Travail des enfants dans les mines à Ouaga : Abandonner l’école pour concasser du granite

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Le phénomène du travail des enfants dans les mines à Ouagadougou (Burkina Faso) a pris une proportion inquiétante. Des milliers d’enfants ont ainsi abandonné l’école pour  concasser du granite dans la carrière de Pissy, un quartier de la capitale du Burkina Faso. Reportage !

Partie ouest de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Nous arrivons sur un site de concassage de granite, ce vendredi 25 novembre 2016 dans la matinée. C’est un véritable cratère ouvert. A l’extérieur, sont entassés des gravats et des blocs de granite. Au fond de ce trou géant et aux alentours se trouvent des hommes, des femmes et surtout des enfants.

Chacun y est à la recherche de sa pitance quotidienne. Fatou Ouédraogo, une fillette de 10 ans fait partie de cette population. Cela fait plus d’un an qu’elle a abandonné les bancs de l’école, au grand dam de sa maman, pour s’adonner à cette activité. Elle nous confie qu’elle a laissé ses études alors qu’elle était en classe de CP2, de son plein gré pour aller chercher de l’argent sur ce site.

«Je gagne parfois 500 FCFA ou 1000 FCFA par jour. Je fais des économies. Avec cet argent, je veux m’acheter des habits et des chaussures pour les fêtes de fin d’année», affirme la petite Fatou, visiblement fatiguée alors qu’elle vient à peine de débuter sa journée.

De guerre lasse, sa mère Adjara Ziziga, travailleuse dans la carrière, s’est résignée au choix de sa fille. Mais, comme toutes les mères, elle espère que sa fille reviendra à des meilleurs sentiments et reprendra le chemin des classes. «Je ne suis pas contente de voir ma fille abandonner l’école pour se retrouver sur ce site avec moi. Mais je préfère l’avoir à mes côtés que de la laisser errer dans la nature parce qu’elle refuse de partir en classe. Elle pourrait tomber dans de mauvaises mains», nous a-t-elle confié, la mort dans l’âme, Adjara Ziziga.

A contrario, Salimata Dabo, une autre adolescente ne s’est pas retrouvée à la carrière par plaisir. Le manque de moyens financiers de ses parents l’a contrainte à quitter la cour de l’école Pissy où elle fréquentait la classe de CM1 (5e année fondamentale).

A 13 ans déjà, elle a le visage triste, la paume dure et la peau noircie par la fumée qui se dégage du cratère. «Chaque matin, à mon réveil, je me sens très fatiguée. Je n’ai plus envie de revenir sur le site. Mais je n’ai pas le choix. Transporter les blocs de granite me donne de graves maux de tête  quotidiennement», a confié la fillette.

Néanmoins, elle espère revoir les murs, les classes, le tableau de sa classe et surtout ses camarades, un jour. «Je ne souhaite pas rester ici. Si on paie mes frais de scolarité je retournerai à l’école», a-t-elle confié. Un rêve que sa mère, également concasseuse de granite sur le site, veut voir se réaliser. C’est pourquoi, elle travaille d’arrache-pied avec son enfant pour trouver les 45 000 FCFA de frais de scolarité qu’il faut pour ramener Salimata dans les locaux d’un établissement.

 Des voisins encombrants

La présence de ces deux enfants sur le site n’est que la face visible de l’iceberg. De l’avis du président de l’Association des travailleurs de la roche du Kadiogo, Souleymane Porgo, les adolescents étaient plus nombreux dans la carrière. «Certains ont été retirés du site par des structures et des bonnes volontés pour les envoyer dans les écoles. Nous espérons que les autres auront aussi la chance. Sinon nous savons que personne ne veut que son enfant vive dans de telles conditions», affirme-t-il le visage fermé.

En plus d’être un danger pour les enfants travailleurs, la carrière de Pissy est une menace pour l’épanouissement de certains riverains. C’est le cas des élèves et enseignants du groupe scolaire privé, Baasneré, situé à proximité du site. Une rue sépare les deux enceintes.

De l’avis du proviseur de cet établissement, Moussa Ernest Ouédraogo, ses élèves peuvent être influencés négativement par les enfants travailleurs du site. Certains voudront un jour abandonner les classes pour aller chercher de quoi se mettre sous la dent dans la carrière.

Aussi, indique-t-il, «très souvent, lorsque nos enfants rentrent chez eux, il y a des accidents qui se produisent sur la voie parce que la mine est à coté et que la circulation est intense». Pour lui, il n’est pas normal que cette situation perdure. «Il faut que les autorités prennent les dispositions pour clôturer cette enceinte à défaut de la fermer parce que ceux qui y travaillent cherchent aussi à subvenir à leurs besoins. Elles peuvent aussi la délocaliser», a conclu le septuagénaire.

 Aliou Touré

De retour de Ouagadougou

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