L’arachide constitue une filière essentielle à l’économie malienne. Elle demeure une légumineuse très appréciée et riche en nutriments. La filière a beaucoup évolué au cours de ces dernières années à travers sa transformation artisanale informelle qui conserve d’ailleur, une place significative dans la valorisation de cette légumineuse.
Dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté, les femmes sont en première ligne. Elles s’investissent dans les activités génératrices de revenus, notamment dans la transformation agro-alimentaire. La transformation de l’arachide en pâte communément appelée pâte d’arachide ou «Tiga-dèguè », en plus de son caractère incontournable dans la gastronomie malienne, génère des revenus importants qui allègent le budget consacré à l’alimentation des ménages.
Si les producteurs de cette légumineuse bénéficient de plusieurs avantages liés à sa culture, les femmes qui la transforment en pâte d’arachide aussi tirent leur épingle du jeu. Notons que la transformation artisanale de l’arachide est une activité informelle majoritairement pratiquée par les femmes. Une manière pour elles de se faire des revenus et subvenir aux dépenses familiales, tout en obtenant une autonomie financière.
La capacité de ces femmes instruites ou peu instruites à opérer des innovations complexes et à s’inscrire dans une logique de mobilisation de fonds pour propulser les affaires, est un facteur de réussite des actions entreprises. Beaucoup d’entre elles développent leurs activités économiques génératrices de revenus sur fonds propres en renforçant ainsi leur rôle dans la société et dans la famille. Et d’autres, par manque de moyens, s’associent en groupement ou en association pour faire la transformation. Aussi, le caractère pénible des travaux de la transformation de la pâte d’arachide oblige certaines à s’associer.
Dans la ville de Kati, les femmes occupent une place de choix dans la transformation de l’arachide. Elles sont au début du processus jusqu’à la commercialisation du produit fini. On rencontre ces femmes un peu partout au Grand marché de Kati, où elles achètent l’arachide et la transforment sur place en pâte pour ensuite la revendre. Mme Diarra Aminata Koné fait partie de ces battantes dont le quotidien est basé sur la transformation de l’arachide.
La quinquagénaire, mère de quatre filles, mène cette activité depuis 10 ans. Elle en tire de quoi payer la scolarité de deux de ses filles. Les deux autres, qui ne fréquentent pas l’école faute de moyen, épaulent leur maman. Sa fille, déjà douée dans la transformation, témoigne : «C’est grâce à cette activité que notre mère ne tend plus la main pour demander de l’argent.» Non loin de Mme Diarra Aminata Koné, se trouvent également les dames Sadio Coulibaly et Fanta Traoré. Très occupées, à notre passage, elles n’étaient pas disponibles à nous parler : «On a une commande de 10 seaux de pate d’arachide à livrer avant 16 heures», nous fait savoir l’une d’elles.
Il n’y a pas que les femmes non lettrées qui exercent ce métier. Maïmouna Coulibaly, nantie d’une maîtrise en droit depuis 2010, est de celles-là qui préfèrent le labeur à la facilité. Elle a perdu son mari alors qu’elle était au chômage et mère de deux enfants. Maïmouna décide alors de prendre son destin en main en se lançant dans la transformation de l’arachide. Elle a démarré avec un petit fonds de 50.000 Fcfa. Aujourd’hui, elle réalise un bénéfice mensuel de 75.000 Fcfa.
manque de matÉriel- Au quartier Mission de Kati, des femmes se sont organisées en groupement pour faire prospérer leur activité. Un mardi matin à 7 heures, dans la cour de la présidente du groupement de femmes transformatrices de pâte, Mme Ballo Fatoumata Diarra commence les activités en attendant l’arrivée des autres membres. Tout sourire, elle nous explique que la transformation de l’arachide est une activité pénible mais rentable. Aujourd’hui, Mme Ballo y tire des revenus importants qui lui assurent une indépendance financière.
Dans le même ordre d’idée, la présidente du groupement, Mme Kanté émilienne Ballo, explique avoir initié cette activité pour permettre aux femmes de son entourage de se prendre en charge financièrement. «J’ai remarqué que beaucoup d’entre nous reste à la maison à ne rien faire. J’ai pensé qu’il faut une activité pour nous occuper quotidiennement et nous procurer des bénéfices pour nous permettre d’assurer notre indépendance financière », explique Mme Kanté émilienne Ballo, ajoutant que son groupe a une vocation d’entraide et de solidarité.
Concernant les difficultés, la présidente confie que son groupement souffre du manque de matériel de travail. Aussi, a-t-elle fait savoir, le prix de l’arachide a augmenté ces derniers temps : le sac de 100 kg est passé de 65.000 Fcfa à 75.000 Fcfa. D’où la cherté de la pâte d’arachide sur le marché. Actuellement, le seau de 10 kg est vendu à 15.000 Fcfa et celui de 5 kg coûte 7.500 Fcfa. «Notre souhait le plus ardent est d’avoir aussi des appuis financiers pour acheter la matière première et le matériel afin que nous puissions faire des stocks pour nous assurer de la continuité du travail», plaide la présidente.
Par jour, ces femmes battantes peuvent parfois transformer plus de 100 kg d’amandes d’arachide et écouler une dizaine de seaux de pâte d’arachide transformée. Ce qui atteste la bonne organisation et le sérieux au sein du groupement de ces femmes dans le travail. «Pour que la pâte soit de bonne qualité et appréciée par les clients, il faut veiller à l’hygiène et à la qualité de l’arachide pour la transformation», précise Mme Kanté émilienne Ballo. Ce conseil est suivi par les autres membres. À preuve, poursuit la présidente du groupement, les clients sont satisfaits de leurs produits.
En suivant la chaîne de valeur de transformation de l’arachide en pâte, ces braves dames font d’abord de façon minutieuse le tri de l’amande de l’arachide à la main pour enlever les ivraies, les cailloux, les coques et autres déchets. Après cette étape, elles font passer à la grillade à l’aide d’une machine manuelle posée sur le feu. Lorsque les graines d’arachides sont soigneusement grillées, leur couverture rouge commence à se libérer. Les graines blanches sont ensuite passées à la machine pour être transformées en pâte.
Anne Marie KEITA
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