La Synergie 22 a noté, le lundi 24 mai 2021, un coup d’État contre les autorités de la Transition en cours au Mali. Il intervient après le coup d’État du 18 août 2020, contre les Institutions légales et légitimes de la République du Mali.
La Cour Constitutionnelle du Mali, à travers l’Arrêt N°2021-02/CC du 28 mai 2021, relatif à la vacance de la Présidence de la Transition, arrête : « Article 1er : Constate la vacance de la Présidence de la Transition suite à la démission de Monsieur Bah N’DAW, Président de la Transition, Chef de l’État ; Article 2 : Dit que le Vice-Président de la Transition exerce les fonctions, attributs et prérogatives de Président de la Transition pour conduire le processus de transition à son terme ; Article 3 : Dit qu’à compter de la notification du présent arrêt, le Vice-président de la Transition porte le titre de Président de la Transition, Chef de l’État. »
Cet Arrêt intervient quand bien même aucune procédure constitutionnelle de saisine de la Cour Constitutionnelle du Mali n’existe pour ce genre de situation dans la Loi fondamentale du 25 février 1992. Du reste, seuls le Président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre sont habilités à saisir la Cour Constitutionnelle en cas d’empêchement du Président de la République sous quelque motif que ce soit.
La Synergie 22 est confortée à ce sujet par l’Arrêt N°2021-01/CC du 03 mars 2021, relatif à la requête aux fins d’annulation du Décret N°2020-0312/P-RM du 11 juillet 2020 portant abrogation de la nomination de certains membres de la Cour Constitutionnelle et du Décret N°2020-0342/P-RM du 07 août 2020 portant nomination des membres de la Cour Constitutionnelle. La Cour a estimé : « Que la requérante ne fait pas partie de ces saisissants ; Qu’il y a, dès lors, lieu de déclarer sa requête irrecevable ». Un des exemples de saisissants cités par la Cour Constitutionnelle concerne : « Le Président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre en matière de consultation tendant à constater la vacance de la Présidence de la République ou l’empêchement absolu ou définitif du Président de la République ».
I – L’alerte de la Synergie 22
La Synergie 22 avait alerté, à travers une Note, en date du 25 avril 2021, adressée aux autorités de la Transition et aux Partenaires Bi et Multilatéraux du Mali, en ces termes :
« La situation telle qu’elle se présente aujourd’hui au Mali est loin d’être rassurante et si rien n’est fait, il y a de fortes chances que la transition ne tienne pas dans les 18 mois convenus avec la CEDEAO et qu’elle se retrouve même dans une impasse. En effet, la plupart des acteurs pensent que les institutions de la transition gouvernent seules. Les forces sociales et politiques qui ont créé l’environnement ayant conduit au départ du pouvoir du Président IBK et à la transition se retournent les unes après les autres contre les autorités de la transition. Si très tôt le M5-FRP s’est détourné, ce sont les leaders religieux qui ont commencé à montrer des signes d’exaspération depuis quelques semaines.
Par ailleurs, les forces sociales (les syndicats et autres) commencent à manifester de l’impatience devant l’apparente incapacité de la transition à apporter des solutions à leurs problèmes. Après un moment d’accalmie, la recrudescence de l’insécurité dans plusieurs régions du pays augmente l’inquiétude des citoyens vis-à-vis des autorités de la transition. Pire, si les conditions de gestion des processus électoraux de finalisation de la transition n’inspirent pas confiance à tous les acteurs, ces élections peuvent constituer la source de nouvelles crises au Mali. »
L’impasse que la Synergie 22 redoutait est finalement intervenue le lundi 24 mai 2021 ; soit un mois après sa Note.
II – Les défis d’une transition crédible
Le premier défi a trait à la légalité du Conseil National de Transition. La Synergie 22 rappelle que le Décret n°2020-0142/PT-RM du 09 novembre 2020 avait fixé les modalités de désignation des membres du Conseil National de Transition. La clé de répartition, quant à elle, est précisé dans le Décret n°2020-0143/PT-RM du 09 novembre 2020. Cependant, avec la publication du Décret n°2020-0239/PT-RM du 03 décembre 2020 fixant la liste nominative des membres du Conseil National de la Transition, le flou est intervenu. La liste n’indique pas la provenance des membres choisis. Des personnes qui ont déposé leurs dossiers de candidatures affirment qu’elles n’ont pas été désignées. Certaines personnes désignées affirment qu’elles n’ont pas déposé de dossiers. Pour une transition crédible, la question de la légalité ou de l’illégalité du CNT doit connaître une réponse au niveau de la Cour Suprême du Mali, même si la Cour Constitutionnelle du Mali s’est prononcée sur le règlement Intérieur du CNT à travers l’Arrêt n°2020-07/CC du 18 décembre 2020.
Le deuxième défi concerne les missions de la transition qui doivent être recentrées autour de quatre (4) axes :
- Le rétablissement et le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national ;
- La promotion de la bonne gouvernance ;
- Les réformes politiques institutionnelles et électorales à minima ; et
- L’organisation des élections générales.
Le troisième défi est relatif à la poursuite normale de la transition, dont la durée restante est de dix (10) mois. Des personnalités compétentes et crédibles doivent désormais être nommées au niveau du Gouvernement et du Conseil National de Transition.
III – Les Recommandations
La Synergie 22 exhorte le « Comité National de Salut du Peuple ressuscité », après le Décret N°2021-0017/PT-RM du 18 janvier 2021 portant dissolution du Comité National de Salut du Peuple (CNSP), à transférer, dans les plus brefs délais, le pouvoir aux Civils.
En effet, la Déclaration de Bamako, adoptée le 3 novembre 2000 par les Ministres et chefs de délégation des États et gouvernements des pays ayant le français en partage lors du « Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone », dit que : « pour préserver la démocratie, il est fortement condamné les coups d’État et toute autre prise de pouvoir par la violence, les armes ou quelque autre moyen illégal ».
Le Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance de 2001, ratifié par le Mali le 30 avril 2003, quant à lui, avance que : « l’armée est apolitique et soumise à l’autorité politique régulièrement établie ; tout militaire en activité ne peut prétendre à un mandat politique électif » et « toute accession au pouvoir doit se faire à travers des élections libres, honnêtes et transparentes et tout changement anticonstitutionnel est interdit de même que tout mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir. »
Pareillement, la Synergie 22 recommande :
Pour une transition apaisée et inclusive
- Qu’un chronogramme clair, précis et réaliste soit publié pour définir la période des réformes et celle des élections nécessaires de fin de transition (Référendum, Présidentielle et Législatives) ;
- Que le Comité d’Orientation Stratégique (COS) bénéficie de la plus grande attention afin de délimiter le chantier des réformes et prioriser les élections de fin de transition ;
- Que la Société civile, les Partis politiques et les Autorités de la transition développent et mettent en œuvre une stratégie d’éducation civique afin d’informer et de sensibiliser les citoyens et citoyennes sur les réformes à entreprendre et les élections de fin de transition ;
- Que les Partenaires bi et multilatéraux accompagnent fortement l’ensemble des acteurs qui œuvrent pour une transition réussie au Mali.
Pour des élections crédibles qui inspirent confiance à toutes les parties prenantes
- D’intégrer la publication en ligne des résultats des scrutins par centres et bureaux de vote, au fur et à mesure de la proclamation des résultats, dans la Loi électorale. Elle permet, entre autres, d’éviter les conflits et le tripatouillage des résultats pendant la remontée et la centralisation ;
- De revoir à la hausse le nombre actuel de 147 députés déterminés suivant le recensement administratif de 1996, en prenant en compte les chiffres du dernier recensement de la population ;
- De changer le mode de scrutin actuel pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale (majoritaire uninominal ou plurinominal à deux tours) en un mode de scrutin proportionnel ;
- De créer les circonscriptions électorales des nouvelles régions pour leur permettre de prendre part aux élections de fin de transition ;
- De consacrer la création d’un organe indépendant et unique de gestion des élections (OGE) dans la Constitution et la Loi électorale, dans un souci de cohérence et d’efficacité technique et financière ;
- De revoir le délai entre les deux tours de l’élection présidentielle afin de permettre que le contentieux électoral soit vidé et aux candidats au second tour de faire campagne ;
- D’intégrer les débats entre les candidats aux premiers et deuxièmes tours de l’élection présidentielle, pour permettre aux électeurs de mieux connaître les contenus des projets de société des candidats ;
- De mettre en œuvre une stratégie d’éducation civique afin d’informer et de sensibiliser les citoyens et citoyennes sur le couplage des élections et les opérations de vote multiples ;
- De pérenniser les opérations liées au RAVEC en République du Mali ;
- De revoir les attributions de la Cour constitutionnelle en lui enlevant la proclamation des résultats définitifs des élections présidentielle et législatives ;
Pour une meilleure gouvernance après la transition
- Revoir les modalités de désignation des membres de la Cour Constitutionnelle afin de réduire les risques de contrôle des membres par le Pouvoir Exécutif comme c’est le cas en ce moment ;
- Relire les attributions de la Cour constitutionnelle ;
- Supprimer la simple participation (15%) aux élections dans les critères de l’aide publique aux partis politiques pour les inciter à faire face à leurs objectifs de création à savoir la conquête et l’exercice du pouvoir ;
- Mettre les verrous pour l’appréciation des coups d’État ou putschs pour empêcher des problèmes de qualification et empêcher toute amnistie aux putschistes.
Fait à Bamako, le 31 mai 2021
Présentation des OSC de la Synergie 22
L’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali – OBSERVATOIRE, est une plateforme de 36 Organisations Non Gouvernementales (ONG) et Associations de la société civile ayant développé une expertise dans le domaine électoral et sur les questions liées à la gouvernance démocratique depuis 1996 au Mali, représenté par Dr Ibrahima Sangho, Tél : +223 76 23 36 00, ACI 2000 Hamdallaye, Porte 1478, Rue 390, Immeuble YARA, Bamako- Mali, email : sangho11HYPERLINK “mailto:ibrahima.sangho11@gmail.com”@HYPERLINK “mailto:ibrahima.sangho11@gmail.com”gmail.com
L’Association des jeunes pour la citoyenneté active (AJCAD), créée en 2014, est le fruit d’un regroupement de jeunes convaincus de leur rôle dans le développement et dans l’instauration d’un Etat de Droit au Mali. Les membres fondateurs sont des activistes impliqués dans la promotion des jeunes dans différents domaines : santé sexuelle, gouvernance, plaidoyer et droits, représentée par Madame Adam Dicko, Directrice Exécutive, Tél. : +223 20 28 16 56, Association des Jeunes pour la Citoyenneté Active et la Démocratie (AJCAD-Mali), BPE 538 Bamako, Mali, email : adam@yahoo.fr,
DONIBLOG (la communauté des Bloggeurs du Mali) a été créée en 2012 et compte des blogueurs et web activistes intervenant dans les domaines de la bonne gouvernance, la démocratie, la lutte contre les VBG, la santé sexuelle et reproductive ainsi que la lutte contre la désinformation (fact-checking). DONIBLOG met en œuvre, depuis juin 2018, le projet média Benbere. L’association est représentée par Abdoulaye Guindo, Président, Tél : +223 76 01 63 80, email : abdoulayekn@yahoo.fr / guindo@rnw.org.
- Le CONSORTIUM ELE-Citoyenneté Droits Humains Inclusifs est créé en 2019. Il est composé de l’organisation Droits de l’Homme au Quotidien (DHQ-Mali), l’Association Malienne des Interprètes en Langues de Signes (AMILS), Jeunes Citoyens du Mali (JCM) et de l’Association TIESSIRI pour les Droits de l’Enfant et de la Femme (ATDEF). Le Consortium intervient sur les questions des droits de l’Homme, la protection et promotion des droits des minorités, de la démocratie, de la bonne gouvernance, de la citoyenneté participative et inclusive, de l’éducation à la paix, de la protection de l’environnement et de la culture, représenté par Mamadou Lassine Diarra, Directeur Exécutif DHQ, Tél : +223 76 30 01 38, email : droitsdelhommeauquotidienHYPERLINK “mailto:droitsdelhommeauquotidien@gmail.com”@HYPERLINK “mailto:droitsdelhommeauquotidien@gmail.com”com,
Tuwindi est une organisation internationale, de droit malien, spécialisée dans les Civic-Tech et qui vise à propulser l’édification de villes et territoires intelligents. Son objectif est d’utiliser les technologies de l’information et de la communication pour soutenir le développement social et économique. Tuwindi intervient dans les secteurs de la gouvernance et des élections, du développement des médias, de l’éducation, la santé et l’agriculture. Tuwindi est représentée par son Directeur Exécutif email : kibaru@tuwindi.org mobile : +22371919191.