Certes, c’est une victoire de la Plateforme « An tè A bana-Touche pas à ma Constitution ! » et du peuple malien, mais c’est surtout la victoire du président Ibrahim Boubacar Kéïta. En effet, le débat sur le projet de révision constitutionnelle aura doublement révélé la résistance et la détermination d’une partie du peuple et le sens élevé de responsabilité du président de la République. Face aux remous qui couvaient sur fond de malaise généralisé, Ibrahim Boubacar Kéïta a su se mettre à hauteur de sa responsabilité première : la préservation de la paix, de la quiétude sociale et de la cohésion nationale. D’autres chefs d’Etat seraient aveuglement allés au bout, au prix du sang du peuple. Comme on le dit, « autre temps, autre réalité ». A présent, place au travail dans la perspective de la présidentielle 2018, déjà à nos portes !
«En tant que président de la République, mes responsabilités me font mesurer mieux que tout autre l’importance des défis qu’il nous faut relever pour extraire notre pays de la crise que nous affrontons depuis 2012. Il était, il est et il restera de mon devoir d’expliquer tous les bénéfices que la révision constitutionnelle apporterait au rétablissement de la paix, à la consolidation de nos institutions et à l’amélioration de la gouvernance de notre pays. Je constate toutefois que dans le climat actuel ces explications peinent à être entendues et acceptées. Au regard de tout ce qui précède, et en considération de l’intérêt supérieur de la nation et de la préservation d’un climat social apaisé, j’ai décidé, en toute responsabilité, de surseoir à l’organisation d’un référendum sur la révision constitutionnelle. Pour le Mali, aucun sacrifice n’est de trop.»
Cet extrait de l’adresse à la nation du chef de l’Etat dans la nuit du vendredi 18 août 2017 venait ainsi mettre fin à un cycle de débats endiablés autour du projet présidentiel de révision constitutionnelle. Cette sagesse du premier magistrat du pays a été saluée par tous et mérite que l’on s’y attarde. Mais, convient-il de passer un rappel nécessaire à la compréhension d=e cet acte.
Tout d’abord, la révision que le président IBK a voulu opérer est une disposition constitutionnelle. Article 118 : « L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République et aux Députés.
Le projet ou la proposition de révision doit être voté par l’Assemblée nationale à la majorité des deux tiers de ses membres. La révision n’est définitive qu’après avoir été approuvée par référendum : Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. La forme républicaine et la laïcité de l’Etat ainsi que le multipartisme ne peuvent faire l’objet de révision. »
Il en est de même du référendum. Article 41 : «Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement, pendant la durée des sessions ou sur proposition de l’Assemblée nationale, après avis de la Cour constitutionnelle publié au Journal officiel, peut soumettre aux référendum toute question d’intérêt national, tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, comportant approbation d’un accord d’union ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions …»
On voit clairement que le président était tout à fait dans ses droits et prérogatives. Comme tel est le cas, Ibrahim Boubacar Kéïta met en place en avril 2016 un comité d’experts chargé d’élaborer l’avant-projet de loi de révision de la Constitution. Ce texte est adopté par le Gouvernement le vendredi 10 mars 2017 lors d’un Conseil des ministres extraordinaire sur le rapport du Premier ministre. Le communiqué justifie l’initiative par le fait qu’après un quart de siècle de pratique démocratique du pouvoir, la Constitution du 25 février 1992 a révélé des lacunes et des insuffisances. Il énumère tous les changements apportés et inclus dans la nouvelle Constitution et précise singulièrement que le projet de loi n’entraine pas un changement de République, ne remet pas en cause la durée et le nombre du mandat du président de la République.
L’Assemblée nationale prend le relais et adopte le samedi 3 juin 2017 par 111 voix pour, 35 contre et 0 abstention, la loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992.
Quatre jours plus tard, le Conseil des ministres du mercredi 7 juin 2017 convoque le collège électoral référendaire pour le dimanche 9 juillet 2017, sur toute l’étendue du territoire national et dans les missions diplomatiques et consulaires.
Cette décision crée l’émoi au sein d’une partie du peuple. Des mouvements du Non naissent de partout et se transforment rapidement en une plateforme de contestations dénommée «An tè A bana-Touche pas à ma Constitution !».
S’y ajoutent d’autres contestataires comme «Trop, c’est trop». Ces partisans du Non battent le pavé dans les rues de Bamako le 17 juin. Une véritable démonstration de force ! Ils remettent ça le 1er juillet, avec plus de mobilisation. On aurait cru la fin du monde. Les réseaux sociaux, les chaînes de télévision, les radios rentrent dans la danse avec des débats d’école d’intellectuels. Entre temps, les partisans du Oui avaient créé un front de soutien au projet présidentiel de révision constitutionnelle. Sans oublier la saisine de la Cour constitutionnelle qui a donné un avis et rendu un arrêt ; mais aussi l’annulation du référendum du 9 juillet par le président de la République.
C’est dans cette guerre médiatique et de la rue que la Plateforme « An tè A bana-Touche pas à ma Constitution ! » a donné un ultimatum au président IBK d’abandonner purement et simplement son projet. L’ultimatum expire le 15 août. La Plateforme programme de marcher sur l’Assemblée nationale pour demander la mise en accusation du chef de l’Etat pour Haute trahison, puis de demander sa démission. Le samedi 19 août était prévue une grande marche dont nul ne pouvait deviner les conséquences.
Dans cette tourmente, le chef de l’Etat avait engagé une série de dialogues avec l’ensemble des forces vives de la nation pour recueillir davantage les préoccupations des Maliennes et des Maliens sur la révision constitutionnelle. A savoir les représentants des autorités religieuses, des notabilités traditionnelles, des institutions de la République, de la société civile, des formations politiques. IBK a bouclé la boucle en recevant les membres de la Plateforme « An tè A bana-Touche pas à ma Constitution ! » le vendredi dernier.
Quelques heures après cette rencontre, le chef de l’Etat s’adresse à la nation dans un message de tous les espoirs. Ibrahim Boubacar Kéïta décide de surseoir à l’organisation d’un référendum sur la révision constitutionnelle. Il explique ce choix par le souci de préserver l’intérêt supérieur de la nation et surtout d’apaiser le climat social.
IBK sauve le Mali ! Prouvant du coup que seuls les grands hommes savent se mettre au-dessus des contingences politiques et partisanes. Il a refusé de se bomber la poitrine pour ne pas donner suite à la requête des religieux, des notabilités, des communicateurs traditionnels ou pour affronter la foudre du peuple. Ibrahim Boubacar Kéïta a écouté son peuple, déjouant tous les pronostics qui lui prétendaient de mener son projet jusqu’au bout, au prix du sang des Maliennes et des Maliens.
Sous d’autres cieux ou à d’autres époques, le sang aurait sans doute abondamment coulé. Ce n’est point gratuit que tous les acteurs de la vie nationale aient salué à sa juste valeur cette décision du président de la République de surseoir à son projet, y compris et surtout ses plus farouches opposants.
L’honorable Amadou Thiam, 1er vice-président de la Plateforme a salué la disponibilité et l’esprit d’ouverture du président Kéïta.
L’artiste Master Soumy, de son vrai nom Ismaïla Doucouré félicite le président de la République pour sa décision très sage.
Quant au chroniqueur Mohamed Youssouf Bathily dit Ras Bath, il qualifie IBK d’homme ouvert au dialogue. Même Dr Oumar Mariko de Sadi a reconnu que le président de la République a marqué un point.
Aujourd’hui, ce dossier étant définitivement clos, place au travail !
Sékou Tamboura