L’audience était présidée par le vice-président du tribunal le juge, Samba Sissoko. Le prévenu, Ibrahim Bocoum, était défendu par Maître Adamou Cissé et la présidence de la République par Moussa Guindo, un fonctionnaire du Contentieux de l’Etat.
Le juge Cissoko a commencé par lire les charges retenues contre le prévenu, à savoir une tentative d’escroquerie du chef de l’Etat. Le prévenu, grand de taille, né le 25 septembre 1964 à Abidjan, se tient à la barre, habillé en boubou bleu et blanc, portant de fines lunettes blanches, une bouteille d’eau minérale en main. Il parle un excellent français et use d’un ton qui fait penser à un ministre d’Etat en exercice. La salle est remplie de parents et amis venus le soutenir moralement. A la question de savoir s’il reconnaît les faits qui lui sont reprochés, Bocoum répond que non.
L’intéressé explique qu’il n’est pas l’escroc que l’on imagine; qu’il a bel et bien été envoyé par Michef Djotodia pour rechercher des fonds au Mali et qu’il n’en est d’ailleurs pas à sa première fois. Sous la Transition, rappelle-t-il, il dit avoir effectué une mission du genre à Bamako où il a été reçu par le secrétaire général de la présidence, à l’époque Ousmane Sy, qui a rendu compte de sa requête à Dioncounda Traoré, alors empêché. “Ma mission consistait à demander aux autorités de transition maliennes d’oeuvrer à ce que la Centrafrique renforce ses lierns avec la CEDEAO. Après mon séjour au Mali, je me suis rendu en Mauritanie, au Burkina Faso et en Guinée où j’ai été reçu par les différents chefs d’Etat. Je devais retourner au Mali le 12 décembre 2013 mais Djotodia m’a demandé de reporter mon voyage car le gouvernement centrafricain devait recevoir des hôtes dont je devais m’occuper”.
Bocoum a finalement quitté Abidjan le 9 janvier 2014 pour débarquer à Bamako le même jour à 14 h 10 mn. Il a été accueilli à l’aéroport de Sénou par le protocole de la République puis conduit à l’hôtel Radisson. “A 17 heures, j’ai rencontré le président Ibrahim Boubacar Kéïta au palais de Koulouba; pendant une trentaine de minutes, j’ai discuté avec lui. Il m’a fait des confidences que je ne répéterai pas ici. Je à qui il a remis 3 correspondances. La première correspondance a trait au projet d’ouverture d’un consulat centrafricain à Bamako, la seconde à une visite ultérieure de Djotodia à Bamako, et la troisième à la demande d’aide financière aux autorités centrafricaines en difficultés. IBK m’a demandé les dernières nouvelles de N’Djamena où se tenait un sommet des chefs d’Etat; je lui ai répondu qu’à mon avis, pour sauver la Centrafrique, on allait, soit débarquer Djotodia du pouvoir, soit lui accorder un nouveau délai d’une année de transition. Le président IBK m’a promis de se concerter avec le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, afin de définir les modalités de son aide à la Centrafrique.Juste après avoir quitté Koulouba, j’ai appelé Djotodia pour lui rendre compte de mes entretiens avec IBK.”.
Le même vendredi 10 janvier 2014, vers 19 h 05 mn, Bocoum, à sa grande surprise, reçoit la visite de la Sécurité d’Etat qui le conduit dans ses locaux. Après un interrogatoire musclé, il est ramené à son hôtel aux environs de minuit. “Ils m’ont pris mon portable, mes 12 puces de téléphone, une somme de 100. 000 FCFA, un bon de trésor, un relevé bancaire de Djotodia, ainsi que mes deux passeports, l’un ivoirien et l’autre centrafricain. La Sécurité d’Etat m’a interrogé notamment sur mes liens avec Cheick Oumar Sissoko et Oumar Mariko, les deux dirigeants du parti malien SADI; leurs noms et numéros téléphoniques figuraient dans mon portable. La Sécurité d’Etat m’a aussi demandé pourquoi j’avais un si grand nombre de puces téléphoniques. J’ai répondu que c’est moi qui ai organisé les rencontres entre Djiotodia et Oumar Mariko, lequel tenait à aller féliciter Djotodia quand il a pris le pouvoir. Quant à mes puces, elles se trouvent à mon nom et je m’en sers chaque fois que je change de pays. Si j’étais un escroc, je me débarrasserais de toute puce utilisée une fois.”.
Le lendemain, samedi 10 janvier, vers 10 heures, au moment où Bocoum médite sur son sort au camp 1 de gendarmerie de Bamako, on apprend la démission forcée de Michel Djotodia de la tête de la Centrafrique. “Cette démission forcée fait partie des éventualités dont j’avais averti le président IBK”, note Bocoum. Et pour bien montrer qu’il est un émissaire officiel de Djotodia, il exhibe deux correspondances. La première, datée du 23 janvier 2014 et portant le n° 0037-MAT-IFCCG-DIR-CAB, est censée provenir du Ministère des Affaires Etrangères, de l’Intégration Africaine, de la Francophonie et des Centrafricains de l’Etranger, et est adressée au Ministère des Affaires Etrangères du Mali: elle confirme que Bocoum est bel et bien bénéficiaire d’un ordre de mission l’ancien président centrafricain Djotodia. La seconde lettre, qui date du 15 janvier 2014, provient de l’ambassade de la République Centrafricaine en Côte d’Ivoire; elle atteste que Bocoum est chargé de Mission à la Présidence de la République centrafricaine et demande aux autorités maliennes de prendre des dispositions pour relaxer l’intéressé. De surcroît, le prévenu fournit un procès-verbal d’huissier attestant que les deux correspondances ont été reçues par le Ministère malien des Affaires Etrangères et celui de la Justice. “J’ai reçu ces correspondances grâce au courage de mon frère cadet qui, après mon arrestation, a saisi les autorités centrafricaines actuelles de ma situation”, explique Bocoum.
L’agent du Contentieux de l’Etat, partie plaignante dans la présente procédure, troublé par ces nouvelles correspondances du prévenu, demandera au tribunal de renvoyer l’examen du dossier à une semaine afin de lui permettre de vérifier l’authenticité des documents. Refus catégorique de l’avocat du prévenu qui estime la demande purement dilatoire. Le juge de s’exclamer alors : “Comment peut -on mettre quelqu’un en prison pendant 3 mois sans chercher à vérifier s’il est ou non un envoyé d’une autorité étrangère?”. Puis, s’adressant au prévenu, il lui dit: “Monsieur, mettez-vous en tête que le Mali est un Etat de droit. Quel que soit votre adversaire, nous ne dirons ici que le droit!”. Le juge n’en accèdera pas moins à la demande de renvoi formulée par par la partie plaignante. Dans la foulée, il rejettera la demande de liberté provisoire formulée par le conseil du prévenu. Les débats sont donc renvoyés au mardi 1er avril 2014. Ce jour-là, on saura si Bocoum fabrique des documents – auquel cas, il risque la plus lourde peine -, ou si, vraiment, il dit la vérité, hypothèse qui pourrait lui valoir une relaxe pure et simple. Cependant, il y a lieu de rappeler un point crucial souligné par l’accusation: les correspondances produites par le prévenu portent un cachet et un paraphe mais pas de signature. Le prévenu, interrogé là-dessus, affirme qu’en matière de “notes techniques diplomatiques”, les documents ne sont jamais signés…
Entendant le rejet de sa demande de liberté, Bocoum perd ses moyens. Il fond en larmes et éclate en sanglots. Sans un mot, un gendarme le raccompagne, à pied, au camp 1 de gendarmerie.
Affaire à suivre…
Abdoulaye Koné
Docteur Oumar Mariko :
“Ibrahim Bocoum n’est pas du tout un escroc !”
Le prévenu Ibrahim Bocoum a révélé, lors des débats à la barre du tribunal de la commune 3, que la Sécurité d’Etat l’avait interrogé sur ses relations avec le docteur Oumar Mariko et le cinéaste Cheick Oumar Cissoko, les leaders du parti SADI, dont des noms et numéros téléphoniques avaient été retrouvés sur son portable.
Il a ajouté qu’il a connu Oumar Mariko lorsqu’il a été chargé d’organiser la rencontre entre l’intéressé et le président Michel Djotodia que Mariko venait féliciter de sa prise de pouvoir.
L’histoire ne semble pas s’arrêter là. “Des responsables de SADI sont en train de s’activer pour la libération d’Ibrahim Bocoum”, nous confie une source.
Pour en avoir le coeur net, nous avons approché au téléphone le docteur Oumar Mariko, député de Kolondiéba et secrétaire général de SADI.
Selon lui, le prévenu Bocoum est tout sauf un escroc. “Je l’ai connu à travers son frère cadet, Allaye Bocoum, un des cadres du parti SADI à l’étranger.
Ibrahim Bocoum m’a introduit, à Dakar, auprès de Michel Djotidia dont il est un très proche collaborateur. Mieux, lors de la guerre civile centrafricaine, Ibrahim Bocoum a été appelé par Cheick Oumar Cissoko et moi-même pour qu’il use de son influence afin que les Maliens de Centrafrique ne soient pas victimes d’exactions.
Il a réussi la mission au-delà de toute espérance en sauvant des centaines de Maliens d’une mort certaine.”
Le docteur Oumar Mariko n’exclut pas l’hypothèse que sans aucun ordre de Koulouba, des agents zélés de la Sécurité d’Etat aient arrêté Ibrahim Bocoum dans l’espoir de lui extorquer de l’argent.
A la question de savoir pourquoi il ne vient pas témoigner, à la barre du tribunal, au profit de Bocoum, le docteur Oumar Mariko répond n’avoir pas tout simplement pas été sollicité à cette fin. Un oubli du prévenu ?
Abdoulaye Koné
ibrahim bocoum dit sory n’est pas un escroc, je le connais depuis de 20 ans, c’est un envoyé, comme son grand frère packy bocoum a été pour le défunt président ivoirien.
chacun mène sa vie.
je suis de cette famille pour m’avoir adopté dans la famille de feu Ousmane daou.
non, sory n’est pas escroc.
Les maliens le sauront dans peut de temps. Laisse le temps au temps. Et le temps jugera
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