent que le Mali, comme la plupart des pays du sud, est pillé par l’occident et les multinationales avides de bénéfices et que les élites politiques corrompues ont signé des codes miniers et douaniers qui ne laissent rien d’autre aux populations locales qu’un environnement pollué. Ils savent qu’au Mali, comme ailleurs, les plans d’ajustement structurels imposés par le FMI et la Banque mondiale, ont anéanti toute possibilité d’assurer santé, éducation et infrastructures, en faisant peser une dette publique illégitime. Ils n’ont pas oublié que si les Maliens, au sein de «la Force noire», se sont battus et sont morts pour libérer la France pendant les deux guerres mondiales, c’est parce que leurs bataillons faisaient partie de l’armée coloniale. Ils n’ont pas oublié qu’il aura fallu attendre 2006 pour que les pensions d’ancien combattant soient enfin «décristalisées.» Les Maliens savent et n’ont rien oublié. Mais, ils se sont aussi rendu compte que puisque, ni la CEDEAO, ni l’Union africaine ne répondaient à leur appel au secours, il fallait, dans un ultime instinct de survie, ravaler l’amertume de l’Histoire, et se tourner vers Paris. Les Maliens savent qu’il leur faut être vigilants dès maintenant car la paix se construit en temps de guerre et que la lutte sera dure et compliquée.  Ils savent qu’il faudra retisser leur magnifique «vivre-ensemble», en ne cédant pas au matraquage médiatique international qui commence à faire croire que la crise malienne est due à l’opposition entre le sud «à peau noire» et le nord «à peau claire», mais qui oublie de rappeler que, depuis l’indépendance, toutes les régions du Mali «partagent très équitablement» pauvreté et  précarité.  Les Maliens savent qu’il faudra rétablir la confiance par le dialogue. Ils n’oublieront pas de juger tous les coupables, des plus récents aux plus anciens. Ils  réinventeront l’armée pour qu’elle assure la sécurité des zones libérées grâce à l’opération Serval. L’éducation et la qualité de l’instruction deviendront leur priorité n°1. De nouvelles voix s’élèveront auprès de celles qui se sont tues ou qu’on a fait taire, pour imposer des changements complets et inventer le Mali nouveau. Cette année d’épreuves aura peut-être été ce qu’il fallait pour que l’idée d’un Mali moderne germe, pour que le Mali se développe ensuite, petit à petit, en reprenant la maîtrise de ses ressources naturelles, pour que, bientôt, le Mali nouveau devienne la fierté de l’Afrique moderne.

Françoise WASSERVOGEL

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3 COMMENTAIRES

  1. …” la cécité volontaire face aux trafics d’armes et de drogue, que la corruption (…), que les suites de la guerre en Lybie et que le délitement de l’armée ont ouvert la voie aux 1ères agressions du groupe indépendantiste (…) et sont les principales sources de la crise générale qui fait tanguer le bateau Mali.”
    Heureusement que mémère était là pour nous l’expliquer! Quelle claivoyance! Quel esprit d’analyse!!! 😀 😀 😀 😀 😀 😀

    “leur pays est classé parmi les plus pauvres du monde alors que, sous leurs pieds, il y a de l’or, du pétrole, du gaz, de l’uranium” Encore le Mali-Eldorado! Il y a de l’uranium, très précisément estimé à 5000 tonnes, soit un gisement modeste! Il y a du pétrole, et là PERSONNE ne sait combien ni même s’il est exploitable! Quand aux réserves d’eau “probablement” inestimables, personne n’en sait rien non plus!
    …”toutes les régions du Mali «partagent très équitablement»…” C’est d’ailleurs pour ça ke les rebellions datent de M. Keita! :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen:

  2. La France nous a facilité la tache donc c’est à nous de faire le reste, quand une personne ta donnée un vêtement fait tout possible pour tisser les poches dans les jours à venir quand il ta demandé de donner son vêtement dans ce cas vous allez lui dire d’enlever tes poches

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