La question a été posée (en 1995) à un ancien chef rebelle touareg, M. Sidi Mohamed Ag Ichrach, qui a répondu en ces termes : « Les Touareg ne sont peut-être pas un peuple très important du point de vue numérique, mais c’est l’un des peuples qui a le plus conscience de son identité, qui a aussi conscience, peut-être, un peu trop, de sa valeur, et qui a enfin conscience de ses possibilités. Il peut se surpasser et aller très loin. »
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De quoi vous hérisser les poils sur la peau ! Quoi ! N’est-ce pas la définition de tout peuple, de toute ethnie ? Le « syndrome de la tomate », dont il est parlé, (avec une ironie mal placée pour une zone souvent frappée par la famine), un peu plus loin dans cette interview, s’il désigne le conflit millénaire entre agriculteurs et pasteurs, n’a rien de nouveau : la haine entre Caïen et Abel (deux fils d’Adam, le premier homme), était un conflit d’intérêts, comparable aux antagonismes sectoriels que l’on observe aujourd’hui dans le monde du travail. Faut-il qu’au XXIe siècle, nous assistions encore à des affrontements d’essence ethnique ?
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BLANCS CONTRE NOIRS OU NOMADES CONTRE SEDENTAIRES ?
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Car il est bien étonnant que tous les Tamashek soient blancs et pasteurs et que tous leurs voisins soient noirs, agriculteurs et appartenant à d’autres ethnies. Le président Moussa Traoré avait, lors de la sécheresse de 1976, appelé les populations sinistrées du nord à venir s’installer dans la région de Sikasso – à condition d’y travailler, c’est-à-dire sans leurs Bellas (esclaves noirs). C’était à la belle époque où un chef d’Etat pouvait donner de tels ordres ! Si l’indépendance du Mali a été ressentie comme une nouvelle colonisation par les Tamashek, (aux dires de M. Sidi Mohamed Ag Ichrach), ce ne fut sûrement pas le cas chez les Bellas, qui pouvaient espérer un affranchissement réel, n’ayant pas bénéficié du mouvement des villages « Liberté » créés par le colonisateur, ou n’en ayant pas voulu, puisqu’ils se prennent pour des « Tamashek noirs ». Reste à savoir si les gens comme M. Ag Ichrach qui se revendiquent pourtant d’un mouvement progressiste, reconnaissent ce peuple…bizarre. En tout cas les Tamashek noirs n’ont pas fait partie des MFUA (les rebelles de 1990), ni de l’ADC-23 mai 2006, la nouvelle rébellion, encore moins des dissidents de ceux-ci, la bande à Bahanga. C’est un signe d’entre les signes, et une question qu’on pourrait poser à M.Ag Ichrach, pour voir si, pour commencer, lui-même ne se définit pas d’abord par son racisme.
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Au moment où le nouveau président mauritanien, un Arabe humaniste, donne le bon exemple de la fraternité entre Noirs et Blancs, en Afrique au sud du Sahara, il y en a qui tentent de masquer leur racisme irréductible par le syndrome de la tomate ! Par ailleurs, par rapport à la vie moderne, paysans agriculteurs et paysans éleveurs ou pêcheurs sont du même côté de l’Histoire ; et en Europe, tous ont été forcés de quitter leur terroir pour se constituer ouvrier sur place ou ailleurs, ouvriers dans les usines, employés dans les bureaux de la nouvelle économie. Pourquoi les « Nomades » Tamashek ne le pourraient-ils pas ?
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UNION MEDITERRANENNE CONTRE CEN-SAD
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Et il y aura des gens pour soutenir les Ag Ichrach. A commencer par la France, qui avait voulu faire de l’Algérie un de ses départements, ou, à défaut, d’en détacher le Sahara. Le rallye Paris-Dakar est là pour rappeler, si besoin en était, l’intérêt de la vielle puissance coloniale et de l’Europe pour cet espace stratégique. Le Maghreb va-t-il choisir un jour l’Union méditerranéenne au détriment de la CEN-SAD, en apportant le Sahara comme dot pour un mariage longtemps souhaité, auquel la réticence libyenne ne fait plus obstacle ? Certes, les Anglo-Saxons veillent à ne pas laisser les mains libres à la France, qui est contrée dans l’Océan indien par leurs bases, notamment celle de Diego Garcia, envahie et occupée dans les années 70, et vidée de sa population par déportation. Mais tous ces gens agissent pour leur pour leurs propres intérêts, en se servant des sentiments de certains Tamashek…
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LES MERS : UN TRAIT D’UNION ENTRE LES PEUPLES
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Pourquoi ne pas reconnaître au Sahara, ancienne mer intérieure, sa vocation de trait d’union entre l’Afrique et le reste du monde, à travers le Maghreb et l’Orient, au lieu d’en faire, après son assèchement, le territoire des Tamashek ? Ces derniers, dit-on, viendraient des régions scandinaves, dans le nord de l’Europe ! En tout cas, un cadre touareg a confié à RFI lors d’une interview, pendant la rébellion de 1990 que le désert n’est la terre de personne, qu’on ne fait qu’y passer…
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Ibrahima KOÏTA
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