Au moment où les gens se préparent à aborder la nouvelle année, la question se pose souvent à savoir si la fête du 31 décembre est chrétienne ou pas. Qu’en est-il réellement ? Pourquoi un tel débat qui est, soit dit en passant, récent. Dans cette contribution, chrétien protestant de mon état, je vais essayer de répondre à ces questions, afin de lever certaines équivoques. Dans un pays à majorité chrétienne, de telles questions ne se seraient jamais posées. Mais, étant donné que le pays est à majorité musulmane, et certaines évolutions aidant, la chose est bien pensée.
Il était un temps où l’on ne se posait pas ouvertement de questions sur une quelconque origine religieuse de la fête du 31 décembre. Les gens n’avaient d’yeux que pour une fête marquant le passage d’une année à une autre. C’est à partir des années 90 que certains questionnements ont commencé à faire jour, d’où des appels souvent lancés par certaines personnes à la communauté musulmane pour ne pas fêter le 31 décembre prétextant que c’est purement et simplement une fête chrétienne.
Pour faire la part des choses, l’ORTM a – ne serait-ce que l’an passé – fait appel à des leaders musulmans pour apporter certaines précisions à leurs coreligionnaires. Des journaux ont parfois fait des micro-trottoirs pour avoir l’avis des uns et des autres sur une question, qui ne fait que s’amplifier d’année en année.
Étant donné que nombre de musulmans soutiennent que la fête en question est une fête chrétienne, qu’en disent les chrétiens ? Pour beaucoup, il faut acquiescer et faire fi du débat. Cette position est, à mon avis, intenable.
Opinion populaire
Pour beaucoup, la fête du 31 décembre est celle du baptême de Jésus-Christ, dont la naissance est célébrée le 25 décembre, à Noël ou fête de la nativité. Ce postulat part du constat que le 1er janvier coïncidant au huitième jour après la naissance du Christ, il serait tout à fait indiqué que son baptême ait lieu ce jour ci. Ce qui reviendrait, à mon sens, à appliquer une pratique musulmane à une situation typiquement juive. Si chez les musulmans, le baptême de tout enfant a lieu au huitième jour de sa naissance, tel n’est pas le cas chez les Chrétiens. Les pratiques courantes dans la société nous l’enseignent : ne répondant pas aux mêmes règles (arabes pour les musulmans et juives pour les chrétiens), il va s’en dire que les adeptes de ces deux religions ne feront pas leur baptême de la même manière.
Une halte semble nécessaire à ce point pour faire remarquer que le terme « baptême » a un sens usuel et veut dire présentation de l’enfant à la société par lui donner un nom, et un sens chrétien, où c’est un sacrement (chez les catholiques) ou un engagement public et formel de suivre le Seigneur Christ. Le sens chrétien se concrétise par une immersion dans l’eau ou une aspersion d’eau – selon les pratiques.
Vérité biblique
Dans la Bible, Parole de Dieu, en Luc 2.21 il est écrit : « Le huitième jour, auquel l’enfant devait être circoncis, étant arrivé, on lui donna le nom de Jésus, nom qu’avait indiqué l’ange avant qu’il fût conçu dans le sein de sa mère. »
Dans la Loi hébraïque ou mosaïque, sous laquelle Jésus a vu le jour, la circoncision intervenait le huitième jour de la naissance de tout enfant mâle. Cela est précisément dit dans la Bible en Lévitique 12.3 : « Le huitième jour, l’enfant sera circoncis. »
Il est bien sûr dit dans le premier texte cité qu’«on lui donna le nom de Jésus,… » ; sachons tout de même que chez les Juifs, l’aspect circoncision est l’acte qui donne tout son sens à ce huitième jour. L’aspect nominatif de l’enfant n’apparaît qu’en second plan et ne donne lieu à aucune cérémonie festive. Cela est constant, même si beaucoup d’autres religions s’en sont inspirées pour instituer une célébration du baptême de nom d’un enfant le huitième jour.
Donc dire que le 1er janvier est le jour de baptême de Jésus et que le 31 décembre est la fête de ce baptême n’est absolument pas exact. D’ailleurs, le 25 décembre est plutôt une date conventionnelle qu’une date réelle. Le jour exact de la naissance de Jésus n’est pas connu.
Ecclésiastiquement vôtre
Si l’on se réfère à l’appellation « fête de la Saint Sylvestre », la fête du 31 décembre est une fête chrétienne. C’est ce jour qu’est célébrée la mort de Sylvestre 1er, 33ème pape de 314 à 335 selon la tradition catholique.
Saint Sylvestre ou Sylvestre 1er est celui qui instaura la tolérance du christianisme au sein de l’Empire romain, sous le règne de l’empereur Constantin 1er. Il est l’un des premiers saints canonisés sans avoir subi le martyre. C’est sous son pontificat que l’autorité de l’Église fut établie et que furent construits les premiers monuments chrétiens : l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem, les basiliques de Saint-Jean-de-Latran et de Saint-Pierre à Rome, les églises des Saints-Apôtres et de Sainte-Sophie à Constantinople. En somme, le christianisme catholique doit au Pape Sylvestre 1er d’avoir favorisé son apogée.
N’éludons pas non plus le fait que cette fête se fait selon le calendrier grégorien, dont l’instigateur est le Pape Grégoire XIII. Si une fête ne tient qu’à son support, oui c’est une fête chrétienne.
Mais, c’est avant tout une fête grecque avant de devenir une fête chrétienne. C’est donc une récupération chrétienne d’une fête grecque.
Un débat récent
Comme dit plus haut, le débat sur le caractère chrétien ou non de la fête du 31 décembre appelée aussi Réveillon de la Saint Sylvestre est né dans les années 90 et s’amplifie d’année en année. Des leaders religieux chrétiens et musulmans ont eu à intervenir dans ce débat, chacun pour clarifier une position. Et ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il s’éteindra, un certain radicalisme religieux aidant.
La célébration – ces dernières années – en grandes pompes du Maouloud, qui consacre la naissance et le baptême du prophète de l’Islam, aura aussi donnée des idées à certains, qui voient d’un mauvais œil à présent que leurs coreligionnaires musulmans donnent de l’importance à la fête du 31 décembre, qui serait à leurs yeux une célébration du baptême de Jésus.
La loi sur les fêtes légales adoptée en 2005, en reconnaissant les fêtes du Maouloud comme fêtes légales, aura aussi donné du grain à moudre aux pourfendeurs de la fête du 31 décembre.
Savoir raison garder
Une fête religieuse tient surtout aux activités qui entourent l’occasion, cause de la dévotion des adeptes de la religion en question. Pour une fête chrétienne, il va s’en dire que dans les églises c’est tout cérémonial avec un rite bien ordonné. Ainsi, en est-il de Noël et Pâques principalement. Mais, à ce que je sache, la fête du 31 décembre au 1er janvier ne fait pas l’objet de cérémonies particulières dans nos églises. Et quand les fidèles se retrouvent dans certaines églises, ce n’est pas pour célébrer « un baptême de Jésus », mais c’est plutôt l’occasion de célébrer l’Eternel pour ses bienfaits au cours de l’année écoulée et de demander sa grâce pour la nouvelle année. C’est dans ce cadre que certaines églises ont un Réveillon de louange, adoration et prière. Des groupes de chrétiens peuvent se retrouver aussi, en dehors de tout cadre formel, pour manifester leur reconnaissance à Dieu et lui prouver la confiance qu’ils gardent en Lui.
Le réveillon du Nouvel An répond aussi à un souci de se détacher de l’aspect purement festif avec tout ce qui l’entoure pour se consacrer à l’adoration due au maître du temps : Dieu.
Les pétarades, les dépenses colossales, les virées nocturnes, etc. entrent dans le cadre d’une volonté majoritairement partagée de célébrer l’entrée dans une nouvelle année. Chacun y met du sien, et c’est cela le propre de la vie. Même si le lendemain, nous verrons le soleil se lever à l’Est, notre environnement sera le même, nos problèmes d’hier seront toujours là.
Vivement 2011. Bonne et heureuse année à tous.
Daouda COULIBALY
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