Comme si, en dépit de la décennie exaltante de la IIIème République, il est facile de nous effrayer comme de minables individus, froussards par dessus le marché.
Pouvait-on imaginer, qu’après 23 ans d’une dictature féroce sanguinaire et obscurantiste (que du reste il a fallu, au prix de nos corps, de notre âme et de nos esprits déraciner, dessoucher), on en arriverait aujourd’hui à côtoyer dans nos rassemblements des porte-voix humains, au service exclusif des présidents et qui s’essaient à nous épouvanter et nous faire « rentrer dans nos carapaces ».
De vrai, on s’imaginait la démocratie malienne suffisamment ancrée dans nos mœurs. On croyait les Maliens bien intrépides et solidement installés dans leur rôle de « faiseurs d’histoire » pour que des ombres d’hommes s’efforcent de nous faire peur, de mettre à rude épreuve nos nerfs et les pulsations de nos cœurs, avec des slogans du genre : « C’est un homme du Président ». Et dès lors, tout serait dit. Le passe-droit brandi : amen ! Ou dans certains autres endroits : « à vos ordres ! » ou « silence dans les rangs ! ». Nous nous figurions que nous étions vaccinés contre les microbes de toutes sortes d’envahissement, des empiètements sur nos plates-bandes de droit, par quelques petits que ce soit, fussent-ils de l’écurie présidentielle.
Mais hélas, il faut en convenir, les mauvaises habitudes, comme les vénéneuses ont la vie dure. Souventes fois, quelques saltimbanques ou genres de maquereaux affichant un semblant d’audace, s’avisent à piétiner jusqu’aux conventions sociales. Cela, bien sûr, ne leur profite pas personnellement ; mais ils sont contents de contribuer à la promotion de leurs « djatiguis », de hisser d’un cran leurs bienfaiteurs. Griots ratés, leur mission est de concocter un statut particulier à leur protecteur. Leur « c’est un homme du Président » lancé, au public est comme graine semée. Lorsqu’elle germera et deviendra un arbre, il sera laborieux alors de se défaire de leur nuisance, d’éliminer les engeances inoculées dans le sang de la société. Une fois confrontés aux dégâts et problèmes crées par ces hommes de main, les parties conscientes de la population de s’interroger « mais comment donc tout cela est arrivé ? ».
Ma foi, ce ne fut pas de la malédiction, Non ! Seulement l’accumulation des petits faits et gestes, des choses à première vue insignifiantes qui ont produit cet état d’esprit, que nous croyions avoir annihilés en nous : la peur de nos semblables.
M. Diallo
Enseignant
Lafiabougou