Avec ses 3000 hectares aménagés en maîtrise totale, l’Office du périmètre irrigué de Baguinéda (OPIB) est la plus grande zone de production agricole de notre pays après l’Office du Niger (ON). Située à environ 30 Km de Bamako, l’OPIB a été créée en janvier 1998 et se fixe comme missions de réaliser le développement intégré de promotion de développement des principales cultures vivrières de base et maraichères. Outre, les activités agricoles de la saison des pluies, les paysans de Baguinéda s’adonnent aussi aux activités de cultures de contre-saison. Et cela grâce à un canal qualifié de «cordon ombilical» construit à plusieurs milliards de nos francs CFA. Aujourd’hui, avec l’autorisation de construire N°417/OPIB du 16 mars 2015 délivrée à un particulier pour construire un pont d’accès à sa maison sur le canal et mis à exécution il y a quelques jours, le canal est presqu’à sec, privant ainsi les cultivateurs de toute la zone des eaux de cet ouvrage et du coup mettant à l’arrêt les activités de contre-saison des exploitants agricoles du périmètre irrigué de Baguinéda.
Le «cordon ombilical» de Baguinéda coupé pendant 70 jours
Le canal de Baguinéda réalisé à hauteur des six milliards de FCFA, à travers le Projet d’intensification du périmètre irrigué de Baguinéda, est aujourd’hui pris en otage par la construction d’un pont d’accès au domicile d’un particulier détenteur des titres fonciers numéros 20455 et 20456 qui a reçu l’autorisation N°417/OPIB du 16 mars 2015 de l’Office du périmètre irrigué de Baguinéda pour se faire.
Avec ces travaux, les principales issues d’écoulement de l’eau sous le pont ne sont pas non seulement à la taille du canal mais du coup, avec les montagnes de boues non évacuées, le canal principal du périmètre irrigué de Baguinéda se trouve obstrué et asséché privant ainsi les exploitants de vaquer à leur culture de contre saison.
Nous avons été contactés par un citoyen pour qui la construction de cet ouvrage reste «un fait calamiteux et scandaleux». Nous nous sommes rendus sur les lieux, le jeudi 21 janvier 2016 pour nous imprégner de la situation et interroger quelques riverains. Sur place, l’assèchement du canal principal, qui prend sa source au niveau du troisième pont de Bamako, est visible. Nous avons aussi pu constater de visu que quelques manœuvres étaient entrain de dégager le gros tas de banco amoncelé à chaque coté du nouveau pont passerelle. Il faut souligner que pendant les travaux, toute la zone de culture approvisionnant principalement Bamako en produits vivriers se trouve totalement coupée d’eau. Ce canal occupait pourtant des milliers de jeunes à l’agriculture. Le calvaire des exploitants est appelé à perdurer étant donné que la construction de l’ouvrage prendra 70 jours tels qu’indiqués sur le panneau d’autorisation de construire du pont. Un autre constat écœurant est que ce nouveau pont passerelle n’est pas le seul sur la ligne. A quelques mètres de là se tient un autre ouvrage du genre qui permet aux habitants de l’autre coté du canal d’avoir aussi accès à leurs concessions ainsi qu’au pont de l’Amitié sino-malienne. Comme quoi, la réalisation de ce pont s’expliquerait par l’égo du richissime propriétaire foncier des titres N°20455 et 20456 à vouloir son «pont privé» à lui quand il aurait pu tout simplement emprunter le même pont que les autres pour accéder à sa prestigieuse villa en construction. Et les autorités dans leur insouciance des préoccupations des populations restent à la merci des gros bonnets ou autres prédateurs de la République. Sinon comment une administration consciente peut-elle autoriser un particulier de procéder ainsi et de priver l’eau d’un canal qui est indispensable à toute une zone de culture et cela au bénéfice d’un seul particulier?
L’assèchement de ce cordon ombilical entre le fleuve et les exploitations de l’Office du périmètre irrigué de Baguinéda, suscite de réelles inquiétudes chez certains producteurs, surtout de la contre-saison. Car les producteurs ne sont pas à l’aise tant qu’ils ne voient pas l’eau couler dans le canal. Alors, vivement la démolition du pont pour le rétablissement de l’eau dans le canal.
Bref aperçu sur les cultures de contre saison favorisées par le canal de Baguineda
Pour rappel la culture de contre saison est une activité agricole qui consiste à faire le maraîchage et des cultures céréalières pendant la saison sèche. Elle s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la politique nationale de développement de l’Etat afin de mettre un accent particulier sur les aménagements de terres agricoles au profit des producteurs et combler le déficit céréalier de notre pays. La culture de contre saison est aussi une politique visant à booster et augmenter la production et la productivité agricoles. A Baguinéda, la contre-saison se déroule entre janvier et mai pour enchaîner directement avec l’hivernage. Pour pratiquer ces cultures, les producteurs de l’Office du périmètre irrigué de Baguinéda se servent de l’eau du canal principal long de 44 km qui quitte Missabougou pour s’achever à Tanima. Les travaux champêtres sont encadrés par les agents de l’OPIB. Selon nos sources, l’Office encadre 3336 attributaires de parcelles, dont 100 femmes. La taille de ces parcelles varie entre 0,25 et 3 hectares. Les objectifs de production de la campagne contre-saison sont estimés à 25.935 tonnes de céréales dont 20.580 tonnes de riz paddy et 4.695 tonnes de maïs.
Selon des exploitants de ville, si à Baguinéda, les productions hivernales servent à nourrir les familles, par contre celles de la contre saison sont pour la plupart destinées à la commercialisation afin de résoudre les multiples problèmes familiaux. Pendant cette période de cultures plusieurs travailleurs saisonniers des villages convergent vers le périmètre pour s’adonner aux activités de cultures maraîchères. Les principales cultures pratiquées sont le maraîchage comme entre autres la tomate, l’oignon, le piment, la pomme de terre, les ignames, les bananes et les céréales tels que le riz et le maïs.
C’est dans le cadre de la politique nationale de développement agricole, que l’Etat a souhaité faire de sorte que l’agriculture ne dépende plus de la pluie. Cela était une réalité à Baguinéda, car les paysans pouvaient irriguer et drainer leur champ à n’importe quelle période. En outre la culture de contre saison est plus avantageuse que celle de la saison des pluies. Ainsi par exemple un hectare de cultures maraîchères peut apporter plus d’un million de FCFA à un producteur, tandis que les revenus tirés de la culture de riz ne dépasse pas pendant l’hivernage 400.000 FCFA.
Dieudonné Tembely