Le projet de Décret déterminant les conditions de nomination et les attributions des chefs de circonscriptions administratives du ministère de l’Administration Territoriale, de l’Aménagement du Territoire et de la Décentralisation a mis en colère le syndicat autonome des administrateurs civils (SYNAC). Celui-ci, dans une lettre adressée à son ministère, dit mettre tous les moyens de droit à sa disposition pour faire échec au projet.
En effet, dans cette lettre rédigée après une assemblée générale extraordinaire en mai dernier, il ressort que le projet vise à introduire des militaires et policiers à tous les niveaux de responsabilité dans la gestion des circonscriptions.
Dans les articles 4,19 et 32 du Projet de Décret portant nomination des Gouverneurs, des Préfets et Sous-préfets, le texte stipule que peuvent être aussi nommés, en plus des fonctionnaires de la catégorie A et des magistrats, aux postes de Gouverneur de Région, de Préfets ou de Sous-préfets, les officiers, généraux des Forces Armées et de Sécurité, les officiers supérieurs et les fonctionnaires les plus gradés de la Police.
Analyse qui est loin d’être partagée par le syndicat autonome des administrateurs civils qui rappelle dans sa lettre, qu’au moment de l’occupation des régions nord du pays par les groupes terroristes, la majorité des Représentants de l’Etat en poste dans les trois régions étaient des militaires et cela n’a nullement été attesté que la présence de ces derniers ait contribué tant soit peu à freiner la progression du banditisme, du narcotrafic ou du terrorisme islamiste accompagné de prise d’otages.
Pour ces commis de l’Etat, la vocation du Représentant de l’Etat n’est pas d’être le chef d’une unité combattante et de descendre dans l’arène, arme au poing en jouant au héros.
En tant que Représentant de l’Etat Central, le Chef de circonscription veille au maintien de l’ordre et de la sécurité publique. Pour ce faire, il doit avoir à sa disposition les forces de sécurité et en cas de besoin, les forces armées pour les appuyer et non pas à participer directement à l’exécution des actions de sécurité.
En fait, souligne la lettre, le Représentant de l’Etat a besoin de forces de sécurité et militaires professionnelles, bien équipées loyales et républicaines pour exécuter ses missions, qu’il soit lui-même civil ou militaire. Et si l’on devait avoir des doutes sur cette vision, ce serait l’illustration la plus manifeste qu’au Mali, le militaire ou l’agent de sécurité ne peut et ne doit se soumettre à l’autorité civile comme il se doit dans tout Etat moderne démocratique et républicain.
Le pouvoir discrétionnaire revendiqué au profit du Gouvernement pour nommer les militaires et les agents des forces de sécurité aux fonctions de Représentants de l’Etat n’est pas contesté par le Syndicat Autonome des Administrateurs Civils (SYNAC) dans son principe, dans la mesure où la nomination des Gouverneurs militaires se situe dans cette logique. Cependant, il y a lieu de faire observer que le poste de Gouverneur a quasiment le même statut que celui d’Ambassadeur ou de Ministre.
En d’autres termes, il s’agit d’une fonction suffisamment politique pour laquelle le Gouvernement peut faire appel à des non professionnels.
Contrairement, le Préfet et le Sous-préfet sont à des niveaux suffisamment opérationnels de coordination des services publics déconcentrés et d’appui aux Collectivités Territoriales, toutes choses laissant peu de place à l’amateurisme.
Du reste, il est important de souligner que les Préfets et les Sous-préfets dont le profil standard de recrutement exige d’être de la catégorie “A” sont les seuls fonctionnaires désignés par leur statut particulier pour occuper les fonctions de chefs de circonscriptions et ce, conformément à l’article 2 de la loi N°82-90/AN-RM portant statut particulier des fonctionnaires du cadre de l’administration générale. Aussi, toute ouverture non encadrée, comme l’envisage le projet, de ces fonctions aux militaires et forces de sécurité, formés pour autre chose, tend à faire entorse à la vocation naturelle des administrateurs civils et à perturber l’évolution normale de leur carrière.
Par ailleurs, et toujours selon cette lettre du SYNAC, l’exercice de la tutelle des collectivités locales, qui est une mission majeure des chefs de circonscriptions, est hautement technique et sort du champ de compétence des militaires et des forces de sécurité.
L’adoption du projet de décret va se traduire indubitablement par la relève sans motif de nombreux Préfets et Sous-préfets qui ont traversé avec courage en y laissant la vie pour certains, toute la période de forte tension ayant précédé l’invasion du Nord par les forces négatives.
Selon eux, une liste noire existerait déjà à cet effet et de nombreux militaires attendraient impatiemment d’être placés aux postes actuellement tenus par leurs camarades civils.
En définitive, le SYNAC dit “NIET !” à la militarisation de l’Administration.
Dieudonné Tembely