En bas de la Tour de Lassa, ce dimanche après-midi, Bamako paraissait plus calme. Plus calme qu’il y a une semaine, le dimanche 20 novembre 2016. Ce jour où les Maliens étaient massivement attendus dans les bureaux de vote pour renouveler leurs conseils communaux sept ans après le dernier scrutin à ce niveau.
A cause de la crise que traverse le Mali depuis 2012, les élus communaux ont vu leur mandat prolonger de deux ans. Une situation confortable pour certains d’entre eux et leurs chapelles politiques qui ne cessaient d’inventer des prétextes pour souhaiter le report d’un scrutin qui l’a été trois fois déjà.
Les Maliens se sont rendus timidement aux urnes le dimanche 20 novembre 2016 pour renouveler le mandat des organes communaux.
En plus d’avoir un nombre important de conseillers communaux (l’un des critères pour bénéficier de l’aide publique annuelle aux partis politiques), l’un des enjeux politiques de ce scrutin était le contrôle des communes urbaines, notamment celles de Bamako et des capitales régionales.
Pour les supposés «grands partis», tous les moyens étaient bons pour s’accaparer de la part du lion. Des alliances contre nature à l’achat des voix. Les jeunes novices entrés dans l’arène à l’occasion de cette consultation électorale l’ont appris à leurs dépens. Tout comme les «petits partis».
«Pour gagner les élections, avoir de bons résultats à Bamako, c’est deux choses : soit tu as de l’argent ou tu profites des moyens de l’Etat. Ce qui explique la victoire de l’URD (commune VI). Ils ont mis beaucoup plus d’argent que tout le monde. Leurs différentes têtes de liste ont au moins eu chacun 4 millions de F CFA. Cela sans compter les dépenses du jour du vote. Sinon on se connait très bien ici», s’est offusquée une militante d’un grand parti à Sokorodji, en commune VI du district de Bamako. L’achat des consciences, le hold-up électoral par le bourrage des urnes… sont érigés en stratégies électorales depuis l’avènement de la démocratie.
Et pourtant, c’est notre vision, cette élection a ouvert des brèches dans ce honteux système. Certains enseignements redonnent l’espoir d’un éveil de la conscience citoyenne. Comme certains scores et des victoires éclatantes dans un environnement de corruption généralisée.
Comme par exemple cette liste indépendante «Oumou Sall Seck» qui a triomphé (10 sur 17 conseillers élus) à Goundam (Tombouctou) de l’alliance URD-RPM-APR. Comment ne pas voir un signe d’espoir en cette victoire à Sikasso de l’Adema sur l’alliance RPM/Codem soutenues par plusieurs membres du gouvernement, avec tout le trafic d’influence que cela suppose.
L’espoir d’un changement en faveur de vraies valeurs politiques
«Sikasso sait rester digne, dans l’honneur quand on lui montre le chemin. Contrairement à tous ceux qui pensaient qu’avec l’argent on peut continuer de se jouer de Sikasso, de se jouer de son avenir, de se jouer de son devenir, de se jouer de son développement, ils l’ont appris à leurs dépens que Sikasso sait se ressaisir», a rappelé M. Kalfa Sanogo, la tête de liste victorieuse, dans une interview accordée à nos confrères Le Pouce.
«Nous avons eu des milliers de voix sans mettre la main à la poche. C’est dire que nous avons respecté les règles de l’art en ne donnant 2 000 ou 5 000 francs à personne. En effet, cela me donne l’espoir qu’il y a encore des gens comme nous au Mali. C’est pourquoi nous continuerons à nous battre parce que nous aimons le Mali», défend un jeune candidat qui a été battu pas parce qu’il n’avait pas un programme ou qu’il n’avait pas les moyens de faire comme les autres, mais parce qu’il voit autrement la politique.
D’ailleurs la présence massive des jeunes dans l’arène politique est le second signe d’espoir que nous avons perçu à l’issue des communales du 20 novembre 2016. Les jeunes étaient bien présents dans le combat électoral même si leurs camarades n’ont été aussi présents dans les urnes.
Ils étaient là même s’ils ont été victimes de leur naïveté, des valeurs auxquelles ils croient et veulent imposer comme le socle de la vie politique au Mali.
Naïveté ? Oui, parce que nos jeunes candidats ont oublié que ce n’est pas à la veille de la chasse qu’il faut entrainer son «chien». Ce n’est donc pas à l’approche des campagnes électorales qu’il faut donc aller au contact de l’électorat. Cela se paye cash dans un pays où on est encore loin de la maturité politique attendue des citoyens et où on ne vote pas pour un programme ou des idées novatrices pour améliorer la vie dans nos cités. Ici, pour le moment et encore pendant de longues années, c’est le poids financier du candidat ou de la liste qui fait la différence.
Une pratique contre laquelle se battaient la majorité de nos jeunes candidats engagés avec des partis peu nantis ou sur des listes indépendantes.
Persévérer pour parvenir au changement souhaité
Au-delà du vote, ces jeunes ont eu le courage de descendre dans l’arène pour défier les grosses pointures rodées dans le hold-up électoral pour partager leur vision de la politique, pour redonner espoir aux chroniqueurs politiques et au peuple malien qui ont toutes les raisons de désespérer de ceux qui sont au-devant de la scène politique depuis mars 1991.
Nous espérons maintenant qu’ils auront le courage et la persévérance d’un Moussa Mara à qui on tentait injustement de barrer la route dans La Ruche (ADEMA) et qui a pris son destin en main. D’abord comme indépendant avant d’ouvrir sa propre chapelle : Yèlèma ! Changement !
Ce changement, il ne l’a pas voulu dans le discours seulement, mais comme une vision claire qui s’est dessinée dans l’écoute des citoyens, des leaders d’opinions.
Nous l’avons accompagné au départ de ce qui paraissait comme une aventure sans lendemain pour beaucoup de barons des «partis phares». Sans jamais se décourager ou se dérober, Mara est parti à l’écoute des populations, pour discuter avec elles et se faire une idée de leurs difficultés et de leurs aspirations et baliser les chemins de l’avenir…
Il a sillonné tous les quartiers de la commune IV pour apporter une aide essentielle (financement des activités génératrices de revenus, réalisations d’infrastructures de désenclavement, construction et équipement d’écoles et de centres de santé…) aux habitants, surtout aux femmes et aux jeunes. Le mérite et l’atout du jeune Mara, c’est de ne pas attendre la période des élections pour se pointer, mais d’être toujours là dans le quotidien des citoyens de sa commune et, ces derniers temps, du pays.
Il ne faut pas inventer la roue, mais suivre la voie
Voilà la voie que tous nos jeunes candidats doivent suivre. Il est évident qu’ils n’ont pas tous les moyens d’un Moussa Mara. Mais, ils ont la volonté et surtout l’intelligence de forger une vision politique, d’initier des projets pour la conforter et l’amener un jour à prendre le dessus.
Mais, c’est déjà une bonne chose que les partis politiques aient été contraints de jouer la carte de la femme (loi 052) et de la jeunesse.
Descendre dans l’arène au moment d’un scrutin est une chose. Mais, rester au quotidien dans l’arène est le vrai défi que nos jeunes politiciens doivent maintenant relever. La lutte ne fait que commencer, parce que changer la façon dont la politique est exercé et comprise dans notre pays est un devoir, une noble mission pour eux.
Ce combat pour le changement des principes politiques ne doit pas être forcément mené de façon unilatérale. Ceux qui ont des visions proches peuvent se donner la main pour former un front unique au lieu de perdre des énergies à se combattre.
Mais, ceux qui pensent qu’intégrer les grands partis et travailler pour le changement de l’intérieur est la meilleure option pour les nouvelles générations. A condition de ne pas se faire contaminer par le virus des mauvaises pratiques ou se faire dévorer comme des agneaux qui bêlent trop et qui dérangent la meute à l’affût des mauvais coups politiques.
De toute évidence, il faut penser à s’investir rigoureusement dans le lobbying pour éveiller les consciences pour que le peuple malien puisse comprendre que ceux qui se battent dans l’arène politique depuis des décennies ne pourront jamais changer les choses.
Il faut surtout accentuer les efforts sur leurs camarades jeunes qui sont les plus nombreux à bouder les urnes en se disant que leur vote ne sert à rien.
Le changement ne se fera pas sans la jeunesse, aussi bien sur les chantiers du développement socioéconomique que dans les urnes pour élire des dirigeants réellement soucieux du bien-être des citoyens. C’est la seule certitude pour le moment !
Moussa Bolly