Trafic de drogue au Mali : Un fléau protégé et une mafia au sommet

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La consommation de drogues dites « dures » (cocaïne, héroïne, etc.) fait désormais partie du quotidien de nombreux Maliens. Les abonnés sont issus des deux sexes et de diverses catégories sociales. Ils mènent une vie exécrable, partagés entre la gestion de leur manque et la brume psychologique qui les accompagne après leur «dose».

Les trafiquants de fortunes bien différentes. Les cerveaux de cette « Mafia » sont tapis dans les cercles du pouvoir et dans le milieu des affaires. Le trafic de drogue est devenu aujourd’hui un business hyper protégé et un domaine abondamment lucratif. Enquête.

Des vies gâchées, des dealers qui s’enrichissent…

La vie change de cours pour tous ceux qui se hasardent à se complaire dans l’héroïne, la cocaïne et autres amphétamines. La dépendance à ces substances s’installe très vite et les conséquences sont incommensurables sur la santé et les finances du consommateur, ainsi que sur ses rapports avec l’environnement. Et pour s’en convaincre, il faut se référer aux confidences de ce jeune toxicomane : « J’ai 28 ans. J’ai commencé à fumer du « zôkô » (NDLR : du cannabis) depuis2005. Al’époque, on fumait tous ensemble dans le quartier, juste pour le style. Mais après, j’ai commencé à en prendre juste pour dormir, pour manger et quand je devais sortir avec une fille. Et plus tard, j’ai rencontré un autre camarade d’enfance qui m’a montré le caillou (NDLR : le crack). Il m’a fait comprendre que l’on pouvait jouir juste en y touchant un peu et qu’il n’y avait rien d’aussi sexy. On est allé dans un lieu discret et il m’a fait fumer un « caillou ». Evidemment, c’était bien. J’ai aimé. Le second jour, je suis reparti lui en demander. Le même soir aussi. Encore et encore et encore, jusqu’à ce qu’il me dise que je pouvais aller en chercher comme lui, et que ça coûtait la peau des fesses. Je me suis mis dans ça et j’ai mis quatre ans de ma vie en pointillés. Les études ? Basta ! J’ai laissé tomber ma famille et j’étais à tout moment dans des débits de boisson. Je fumais pour 25 000 par jour. J’ai réussi à tout arrêter il n’y a pas bien longtemps. Ma vie revient vers la réalité et je me sens extrait d’un mauvais rêve. Je dépensais l’argent de mes parents, l’argent des filles qui en fumaient avec moi puisqu’elles se prostituent les soirs dans les bars. On volait de temps à autre des portables, des objets précieux, etc. pour les revendre et acheter de la drogue. Je ne peux pas témoigner à visage découvert. J’en ai pourtant envie pour pouvoir demander pardon à mes parents et dire à mes amis et frères qui sont toujours dans cette merde de laisser tomber car ils sont mal barrés, comme on dit ».

La poudre de cocaïne

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces jeunes maliens qui s’y sont adonnés mettent à mal leur capacité intellectuelle, démolissent leur futur et très souvent meurent à la fleur de l’âge. Ils font la connaissance de la drogue à l’école, dans les maquis et les boîtes de nuit, quelques fois dans le quartier, entre camarades d’enfance curieux. Dans ces cercles qu’ils créent, sexe et alcool sont des accessoires pour le crack et les « off » qu’ils achètent à des prix faramineux. Ils constituent ainsi une petite « mafia » qui leur permet de rassembler de l’argent chaque fois que nécessaire. C’est pour cela qu’ils comptent en leur sein des fils et filles de dignitaires, des enfants d’opérateurs économiques, des dealers…Le SIDA est la chose la mieux partagée entre ces jeunes. Mais ils y pensent le moins. Mais c’est lorsque survient la maladie ou a mort d’un des leurs qu’ils commencent à douter de leur statut sérologique. D’un autre côté, il y a les consommateurs anonymes devant l’éternel. Eux, ils surfent seuls, font de petits boulots, des rackets ou volent pour pouvoir gagner l’argent pour leurs drogues. Pour atteindre un niveau « placide » de consommation, il leur faut au moins 10 000 FCFA par jour. Ils se plaignent à tout moment que « la quantité de « off » et la taille des « cailloux » ne font que baisser de jour en jour » et que « c’est pas normal ». Et ils se mettent à insulter à profusion les dealers. Ils ne s’alimentent pas ou très rarement. Toujours à l’affut du moindre sou, ils évitent les «manques». Ils sont même capables de vendre leurs pauvres mères rien que pour obtenir une maigre consommation. Il y a aussi les consommateurs riches qui en achètent pour 25 000 ou 50 000 FCFA, voire plus, par jour. « Ce n’est pas un problème. L’argent, on s’en bat les couilles ! », clament-ils, (et excusez du trop).

Des points de vente en vrac à Bamako

Les revendeurs sont nombreux, ils sont  dans des familles, aux alentours des maquis, des  salles de cinémas, des garages, des étals de cigarettes, des vendeurs ambulants. Les plus malheureux sont ceux qui mêlent leurs familles à ce «deal» crapuleux : des femmes et souvent des enfants de moins de 10 ans. Les plus ingénieux sont les ambulants. Juchés sur leurs motos, ils vont à la rencontre de leurs clients. Du matin au soir, ils parcourent les domiciles et autres points de rencontre pour vendre  et racheter de la drogue. Dix minutes au maximum après votre coup de fil, vous voilà servis. On peut les entendre dire au téléphone : « Je suis en Colombie, et quelqu’un vient de m’appeler en Tchétchénie. Attends, je serai chez toi dans trente minutes ».  Dans certains cas, les clients impatients se tournent vers d’autres revendeurs. Le revendeur ambulant est donc obligé d’aller vite, très vite.  La concurrence est rude, mais malgré tout, certains revendent plus de 500 000 FCFA de stupéfiant par jour.

Qui sont les revendeurs ?

Il y a les revendeurs « agréés », il y a ceux qui ont été « élus » par les « gourous » du système. Ce sont des jeunes en qui on a confiance et qu’on protège en cas de couac avecla Police. Aeux s’opposent les revendeurs traditionnels de chanvre (communément appelé « marijuana »), les incontournables. N’est pas vendeur de drogue dure qui veut. Le milieu est féroce et ses patrons sont intouchables : ils sont capables de tout, même du pire.  Alors, tous ceux qui veulent s’y mettre vont leur faire allégeance. Leur fief, c’est le quartier de Bagadadji. Officiellement, il y a deux grands chefs dans le milieu. Le premier est bien connu parce qu’il est jeune. Avec les apparences d’un « jeune cadre élégant et dynamique ». Mais sous cette carapace se cache une personne pas du tout commode. Il est bien entouré et a ses entrées partout. Et ses amis ne seraient pas les moindres dans ce pays. Le second est moins jeune et parait être un doyen dans le métier. Plus traditionnel, il cultive les traits d’un mafieux sorti tout droit d’un film hollywoodien, bref un « Sicilien », un « Don Corléone ». Il se méfie de tout le monde et connaît très bien les enfants de politiques qui fument de la drogue. Il les tient ainsi tout comme il tient aussi leurs géniteurs. Parlant de ces faiseurs de morts vivants, on peut dire qu’ils n’ont pas pitié de leurs «envoyés spéciaux», entendez ces jeunes qui se sacrifient pour transporter de la drogue à travers leurs systèmes digestifs, c’est-à-dire  ceux qui avalent des capsules enveloppées de cocaïne ou d’héroïne. Ainsi, il arrive très souvent que ces « kamikazes » de la drogue meurent en cours de chemin ou lorsqu’ils sont retenus pendant longtemps parla Police. Unefois enterrés, leurs tombes sont profanées et leurs corps déchiquetés et on en retire les œufs de  stupéfiant. Direction : le marché de ceux qui sont « en manque ». On se croirait dans un de ces épisodes de « New York, Section criminelle ». Mais non, nous sommes bel et bien à Bamako la capitale, et rien de plus ! A en croire certaines sources, les «malheureuses personnes » qui se hasarderaient à investir de l’argent dans ce trafic sans obtenir la caution des patrons et leurs acolytes sont jetées en prison avec, en sus, des procédures judiciaires rudes et sans aucune complaisance.  Pas de pitié pour les concurrents !

Vous avez dit blanchiment d’argent ?

Vous n’avez rien dit, car il faut bien qu’ils blanchissent les sous, qu’on amasse et ramasse de la sueur de parents éprouvés ou  de pilleurs de la nation. Pour ce faire, on ouvre des bars, des maquis, des boîtes de nuit, des boutiques et des entreprises fictives (avec prête-noms), on rachète des tickets gagnants du PMU, on entre dans des capitaux d’entreprise. Ainsi, nos enfants meurent ou deviennent fous, tandis que les dealers s’enrichissent. Mais…silence, la «vida» (vie) n’est qu’un carnaval, même si l’on n’est pas à Rio.

NDLR: Le « crack », c’est le résultat de la purification par cristallisation de la cocaïne lorsqu’elle est dissoute dans de l’ammoniaque ou de l’éther et chauffée. Cette transformation chimique qui rend la cocaïne fumable lui donne alors l’apparence d’un caillou blanc ou jaunâtre qu’il faut rincer à plusieurs reprises avant de la consommer : on dit alors que la cocaïne est transformée en « crack ». Pour s’acheter un de ses petits cailloux de moins d’un gramme, il faut débourser pas moins de 3 000 FCFA : une quantité bien insuffisante pour une journée par personne. Le « off », c’est de l’héroïne mixée avec de la poudre (de lait par exemple). Une seule pincée de cette drogue coûte 1000 FCFA. Les malheureux qui s’y adonnent souhaiteraient en prendre toute la journée : disons au moins 10 doses. C’est beaucoup, non ?

  Jean Pierre James

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3 COMMENTAIRES

  1. Ecoutez je ne pense pas qu’on puisse combattre ce phenomènela.Cela ne signifie pas une demisione. Les plus grands consommenteurs st en general ce qui doivent dennoncer et combattre c’est à dire les decideurs du pays, generaux, hommes politique,haut cadres etc . Vous dites qu’il sont connu de tous et pourquoi ca dure aussi longtemps sans que l’on ne parle? je pense que ceux qui importent et ceux qui consoment st tous du même reseau pour ne pas dire du même monde.Nos pauves fils qi ne savent rien de tout cela s’adonnent à la consommation à outrance et ils meurent à petit feu pendant les gros barons et Parins se la coule douce.Voyez un peu comment ce pays estr geré car ce sont les gros bonnets qui detiennent le trafic, la vente et la grande consommation. Oh pouvoir d’ATT et son grin, le Mali et les Maliens sont devenus des larbins.

  2. Agissons pour combattre ce fléau. Je sais qu’il est très facile de faire ce combat car ceux qui le font sont connus.

  3. M.le journaliste merci d’avoir fait un article sur ce phénomène et je vous demande si possible d’en faire chaque semaine.Beaucoup de maliens soit ne connaissent soit connaissent peu ce phénomène. Pour le cas des monstre (dealers),conscientiser d’abord la population dans la mesure où ces dealers sont pris comme des citoyens honnêtes dans leur quartier; ils sont avec nous. Ils doivent être rejettés. Ce qui me dérange dans cette affaire que ça soit à Bagadadji, Missira… on vend, on achète et on en consomme au vu et au su de tout le monde sans être inquiet. Comme je vous ai demandé plus haut, il faut faire au moins un article chaque vous auriez rendu un grand service pour beaucoup comme moi sans fortune. Que si rien n’est fait on tend vers “l’institutionnalisation de ce fléau”

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