Alors que les chefs de famille se démènent pour acheter un mouton et des vêtements pour madame et les enfants, les jeunes ont la tête ailleurs, rivalisant pour la mode. Mais bien plus qu’un rite religieux, la tabaski est devenue synonyme d’angoisses pour bien de personnes au Mali.
A 48 heures de la fête de tabaski, les marchés s’affolent à Bamako. Le grand marché est l’un des endroits qui témoignent de cette agitation qui fait flamber les prix. L’heure est déjà à la fête, les Sotrama, minibus, fauteurs d’embouteillage, déversent des milliers de banlieusards qui en ajoutent à l’animation du marché.
Mais il n’y a pas que le centre commercial de la ville qui soit gagné par l’ambiance qui précède la fête de tabaski. Les salons de coiffure à ciel ouvert ont particulièrement la côte, les jeunes filles étant parmi les personnes qui dépensent le plus à l’occasion des fêtes. Ces salons, ainsi que ceux qui sont plus formels, font de gros chiffres d’affaires.
Pour les chefs de famille, le premier souci est de trouver un mouton. Il y va de l’honneur ou plutôt de la fierté de madame et les enfants qui seraient affligés par le regard des voisins commères. Alors tous les moyens sont bons pour se procurer un bélier : endettement, économie forcée, etc.
Les commerçants, détaillants et grossistes, profitent de cette montée de la demande pour rendre les choses plus compliquées. Depuis près d’un mois, témoigne une gargotière, le prix des denrées de première nécessité a pris l’ascenseur. Les condiments comme l’oignon et autres épices se vendent à des prix élevés.
Pourtant, l’Aïd el-Kebir ou Aīd al-Kabīr qui signifiant littéralement en arabe « la grande fête » est l’une des fêtes les plus importantes de l’islam. L’appellation islamique provenant des hadiths est « fête du sacrifice » ou Aïd al-Adha. Cet aïd marque chaque année la fin du hajj. Elle a lieu le 10 du mois de « dhou al-hijja », le dernier du calendrier musulman, après « waqfat Arafa », ou station sur le Mont Arafat.
Toutefois, le Mali n’est pas le seul pays où cette fête prend des couleurs locales, moins islamiques. L’Aïd el-Kebir est nommé la Tabaski en Afrique de l’Ouest francophone (Sénégal, Guinée, Mali, Côte d’Ivoire, Bénin, Burkina Faso, Togo, Niger, Cameroun) et par exemple au Nigéria.
Chez les Berbères, en Afrique du Nord, il est appelé Tafaska. En Turquie, il est appelé Kurban Bayram et dans les Balkans, Kurban Bajram. Autrefois les Morisques réfugiés en Afrique du Nord appelaient cette fête Karnéré, mais le terme disparaît peu à peu au profit de la dénomination arabe majoritairement en vigueur au Maghreb. Il est parfois noté sous la graphie européanisée de « Carnere » par de nombreux voyageurs étrangers.
La tabaski commémore la soumission d’Ibrahim à Dieu, symbolisée par l’épisode où il acceptait d’égorger son fils Ismaël sur l’ordre d’Allah, celui-ci envoyant au dernier moment un mouton par l’entremise de l’archange Gabriel pour remplacer l’enfant comme offrande sacrificielle.
En souvenir de cette soumission totale d’Ibrahim à Dieu, les familles musulmanes sacrifient un mouton ou un bélier, mais parfois d’autres animaux comme des vaches ou des chèvres, en l’égorgeant, couché sur le flanc gauche et la tête tournée vers la Mecque, après la prière et le sermon de l’aïd.
Le jour de l’Aïd el-Kebir constitue un jour de fête dans la tradition prophétique musulmane. Dès l’annonce de la vision de la nouvelle lune, les musulmans où qu’ils soient, glorifient la grandeur d’Allah par le takbir comme suit : Allah akbar, Allah akbar,laa ilaaha illa Allah wa Allah akbar, Allah akbar wa lillahi al-hamd ( Dieu est le plus grand, Dieu est le plus grand, il n’y a pas d’autres divinités à part Allah et Dieu est le plus grand, Dieu est le plus grand et à lui seul sied la Louange ).
Ils doivent le prononcer autant qu’ils peuvent dans les mosquées, dans les maisons et les marchés. Les hommes le proclament à haute voix tandis que les femmes le font à voix basse, depuis la veille jusqu’à la prière du lendemain, jour de fête. Le matin très tôt, les musulmans mangent un nombre impair de dattes selon la sunna, puis après s’être purifiés par les ablutions et s’être parés de leurs plus beaux vêtements, ils se rendent au lieu de prière.
Ils prient deux unités de prière et écoutent le sermon de l’imam qui les exhortent à craindre Dieu et à multiplier les actes d’adoration et de dévotion et à les parfaire afin qu’ils récoltent le succès au jour de la Résurrection.
Enfin, l’imam égorge sa bête (mouton, chèvre, vache, chameau…) au nom d’Allah, sur le lieu de sacrifice ensuite les fidèles l’accomplissent à leur tour. L’islam incite les croyants à remercier Dieu pour ses bienfaits, et à partager la viande avec les plus pauvres dans un esprit de recueillement et de fraternité… Cette tradition s’appuie sur la sourate 22 dite du « pèlerinage ».
Soumaïla T. Diarra