Tour de Lassa : Voter pour noyer ses illusions dans les urnes

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De notre Tour de Lassa, j’avais le loisir de voir des caravanes sillonner certains quartiers de Bamako, notamment en commune IV du District pour pousser les populations à mordre à l’hameçon des illusions politiques. Oui, la campagne des communales bat son plein depuis une dizaine de jours et les listes rivalisent de ruse pour mieux séduire un électorat désabusé ou naïf.

12 milliards FCFA, plus de 7 millions électeurs et 4122 candidatures ! Voilà les élections communales du 20 novembre 2016 en termes de chiffres clefs.

Le hic, c’est l’absence de vrais débats d’idées sur par exemple les radios de proximité qui préfèrent vendre plutôt des plages de publi-reportages aux candidats les plus fortunés pour soigner leur image.

Les affiches ne sont pas non plus instructives sur les vraies ambitions de ceux qui convoitent nos suffrages et espèrent ainsi bénéficier de notre confiance pour gérer nos cités. Les meetings tournant à la propagande et aux propositions démagogiques, comment alors savoir qui a réellement un projet concret pour nos communes urbaines et rurales ?

Si la classe politique respecte réellement les électeurs, elle ne peut pas agir comme s’il faut faire l’impasse sur les gestions précédentes. Pas forcément pour juger et condamner leurs prédécesseurs. Mais, il aurait été intéressant pour nous autres qu’on fasse le diagnostic des exercices écoulés en termes d’acquis et de passifs, de réussite ou d’échecs…

Que reste-t-il aujourd’hui du patrimoine foncier de notre commune ? Quels sont les projets des listes pour nos communes ? Quelle est leur pertinence et leur réalisme ? Voilà normalement ce qui doit guider un électeur dans son choix le 20 novembre prochain. A la place de vrais programmes, on ne lit que des slogans creux comme «l’expérience au service du développement», «la jeunesse au service du changement», «une jeunesse active pour le développement», «j’aime ma commune, je vote»…

Quid du financement des illusions vendues pendant la campagne !

Il serait par exemple bien de savoir, à Bamako, quelle stratégie innovante les futurs élus comptent-ils mettre en place pour financer le développement communal ? La question est d’une importance capitale pour qui sait que l’essentiel des ressources de certaines communes proviennent de morcèlement sauvage des terres pour alimenter la spéculation foncière.

Malheureusement, de nos jours, il n’y a plus d’espaces à morceler dans de nombreuses communes. Et l’informel qui permettait plus aux agents de racketter les petits commerçants que d’alimenter la caisse communale est presqu’en faillite suite à l’opération «Ami Kane» (libération des artères et trottoirs).

Il ne reste que la coopération décentralisée aux interventions très limitées. Alors comment nos futurs élus vont-ils mobiliser les moyens indispensables à la réalisation de leurs projets ? Vont-ils augmenter les impôts et taxes ? Vont-ils créer de nouvelles taxes ? L’électeur doit le savoir avant de glisser son bulletin de vote dans l’urne où échouent généralement ses rêves, où se noient toutes les illusions et utopies bues pendant la campagne.

Ce silence n’est pas anodin parce qu’il permet de mieux berner les citoyens pour se faire élire réaliser ses vraies ambitions : s’enrichir personnellement !

Au Mali voire en Afrique, être conseiller municipal, maire, président de conseil de cercle ou d’Assemblée régionale voire député est une juteuse profession. C’est pourquoi les prétendants sont prêts à tout investir dans une campagne démagogique pour se faire élire parce qu’ils savent que c’est un investissement rentable sur tous les plans : les dividendes économiques sont immenses !

Toutefois, les raisons ne manquent pas comme par exemple la présence significative des femmes et surtout des jeunes sur les listes de candidatures. Pour une fois, la jeunesse et la gente féminine sont réellement et concrètement présents dans une élection au Mali.

Les jeunes y sont présents pas seulement pour se faire élire, mais aussi changer l’image de la politique, de sa perception… Comme nous le disait dans une interview Yaya Maïga, un jeune professeur et tête de liste de SADI, leur «ambition est de réconcilier les citoyens avec leurs élus par des projets pertinents et réalistes car adaptés à leurs préoccupations».

 

Des jeunes ambitieux dans «un monde impitoyable» !

C’est la même volonté que nous avons senti chez Mohamed Elmoctar Cissé, un jeune patriote qui est la tête de liste de l’Alliance pour la République (APR) à Gao.

Son défi, c’est avant tout changer l’image de la politique dans sa ville voire au Mali. «Ma conviction est que la politique est une école où l’on vient pour mieux apporter sa contribution à la réalisation d’un idéal et à la prise en charge des préoccupations des citoyens», nous confiait-t-il d’une voix sereine confortant sa détermination.

Et d’ajouter, «je suis venu en politique dans le but de donner une autre image du politicien qui n’est pas celle de l’escroc, du trompeur ou du menteur. Mais faire plutôt de la politique à l’image des grandes démocraties où l’on se bat pour un idéal», précise le porte-drapeau de l’APR.

Et sa campagne symbolise cette volonté de rupture. «Je fais campagne sans distribuer de l’argent. Si je dois être élu, il faudrait que ce soit par le mérite et non l’achat de conscience. Ici, je suis peut-être l’unique tête de liste qui circule à moto (rires)», promet M. Cissé.

Ces jeunes disent s’être engagés pour améliorer la gouvernance de proximité afin que les choses changent dans nos communes, dans nos cercles, dans nos régions et dans notre pays. De bonnes et sincères intentions dans la plupart des cas.

Mais, hélas, cela ne suffit pas toujours car il faut se comporter comme un loup pour pouvoir affronter les vieux prédateurs de l’arène politique. Comme le disait une amie activiste en France, «la politique est un monde impitoyable».

Les agneaux y seront toujours en péril. Avant d’occuper les responsabilités politiques convoitées, on pense sûrement pouvoir changer les choses et on surestime ses capacités et sa détermination à faire changer rapidement les choses.

Malheureusement, on prend vite conscience des limites de sa marge de manœuvre. Et il faut s’armer de courage, de persévérance et surtout d’audace pour maintenir le cap, résister à la tentation de prendre une déviation peu honorable et décevoir ses concitoyens.

Comme le dirait l’autre, «c’est bien beau de promettre monts et merveilles, mais encore faut-il que cela soit possible».

Notre consigne de vote ? Ne votez pas pour les supposés «grand partis» (suivez notre regard) qui n’ont pas besoin de vos bulletins pour atteindre leurs objectifs, obtenir le maximum de conseillers municipaux.

Et cela d’autant qu’ils sont passés maîtres dans l’art des hold-up électoraux. Donner une chance aux «petits» partis et aux indépendants de siéger aux conseils communaux pour un peu équilibrer les rapports de force. On évite ainsi de donner un blanc-seing aux vautours pour agir à leur guise !

Le plus important, c’est que les électeurs ne doivent jamais oublier qu’ils ont la clef du changement et du développement de leurs communes. Cela est fondamental dans une démocratie !

Moussa Bolly

 

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