Think tank : La bonne gouvernance économique pour retenir « les candidats au suicide »

Cela fait près de vingt minutes qu’elle pleure doucement, autrement dit depuis qu’elle est montée à bord du véhicule. Au point que ses yeux en sont devenus complément rouges, comme si elle avait contracté une conjonctivite. Devant l’insistance de son attitude, les passagers, en majorité des femmes, imaginant certainement sa détresse, lui prodiguèrent, à qui mieux-mieux, conseils et mots de soulagement, histoire de lui remonter le moral en partageant sa peine. Emue par tant de compassion, la brave dame finit par s’ouvrir, entre deux sanglots, de l’objet de son drame à l’assistance: elle a perdu trois parents dans le naufrage d’un chalutier survenu le 19 avril dernier au large des côtes libyennes. Ce naufrage aura fait, à en croire les informations diffusées par la presse internationale, près 800 morts.

Selon un communiqué du gouvernement malien, le nombre de Maliens ayant péri dans ledit naufrage se chiffre à 156, provenant majoritairement de la région de Kayes, une zone de forte émigration. Rappelons que ce naufrage fait suite à un autre survenu, une semaine auparavant, qui a fait, selon le récit des survivants. Combien y a-t-il de Maliens  parmi ces 450 victimes ? L’histoire ne ledit pas. Ce qui est sûr, il est rare qu’aucun Malien ne figure dans les macabres bilans des drames de ce genre qui défraient, hélas, régulièrement, l’actualité. Curieusement, ils se produisent presque toujours dans les mêmes circonstances : des canaux pneumatiques ou de chalutiers vétustes et surchargés. Un réseau criminel animé par des passeurs obnubilés par l’argent et n’attachant aucun prix à la vie humaine. Et le phénomène va crescendo avec la déstabilisation de la Libye par les Occidentaux, la France de Nicolas Sarkozy en tête.

C’est sidérant de voir des centaines de jeunes, parfois même des femmes et des enfants, aller contre vents et marrées- c’est le cas de le dire-bravant les flots et la mort, courant désespérément derrière des chimères, comme s’ils fuyaient l’enfer. Si dans certains cas, comme en Somalie où règne la guerre, il est facile de comprendre les motivations des « desperados », pour d’autres pays, en revanche, comme le Mali ce n’est pas le cas dans la mesure où la zone de départ, essentiellement la région de Kayes, n’est pas  située une ère de conflit. Les raisons ne peuvent qu’être économique ou d’ordre socio psychologique.

Dans tous les cas, ce n’est pas normal que dans un continent, l’Afrique, qui fournit 40% de la matière première au monde, l’on continue à végéter dans la pauvreté et la misère. Dans un tel continent où tout reste à bâtir le chômage et la pauvreté ne devraient pas prospérer.

Le dernier cas, à cause de l’ampleur du drame et du nombre élevé des victimes a créé un semblant d’émoi  chez les Occidentaux qui n’ont eu, en vérité, de cesse de fermer leurs frontières pour ne pas « accueillir toutes les misères du monde ».  Entre nous, qui a créé ces misères ? Des déclarations sont faites en réalité pour se donner bonne conscience, parce que, après tout ne sommes-nous pas tous des hommes, descendants d’Adam et d’Eve, avec des tripes et un intellect ?  De fait, ces drames à répétition interpellent à la fois les décideurs de l’Occident et ceux des pays de départ.

Pour revenir au cas spécifique du Mali, voilà un pays que Dieu, dans sa mansuétude, a doté de fabuleuses ressources naturelles, minières et agro-sylvo-pastorales. Des ressources minières dont certaines sont avérées, comme l’or-notre pays est 3^ème producteurs africain du métal jaune, d’autres pas encore mais dont les indices laissent croire qu’elles existent. L’élevage avec son énorme cheptel (10 millions de bovins, 22 millions d’ovins-caprins) ne contribuent encore qu’à 10% du PIB. Avec un potentiel de 2 millions d’hectares sur lesquels 1 907 000 hectares sont irrigables mais dont moins de 200 000 hectares sont, à ce jour aménagés, depuis la construction du barrage de Markala en 1945, peut nourrir toute l’Afrique de l’ouest, tout au moins les pays de la zone UEMOA. En produisant plus et en transformant sur place les produits agricoles (riz, pomme de terre, tomate…) le Mali peut créer des centaines de milliers d’emplois. Sans compter l’existence d’autres filières porteuses comme les fruits, le karité, la gomme arabique, la pisciculture, l’aviculture les engrais, les matériaux de construction, l’artisanat qui constitue un gigantesque gisement d’emploi et de richesses peu exploité…Dire que les citoyens d’un tel pays terminent de façon tragique noyés dans les eaux de la Méditerranée !

Il est vrai aussi que le phénomène migratoire comporte aussi des ressorts socio psychologiques,  donc subjectifs, avec l’effet miroir aux alouettes qu’exerce l’Occident sur nos jeunes. Des campagnes de sensibilisation s’imposent à ce niveau en leur montrant que le paradis virtuel qui se présente à eux peut se révéler être un enfer. Mais dans le fond, avec un peu de bonne gouvernance économique l’on pourra retenir sur place « les candidats au suicide ».

Yaya Sidibé      .

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