De l’indépendance à nos jours, les différents régimes qui se sont succédé au pouvoir au Mali ont tous connu leurs farouches contradicteurs qui ne sont pas forcément l’opposition classique et qui ont été pour la plupart leurs tombeurs. Sous Modibo Keita, les commerçants; sous Moussa Traoré, ce furent les enseignants et les élèves et étudiants, sous Alpha Oumar Konaré, ce fut l’opposition radicale sous le collectif des partis politiques de l’Opposition, le COPPO. Sous ATT, c’est la société civile sous la bannière de la Coordination des associations du mouvement démocratique, COMODE. Et sous IBK, c’est un brassage société civile-opposition politique regroupées au sein de la plateforme An Té A Bana qui lui coupe le sommeil. Si les présidents Modibo Keita et Moussa Traoré ont fini par être engloutis par leurs bourreaux, Alpha Oumar Konaré et ATT ont par contre réussi à affaiblir les leurs. Qu’advienne-t-il d’IBK avec sa plateforme An Té A Bana ?
A chaque régime sa tasse de thé, dit un adage, comme chaque régime fabrique son monstre qui finit généralement par le bouffer. Le Président IBK, élu de la plus belle des manières en 2013, n’est pas parvenu pendant quatre ans à capitaliser cette marque de confiance et cette grande légitimité en opérant les changements réclamés par son peuple. En quatre ans, le peuple n’a connu que des scandales et de crises dans la gestion des affaires publiques, toute chose qui a provoqué une rupture de confiance. La grande déception des citoyens a fini par se transformer en une colère noire d’où la grande mobilisation contre sa gouvernance. L’opposition à la révision constitutionnelle n’est que la partie visible de l’Iceberg. La colère c’est contre le mal-vivre de la population. Dans ce combat contre la révision constitutionnelle, sept leaders semblent jouer les premiers rôles. Ils sont responsables, politiques ou de la société civile, et empêchent IBK de dormir à point fermé.
Mme Sy Kadiatou Sow : Membre du mouvement démocratique, Kadiatou Sow, affectueusement appelée Salama est militante de l’ADEMA-PASJ. Elle a été la première femme Gouverneure du District de Bamako, plusieurs fois ministre; elle est surtout connue pour ses prises de positions radicales. A la tête de la plateforme An Té A Bana, IBK devait s’attendre à un refus et un rejet catégorique de son projet.
Tiébilé Dramé : Ceux qui le connaissent savent qu’il ne reculera pas même devant le diable. Cet ancien leader estudiantin qui a combattu le régime de Moussa Traoré est un soldat prêt à se battre à tout moment, politiquement parlant. Eloquent, plusieurs fois ministre, il a été l’opposant d’Alpha Oumar Konaré et d’ATT. Son principal atout est sa connaissance des dossiers comme en témoignent les différents rapports de son parti sur la gestion du régime. Sa présence au sein de la plateforme empêcherait le régime à tourner en rond.
Amadou Thiam : Député élu en commune V du District de Bamako, M. Thiam est le président du Parti ADP-Maliba. Il est l’un des vice-présidents de la plateforme et par son combat contre la révision constitutionnelle, il est en train de faire son véritable baptême de feu en politique. Par sa constance dans la lutte contre la révision, il est en train de se frayer un chemin, qui, s’il ne change pas comme d’autres jeunes, peut aboutir à des prouesses plus grandiloquentes.
Ras Bath : La seule évocation de son nom donne de la frayeur au régime. Ce chroniqueur est sans nul doute le leader le plus populaire au Mali. L’un des porte- paroles de la plateforme An Té A Bana, a bâti sa réputation sur la dénonciation des tares du régime IBK, sur la mise à l’index des responsables qui seraient mêlés à des affaires les plus rocambolesques. Ras Bath passe aujourd’hui pour le véritable bourreau du régime IBK.
Master Soumi : Ce rappeur hors-pair s’est toujours distingué des autres rappeurs par ses chansons de dénonciation, de sensibilisation, d’éducation quand d’autres insultaient ou « se clashaient ». Master Soumi, l’un des porte-paroles de la plateforme, comme d’ailleurs les autres jeunes du mouvement An Té A Bana, s’est dit déterminé à ne rien lâcher jusqu’au retrait pur et simple du projet de révision.
Etienne Fakaba Sissoko : Jeune universitaire, connu pour ses analyses politiques pertinentes, Etienne Fakaba Sissoko fait désormais partie de l’élite juvénile sur qui il faut compter pour changer le Mali. Son bref passage dans les rouages du pouvoir lui a permis de connaitre les hommes et les femmes qui nous gouvernent et arriver certainement à la conclusion qu’ils ont montré toutes leurs limites. Sa détermination en faveur du non prouve qu’IBK n’est plus la solution.
Ibrahim Kébé : Kébé l’Africain est un combat intrépide et un panafricaniste invétéré, disciple d’Amadou Djicoroni et leader du mouvement estudiantin, M. Kébé a été de tous les combats pour la justice sociale et pour la bonne gouvernance. Son adhésion à la plateforme An Té A Bana est la résultante de cette conviction qu’un autre Mali est possible, celui de la paix, de la prospérité et du vivre-ensemble. Son opposition à la révision constitutionnelle semble être sa conclusion qu’il ne faut plus espérer sur le régime actuel pour changer le Mali.
Comme tous les autres régimes qui se sont succédé au Mali, celui d’IBK n’a pas échappé à une opposition de citoyens regroupés dans un vaste mouvement. Il a désormais du pain sur la planche et il lui faut une très bonne lecture des événements pour ne pas se tromper. Sa décision tant attendue de renoncer à son projet, devrait être, on l’espère, celle qui désamorce la bombe sociale qui pourrait être fatale pour son régime.
Youssouf Sissoko