Les allées habituellement encombrées, sont carrément obstruées à l’approche de la fête. Les marchands occupent la chaussée et présentent leurs marchandises souvent à même le sol. Même les grilles bordant les grandes artères sont utilisés pour accrocher des articles. Malgré la décision d’interdire l’occupation des voies publiques, les commerçants profitent de la fièvre de la fête pour squatter les lieux.
C’est là que la plupart des Bamakois viennent faire leurs emplettes de fête. Le Grand marché de Bamako, ou « Sougouba » en bambara, est le lieu de rendez-vous. Enfants, jeunes, vieux, femmes, hommes, tous convergent ici pour s’acheter les atours de fête. Ce marché offre tout ce dont on a besoin : habits, chaussures, vaisselle, produits cosmétiques, bijoux….
Le commerce est vraiment florissant car chacun y trouve son compte. En plus des acheteurs, commerçants, bagagistes, gardiens de parking, porteurs…, tous se frottent les mains.
L’affluence est telle en ces lieux que les véhicules de transport en commun (Sotrama) ne poursuivent plus leur circuit vers le Railda. Ils déposent leurs passagers au niveau du Square Lumumba et rebroussent chemin. Les clients rouspètent mais chauffeurs et apprentis font la sourde oreille. « Vous n’irez jamais de l’avant dans la vie, que Dieu vous maudisse », se plaint une dame, mécontente de devoir marcher plusieurs centaines de mètres pour parvenir au Grand marché.
Les rares Sotrama qui s’aventurent dans la cohue du Dabanani, progressent à l’allure d’un escargot en se frayant un chemin à grands coups de klaxon. Les passagers s’impatientent, incommodés par la chaleur. Certains pressent les chauffeurs d’aller plus vite et s’exposent à des répliques impertinentes des apprentis. « Mais vous ne voyez pas l’embouteillage, la route est bloquée. » Finalement, beaucoup se décident à descendre des véhicules pour tenter leur chance à pied. Les difficultés de la circulation ont incité les Sotrama a choisir « Place koro » comme terminus au lieu de l’habituel « Railda ».
Au « Dabanani », l’encombrement est à son comble. Partout des échoppes et des étals croulent sous des montagnes de vêtements. Les vendeurs proposent des pantalons, des chemises, des tee-shirts, des robes, des sous-vêtements, des chaussures pour enfants et adultes, des lunettes, des montres pour enfants. Par endroits, des attroupements se forment devant des échoppes engagées dans une promotion. Difficile de se frayer un chemin. Il faut jouer des coudes pour passer. Pour forcer le passage, certains crient au feu ou prétextent qu’un enfant a vomi sur eux. Quand ils ne prétendent pas qu’ils portent de l’huile de moteur qui risque d’éclabousser ceux qui ne cèderaient pas le passage.
Les clients doivent éprouver un plaisir masochiste à subir ces épreuves car toutes les marchandises disponibles dans le Grand marché, se vendent aussi à la périphérie de ce marché et, parfois, moins chers. Pour accrocher les clients, les marchands n’arrêtent pas de crier : « promotion de do, ne ya bla a da la, né té tono yinina tougouni ».
Les entend-t-on dans brouhaha assourdissant avec ces automobilistes et motocyclistes qui klaxonnent sans arrêt ? Les marchands n’en ont cure qui font inlassablement résonner les tambours pour attirer le chaland. Au milieu de ce remue-ménage, des agents de la sécurité routière font leur possible pour tenter de maintenir un semblant d’ordre. Ceux de la mairie chargés d’interdire aux marchands d’occuper le passage, oublient sagement leur mission, aidés occasionnellement en cela par de « petits cadeaux » qui allégeront les dépenses de la fête.
Et, bien sûr, il y a les voleurs qui profitent de l’indescriptible cohue pour soulager les malchanceux de leur argent. De temps à autre, quelqu’un crie « au voleur » s’attirant une brève commisération générale rapidement chassée des têtes par les soucis de la fête et ceux de la rentrée scolaire qui suit immédiatement. Vite, vite, la Tabaski est déjà là !
F. NAPHO