Le 18 août 2020, suite à des séries de manifestations populaires contre le régime de feu IBK, un groupe de jeunes officiers supérieurs de l’armée prend le pouvoir. Ce fut une liesse populaire et le peuple nourrissait le rêve de voir son sort s’améliorer. Hélas, ce n’était que du mirage, car quatre ans après, force est de reconnaître que c’est la déception qui se généralise au niveau des différentes couches socio-professionnelles.
Au Mali, il est de coutume de constater que tous les changements de régime opérés par un coup d’État militaire ont été bien accueillis par les populations dans sa grande majorité. Le coup d’État militaire du 19 novembre 1968 conduit par le Lieutenant Moussa Traoré contre le régime socialiste du premier président Modibo Keïta, a été qualifié à l’époque de salutaire au motif qu’il a permis au peuple de retrouver la liberté. Vingt-trois (23) ans après, ce fut un autre coup d’Etat militaire perpétré contre le Général d’armée Moussa Traoré par le Lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré (ATT) à la suite d’une série de manifestations violemment réprimées. C’était le 26 mars 1991. C’est à partir de cette date que fut instaurée la démocratie multipartite au Mali, ouvrant ainsi la compétition électorale pour accéder aux différents niveaux de pouvoir (Mairies, Assemblée nationale, Présidence de la république). Pendant trente ans (30) ans, il en fut ainsi jusqu’à ce qu’un autre coup d’État militaire qualifié de plus “bête” du monde ne vienne mettre un terme à cette vie démocratique. C’est un coup d’État mené par le capitaine Amadou Haya Sanogo (actuellement Général de corps d’armée) à quelques semaines seulement de la fin du second mandat du président démocratiquement élu (feu Amadou Toumani Touré). Sous la pression de la communauté internationale, les auteurs de ce coup d’État ont été contraints d’abandonner le pouvoir au profit d’une transition civile qui a organisé des élections démocratiques ayant conduit à l’élection d’un président démocratiquement élu en la personne de feu Ibrahim Boubacar Keïta.
Ainsi, le pays signe son retour dans le giron des nations démocratiques. Cela n’a pas duré. Car avant la fin du mandat de feu IBK, un autre coup de force militaire mit fin au processus démocratique. C’était dans la nuit du 18 au 19 août 2020.
A la tête de ce putsch, quatre colonels et un colonel-major sous la houlette de Colonel Assimi Goïta. Sous la pression de la communauté internationale, les jeunes officiers se mettent en retrait en choisissant un vieil officier à la retraite pour diriger la transition de 18 mois demandée par la communauté internationale.
Le 24 mai 2021, à la stupéfaction de tout le peuple, l’on assista à un autre coup de force perpétré par les mêmes colonels contre le président de la transition, Colonel-major d’aviation Bah N’Dao. Ces colonels ont qualifié ce coup de force de “rectification de la trajectoire de la transition“. En d’autres termes, ils ont pris l’effectivité du pouvoir en installant à la tête de l’État Colonel Assimi Goïta, devenu depuis le 26 octobre 2024 Général d’armée.
Du 24 mai jusqu’à récemment, le régime militaire était adulé par la majorité des maliens. Cependant depuis quelques moments, c’est la déception ; tant le régime n’arrive pas à régler les problèmes vitaux de la vie pour les populations. Le pire est que par la prise de certaines décisions, le pouvoir est en train d’augmenter exponentiellement le nombre de mécontents.
Un régime militaire auquel le peuple se reconnaissait
A la prise effective du pouvoir par Général d’armée Assimi Goïta, la population malienne, dans sa grande majorité a applaudi. Le pouvoir, de son côté, ne manquait pas de thème de propagande pour mobiliser le peuple en sa faveur. Tout a commencé par faire croire aux maliens que toute la source du malheur du Mali vient de la France et de ses suppôts africains et au-delà de l’occident. Ainsi débuta une campagne anti-française et occidentale. Le peuple a été amené à demander, dans un premier temps, le départ du Mali des troupes militaires françaises dénommée “Barkhane ” et dans un second temps des forces militaires européennes dénommées “Takuba”. Face à une série de vives contestations des populations, la France a été obligée de retirer ses troupes du Mali. Il en a été de même pour les forces européennes. Après les épisodes français et européen, les autorités de la transition se sont tournées vers les forces onusiennes (MINUSMA: Mission des nations unies pour la stabilisation du Mali). Déçues de la prestation de ces forces au Mali, les populations ont multiplié les pressions pour que ces forces puissent quitter le Mali. Les autorités ont prêté une oreille attentive à cette demande populaire. Du haut de la tribune des nations unies, les autorités maliennes ont demandé le départ illico du Mali des forces onusiennes. Une demande que l’ONU (Organisation des nations unies) a acceptée. Ainsi, les forces onusiennes ont quitté le territoire malien. Auparavant, il faut noter que suite aux sanctions économiques et financières imposées au Mali par la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest) et l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), les autorités de la transition ont appelé le peuple à un sursaut national. Ainsi, le 14 janvier 2022, de géants meetings sont tenus à Bamako et dans les capitales régionales pour protester contre ces sanctions. Ce fut, il faut le reconnaître, une totale réussite. Ainsi, les autorités en ont profité pour décaler que cette journée est désormais instituée comme “Journée nationale de la souveraineté retrouvée“. En somme, c’est le sentiment nationaliste et la fierté du peuple qui sont constamment utilisés pour détourner les populations des problèmes quotidiens. Ainsi, tout tourne autour de la fierté nationale et de la peur d’un ennemi extérieur. Les opposants politiques et les intellectuels libres, qui osent donner des avis critiques voire contraires sur la situation du pays sans tomber dans la propagande d’État, sont désignés comme responsables du mal dont souffre la nation. Ce détournement du nationalisme politique a permis aux autorités de la transition de justifier des politiques de terreur et de répression pour renforcer son soutien. Hélas, les maliens croupissant de plus en plus sous le poids de la misère, ont commencé à comprendre.
La crise énergétique et d’autres problèmes ont exaspéré les populations
L’on ne cessera de dire que la crise énergétique, qui s’est peu à peu installée dans le pays, a commencé à diminuer la ferveur des populations pour un régime incapable de trouver des solutions. Cette crise a entraîné des milliers de chefs de famille dans la précarité dans la mesure où leurs entreprises ont fermé. Les petits commerces de poisson ou poulets congelés, les vendeuses d’œufs frais ou de jus frais ont vu leurs activités au point mort. En plus de la crise énergétique, la rareté des ressources financières ainsi que la flambée des produits de première nécessité ont accéléré la paupérisation des populations qui ne savent plus à quel saint se vouer. A titre d’exemple, le kilo du haricot a exponentiellement augmenté jusqu’à 1300 F CFA, du jamais vu au Mali. Comme si cela ne suffisait pas, les autorités, au lieu de chercher des solutions rapides à ces problèmes, en rajoutent avec la prise de décisions qui enfoncent davantage les populations dans la misère. Il s’agit, entre autres, de la nouvelle immatriculation des véhicules à moteur, de l’interdiction d’exportation de la noix de karité, de l’arachide, du sésame, etc. Une autre décision catastrophique est celle du déguerpissement des sept (7) marchés à bétail (Garbal) de la capitale. Avec ce déguisement qui s’est fait avec des méthodes musclées, c’est la pierre d’emploi pour des milliers de chefs de familles : du simple intermédiaire au vendeur de bétail en passant par les gargotières installées autour, les vendeurs de cordes, etc.
Au finish, les populations commencent à exprimer leur ras-le-bol face à la situation économique dégradante. Ce qui les déçoit davantage, c’est ce qui se passe chez les pays voisins de l’AES. Par exemple au Niger, les autorités ont drastiquement réduit les coûts de certains produits vitaux et taxes : céréales, ciment, carburant, gaz domestique, frais de dédouanement des motos, etc.
En tout cas, il urge pour les autorités de la transition du Mali de changer de fusil d’épaule pour reconquérir la sympathie des populations à leur endroit.
Mariam Konaré