Après avoir fortement lorgné le fauteuil présidentiel, il a fini par s’y installer. Lui, c’est le colonel Assimi Goïta, récidiviste putschiste au Mali qui a prêté serment le 7 juin 2021, après avoir successivement déposé le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) le 18 août 2020 et le président de la Transition, Bah N’Daw, neuf mois après. C’était le lundi dernier, au Centre international de Conférences de Bamako, devant les grands juges de la Cour suprême, en présence d’acteurs de la classe politique malienne et de représentants de la communauté internationale.
Dans la foulée de cet acte d’officialisation de sa prise du pouvoir, Assimi Goïta a confirmé la nomination, à la primature, du président du comité stratégique du M5, Choguel Kokala Maïga, avec qui il sera en tandem pour le reste de la durée de la Transition. En tout cas, avec cette prestation de serment, c’est un nouveau départ pour le Mali. Si son inexpérience à la tête de l’État parle contre lui, dans son discours d’investiture, Assimi Goïta s’est voulu rassurant vis-à-vis de la communauté internationale en s’engageant à respecter les délais de la Transition, mais aussi à honorer tous les engagements de son pays vis-à-vis de ses partenaires extérieurs.
Assimi Goïta semble incarner l’espoir de changement pour une bonne partie des Maliens
En se posant ensuite en rassembleur du peuple malien, il a certainement voulu donner un signal fort à ses compatriotes, en promettant de faire de la réduction du train de vie de l’État, l’un de ses chevaux de bataille avec effet immédiat, à en juger par la décision de consacrer les deux tiers des fonds de souveraineté de la présidence, à des œuvres socio-sanitaires au profit des couches défavorisées. Autant de faits et d’actes qui amènent à se demander si en décidant de s’installer en personne à la tête de la Transition après son deuxième coup de force contre la République, au grand dam des démocrates du continent et surtout de la communauté internationale qui y a toujours réclamé des civils, le colonel de Kati ne se sent pas finalement investi d’une mission : celle de se poser en sauveur du peuple malien. En tout cas, à en juger par l’attitude de ses compatriotes, on ne peut pas dire que le peuple malien, désabusé par l’incurie de la classe politique, est mécontent de cette énième intrusion de la soldatesque dans l’arène politique. C’est dire si sous un certain angle, Assimi Goïta semble incarner l’espoir de changement pour une bonne partie des Maliens apparemment prêts à faire preuve de mansuétude à son égard, dans la conduite de la Transition. Saura-t-il se montrer à la hauteur du défi et des attentes de ses compatriotes ? On attend de voir. Car, comme le dit l’adage, « c’est au pied du mur qu’on reconnaît le bon maçon ». Et c’est aussi au pied du mur doré du palais de Koulouba et des privilèges qui vont avec, qu’est attendu celui-là même qui passe pour être le « messie » malien, pour faire la preuve de sa bonne foi. À commencer par le respect des délais de la transition pour lequel il s’est solennellement engagé et qui est prévue pour prendre fin dans une dizaine de mois, avec l’organisation, en février-mars 2022, des élections générales et présidentielle pour le retour à l’ordre constitutionnel normal.
Il semble dans l’intérêt du tout nouveau colonel-président de travailler à tenir ses engagements
S’il y parvient, ce sera déjà un gage de sincérité. À contrario, toute décision contraire ultérieure pour reculer l’échéance, ne ferait qu’apporter de l’eau au moulin de ceux qui ont toujours douté des hommes en kaki de Kati, les soupçonnant de jouer la montre dans le but inavoué de chercher à faire un bébé dans le dos de la Transition. C’est dire si bien plus que son honneur, c’est la crédibilité de la Grande muette malienne qu’Assimi Goïta joue en prenant les rênes de la Transition. Car, au-delà de la crise sécuritaire qui ne s’annonce pas comme une sinécure avec la suspension de la coopération militaire de partenaires stratégiques comme la France et les États-Unis, on attend de voir quelle réponse l’homme fort de Bamako va apporter à la crise sociale qu’il a en partie utilisée pour justifier son coup de force contre le président Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane. C’est dire si au-delà de son discours d’investiture, c’est dans les actes qu’il devra par-dessus tout rassurer ses compatriotes et aussi la communauté internationale qui n’attend que des gages de bonne foi pour accompagner au mieux le Mali à sortir de l’impasse.
En attendant de savoir dans la lignée duquel de ses illustres prédécesseurs de Kati, le général Amadou Toumani Touré et le capitaine Amadou Haya Sanogo, il compte s’inscrire, il semble dans l’intérêt du tout nouveau colonel-président de la Transition, de mettre un point d’honneur à travailler à joindre l’acte à la parole et de tenir ses engagements. C’est à ce prix qu’il pourra convaincre ses compatriotes et la communauté internationale, qu’il n’est pas venu balayer le palais de Koulouba pour mieux s’y installer.
Arouna Traoré