Comment réinventer de la légitimité pour le choix des dirigeants. Altruisme, le dévouement à la cause commune, la sagesse, le respect, la probité et le travail; bref la légalité et la légitimité sont les défis à relever en matière de qualité dans le choix des dirigeants.
Comprendre le choix des dirigeants, son évolution dans le contexte malien et proposer une série d’options qui servira à alimenter les réflexions sur la question. Tel était l’objet de la conférence-débat mensuelle organisée par l’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA-Mali) suite au rapport portant sur « Le Choix des Dirigeants : Acteurs, Espaces et Réinvention de la Légitimité Produit. »
La conférence a tenté de suggérer des pistes pour une articulation entre les espaces traditionnels et les espaces modernes en terme de revalorisation des choix des dirigeants dans le contexte actuel. Aussi des interrogations telles : Comment sont choisis les dirigeants dans le contexte malien et quels critères privilégier pour des choix judicieux ?
Qui étaient dirigeants et qui le sont aujourd’hui ?
Comment et où se construisent leurs légitimités dans le contexte traditionnel et moderne ? Quels défis pour une articulation entre les espaces traditionnels et les espaces modernes en termes de revalorisation des choix des dirigeants dans le contexte actuel ?
Les réponses aux différents questionnements ont permis ARGA-Mali d’aboutir à la conclusion selon laquelle, il n’y a pas d’adéquation entre le choix des dirigeants et l’exercice du pouvoir politique au Mali, des critères peuvent être ébauchés pour un meilleur choix. Pour les participants à ladite conférence, en milieu rural, il y a des normes de référence qui, datant de périodes séculaires, à partir desquelles les dirigeants au Mali étaient caractérisés par un certain nombre de vertus : l’altruisme, le dévouement à la cause commune, la sagesse, le respect, la probité et le travail; bref la légalité et la légitimité qui, du reste, sont aujourd’hui les défis à relever en matière de qualité dans le choix des dirigeants.
En claire soutient ARGA-Mali, avant, le dirigeant était l’homme qui agissait de façon responsable. Il devrait agir à l’intérieur d’un triangle dont les différents côtés sont : l’obligation des tâches populaires à assumer, son dévouement et ses capacités personnelles.
Ces trois vertus, fera retenir la conférence, sont en réalité les bases d’un meilleur éclairage de la gouvernance. Aussi tant que le dirigeant se fonde sur ces vertus, les dieux, les ancêtres l’aideront à réaliser les objectifs qu’il veut atteindre. Les tendances déviationnistes entrainent des effets contradictoires « Nyémaya yé djon sen saaba de yé : foroba baara, cèsiri, maya ». Traduire la responsabilité s’appuie sur trois piliers que sont la bonne gestion du bien public, l’abnégation et la vie en communauté.
Le dosage entre les formes traditionnelles et modernes
C’est dans cette symbiose que se trouveront les bases d’une gouvernance utile. Les logiques développées par les enquêtés de la rédaction du rapport ont amené ARGA- Mali à construire une vision pyramidale dont les ressorts s’appuient sur dix commandements. Il s’agit plus ici d’un permis de conduite qu’une série de révélations divines, dira Docteur Idrissa Soïba Traoré, chercheur à l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique et encadreur du duo d’étudiants, Ismaïla Traoré et Adizatou Touré qui ont rédigé ledit rapport.
Ainsi les futurs dirigeants doivent incarner ou être caractérisés par les dix commandements suivants : Ladriya (sagesse), Jigifa (répondre aux valeurs incarnées par la société), Jamajigi (espoir de la communauté), Dioyorofa (responsabilité, dévouement à la tache, accomplissement des tâches), Baradon a ni Matarafali (maitrise et accomplissement de sa tache), Nyétasabatiba (celui qui développe), Nyétabila ( prévoyant), Danfara foroba a ni yéréta (agit dans le sens du bien commun et fait le distinguo entre ses biens et ceux collectifs, victoire sur les attaches familiales, les liens d’amitié, les religions, légitimité et légalité.)
S’appuyant sur toutes ces valeurs, ARGA Mali conclut que le dirigeant, bâtisseur de l’Afrique et du Mali en particulier pourrait se construire au prisme du travail, du dévouement à la cause communautaire et nationale ; de l’intégrité morale, de l’esprit de discipline, de justice, d’équité et du sens de la patrie.
Ce qui a fait dire au Dr.Mamadou Fanta Simaga que le chef doit être le grand arbre sur lequel, nous les oiseaux, peuvent se poser. Il doit être le marigot où tout le monde peut aller faire sa lessive. Le chef doit se faire la place publique que tout le monde foule sous ses pieds.
LES REACTIONS
SALIF TRAORE, ARGA MALI.
« Je me dis qu’il y a deux visions qui sont mises en parallèle. Il s’agit du pouvoir coutumier qui défait du pouvoir électif. Mais de plus en plus on se rend compte que la légitimité se trouverait au niveau du chef coutumier. Alors la question que je me pose, si cela est, et la gouvernance voulant dire le bien être de tous. Et si tous les dépendants d’un chef se reconnaissent en lui pourquoi ne pas en ce moment là privilégier ce mode d’élection ? Que d’aller chaque fois au changement de dirigeant dans lequel dirigeant la jeunesse ou les administrés ne se reconnaissent pas ».
KALIFA DIAKITE, DU RESEAU REUSSIR LA DECENTRALISATION.
« En fait, toute la problématique de la gestion des collectivités au niveau local se trouve confrontée au choix des dirigeants. Moi, je pense qu’il y a deux visions qui sont confrontées. Et on a parlé de la symbiose de ces deux visions. Le mode traditionnel et le mode occidental. On ne peut pas rejeter la vision occidentale comme aliénante étant donné que tous nos textes sont basés sur cette vision occidentale de bonne gouvernance ».
DR. MAMADOU FANTA SIMAGA, écrivain
« Le grand dilemme qui est posé, c’est tradition et modernité quelle gouvernance pour l’Afrique ? Quel comportement pour les africains et quel repère pour les jeunes africains ? C’est cette équation qu’on n’arrive pas à résoudre. Il ne faut pas tout traditionnel mais on ne peut pas être tout moderne. Parce que, que ce soit la démocratie, sa conception ça vient d’ailleurs. Et avec la crise que traverse le Mali cela vient de montrer que ça ne suffit pas ».
PR. YOUNOUSS HAMEYE DICKO, leader politique
« Il est évident que la crise sociale, la crise morale, la crise politique semble être le résultat du mauvais choix de nos responsables et de nos dirigeants. Et je pense qu’il y a deux types de légitimités qui se complètent. La première c’est le choix même de nos dirigeants les critères qui ont permis de le choisir. L’argent étant devenu le maitre mot du choix des dirigeants. En tout cas l’argent n’a jamais fait le bon choix. Un dirigeant ne peut être choisi sur les critères de l’argent. Le deuxième critère pour moi, c’est la loyauté et l’honnêteté avec lesquelles le dirigeant qui parvient au pouvoir va exercer son pouvoir. S’il est venu honnêtement il doit gérer honnêtement ».
DR. OUSMANE SY, leader politique
« Dans notre construction moderne, comment nous choisissons nos dirigeants ? Aujourd’hui on met en place une commission électorale, à chaque élection on vote une loi électorale et on ne regarde que l’aspect légal. On regarde, est-ce que, ce qui est fait respecte la loi ? Mais qui se pose la question sur « est-ce que, ce qui est fait, permet de produire la légitime»? Personne ne se pose la question. Parce qu’on part du principe qu’une fois que c’est légal c’est légitime. Or une élection peut être absolument légale, respecter toutes les procédures mais ça peut ne pas avoir aucune légitimité. Quand on regarde le choix des dirigeants dans nos traditions, il y a ce qui est légal, mais il y a aussi les valeurs qu’un dirigeant doit incarner. Or nous aujourd’hui nous avons des dirigeants qui sortent par le système de vote mais qui n’incarnent aucune valeur. Donc ça nous coûte ce que ça nous coûte. Et je crois que c’est une question fondamentale, tant que nous ne mettons pas cette question au débat, on peut tout faire, on peut s’insulter entre nous, se vilipender entre nous, à la fin, je crois qu’on ira que dans le fond. Et malheureusement les processus démocratiques que nous avons installés ont perdu leur sens à partir du moment où on a perdu le sens des valeurs ».
Ange De Villier
L’Afrique, pour construire son avenir doit impérativement faire appel à son passé. Elle doit se bâtir sur le socle de ses valeurs ancestrales bien choisies et les marier harmonieusement et judicieusement avec des valeurs modernes tout aussi convenablement ciblées. Elle doit éviter de tout prendre ou tout rejeter aveuglement, ni de la tradition ni de la modernité.Plutôt opérer un tri judicieux dans chacune des deux sources et ensuite réaliser mariage harmonieux des deux éléments, tout en veillant à ce que le traditionnel assure la base de l’édifice.
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