Un think tank (on dit aussi brain box) ou laboratoire d’idées est une institution de droit privé, en principe indépendante des partis, à but non lucratif, regroupant des experts, et qui produit des études et des propositions dans le domaine des politiques publiques.
Par analogie, cette nouvelle rubrique se veut un espace de propositions ouvert à tout le monde. Tous ceux qui ont une ou des idées pertinentes à même de faire avancer le pays sur le plan institutionnel, politique, économique, social, culturel, sportif peuvent contribuer à la faire vivre… La rubrique est donc ouverte à tous les bons citoyens, ceux qui ont à cœur le développement de leur pays, sans considération politicienne, partisane ou personnelle.
C’est l’emploi, actuellement une préoccupation planétaire, qui ouvre le bal. A ce sujet, le dernier concours d’entrée à la fonction publique est très révélateur de l’acuité avec laquelle se pose le problème de l’emploi au Mali. En effet, pour un besoin de 1 512 agents 58 000 candidats se sont présentés. Autant dire une goutte d’eau dans la mer. Que faire alors des dizaines de milliers de diplômés sans emploi? Un véritable casse-tête.
Toujours est-il que, si l’on n’apporte pas une réponse idoine à cette équation, cette immense masse de jeunes désœuvrés peut devenir, à terme, une véritable bombe à retardement. Car une jeunesse sans repère et sans horizon court le risque de verser dans la délinquance et le grand banditisme. Sans compter le fait que ces jeunes sont des proies faciles pour les recruteurs de l’islamisme radical et autres fous de Dieu doublés de narcotrafiquants. Le Mali et les pays africains, d’une manière générale, ont la chance d’avoir une population très jeune – les deux tiers de la population ont généralement moins de 30 ans – une chance qui, si elle n’est pas traduite en opportunités réelles, risque de devenir la principale cause de leur destruction.
C’est pour toutes ces raisons que la question du chômage doit être perçue comme un problème de sécurité nationale, en ce qu’elle constitue un facteur majeur de déstabilisation sociopolitique, alors que sans la stabilité rien de durable ne saurait se construire. L’inadéquation entre la formation professionnelle et les besoins du marché de l’emploi, ainsi que le manque de volonté politique et d’imagination, sont les principales causes du chômage, ce grand mal de nos sociétés modernes.
C’est ce qui explique certainement le singulier paradoxe entre les immenses potentialités et le taux élevé du chômage dans notre pays. Pour inverser la vapeur, il urge de prendre le taureau par les cornes, en faisant preuve d’un volontarisme de bon aloi, sous-tendu par des politiques d’emplois hardies. Il s’agit, en somme, de mettre des ressources humaines conséquemment formées au service de la valorisation des secteurs dans lesquels le Mali possède des avantages comparatifs certains, en favorisant l’auto-emploi des jeunes et le renforcement des capacités d’absorption du secteur privé.
Comment comprendre qu’un pays qui est traversé par deux grands fleuves (le Niger et le Sénégal), disposant du plus grand cheptel de l’Afrique de l’Ouest, à l’exception du Nigeria, et d’immenses richesses minières, continue de subir le chômage de façon cruciale? Pour la petite histoire, l’élevage ne participe à la formation du produit intérieur brut (PIB) qu’à concurrence d’à peine 10%. Alors, il suffit de porter ce taux à, par exemple, 15% voire 20% pour créer beaucoup de richesses et d’emplois et lutter efficacement contre la pauvreté.
Cela pourrait passer par l’accompagnement par les pouvoirs publics et les banques des jeunes à installer dans des activités innovantes, à l’image des cultures fourragères. Ou dans des sous-secteurs comme l’embouche bovine et ovine, la production et l’exportation de la viande, la production et la transformation du lait, la valorisation du sous-secteur des peaux et cuirs, la valorisation des sous-produits d’abattage…
Dans le domaine des mines, il serait intéressant, à côté de l’or et d’autres substances, de développer une chaîne de valeur autour des pierres fines (grenat, prehnite, améthyste…) dont le sous-sol du Mali regorge. D’autant que la valorisation de ce sous-secteur n’a pas besoin d’investissements lourds et que de la richesse et des milliers d’emplois pourront ainsi être créés.
Il s’agit, enfin, de mettre en adéquation le marché de l’emploi et la formation professionnelle, afin que les écoles de formation professionnelle ne deviennent pas des fabriques de chômeurs.
Y Diallo