Succession de Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé à Modibo Sidibé :Des acteurs de la classe politique malienne se prononcent

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La nomination de Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé par ATT au poste de Premier Ministre de la République du Mali suscite beaucoup de commentaires dans notre pays, notamment dans notre capitale. Nous avons cherché à rencontrer certains acteurs clés de la politique malienne pour savoir ce qu’il pense de cette nomination et ce qu’ils attendent particulièrement de cette Dame Premier Ministre dont la feuille de route devra aboutir à l’organisation de l’élection présidentielle de 2012.


Professeur Ali Nouhoum Diallo, membre du Comité exécutif de l’ADEMA

«Elle a toutes les qualités nécessaires pour gérer une équipe de mission»

Je crois que c’est une excellente chose qu’une dame soit nommée Premier Ministre du Mali. Je pense que le Président Amadou Toumani Touré s’est créé là une belle voie de sortie du pouvoir. Je pense aussi que vous avez constaté vous-même que c’est une charmante dame, élégante qui a de la prestance, la tête sur les épaule et de l’expérience ministérielle. Elle a en outre une expérience avérée de la gestion des ressources humaines. Elle a toutes les qualités nécessaires pour gérer une équipe de mission au sein de laquelle il ne devrait pas avoir des tiraillements, parce que le temps lui est compté. Au maximum, cette nouvelle équipe qu’elle doit former, a douze mois, à mon avis, pour gérer les problèmes que le Chef de l’Etat lui demandera de gérer. L’essentiel, c’est que Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé ne soit pas obligée d’avaler plus de farine qu’elle n’a de salive, parce que le Président Amadou Toumani Touré a suffisamment fait pour continuer l’œuvre commencée par le Président Alpha Oumar Konaré. Cette équipe doit être une équipe dont la mission principale est d’organiser les élections sur la base d’une liste électorale crédible et sans contestations. Je suis convaincu que la classe politique malienne acceptera difficilement encore d’entendre qu’il y a eu des fraudes massives à tous les niveaux. Donc, cette équipe devra veiller à ce que le Président Amadou Toumani Touré en quittant le pouvoir, laisse derrière lui un pays apaisé, un pays calme, un pays qui acceptera vraiment le verdict des urnes, afin que tout le monde soit dernière le nouvel élu pour construire un Mali démocratique, prospère et solidaire.

En ce qui concerne la démission du gouvernement, je ne me lance pas dans des spéculations pour dire qu’elle a été une surprise. Je crois aussi que les Maliens jouent souvent à la surprise. Il y a tellement longtemps qu’on entendait parler de changement du gouvernement, de remaniement ministériel. Je suis donc étonné de voir que des Maliens disent qu’ils sont surpris. Donc ça, c’est une des habitudes prises au Mali. Pour ma part, j’estime que la reforme constitutionnelle au Mali nécessite une mûre réflexion, parce qu’il faudra réellement que l’ensemble du peuple malien participe à la réponse de la question suivante : nous faut-il un régime comme celui que nous connaissons aujourd’hui qui est celui de la 5ème République française ou nous faudra-t-il un régime présidentiel à l’Américaine ou encore un régime parlementaire comme celui qui existe aujourd’hui en Allemagne, en Israël, en Angleterre … ? Sur cette question, il nous faudra un débat très profond dans tout le pays pour qu’on voie ce qui est réellement conforme à la culture de notre pays. A chaque fois que nous avons fait le couper-coller, à chaque fois que nous nous sommes amusés, nous avons eu pas mal de difficultés. Il faut par ailleurs le dire, la Constitution en cours n’a jamais, dans sa mise en œuvre, provoqué des crises dans notre pays. Jamais également, les aménagements qu’on cherche à faire aujourd’hui, à savoir, avoir une Cour des comptes et un Parlement bicaméral, n’ont été pris en compte dans la Constitution que nous avons votée sous ma présidence. Je ne comprends pas alors pourquoi on s’acharne à vouloir coûte que coûte changer la Constitution, et surtout précipitamment. En tout cas je souhaite bonne chance à cette dame en qui ATT a placé sa confiance. La tâche ne sera pas du tout facile, mais du courage !

Professeur Younouss Hamèye Dicko, Président du parti pour le Rassemblement pour le Développement et la Solidarité (RDS) :
«C’est une nomination bien réfléchie»

En toute honnêteté, je suis satisfait de cette nomination, d’ailleurs j’étais peut-être l’une des personnes qui s’attendaient à ce que ce soit une dame.

Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé est quelqu’une qui a une expérience politique et professionnelle connue de tout le monde. Notre crainte, c’était de voir un technocrate parachuter de l’extérieur et qui ne connaît pas bien les problèmes du Mali, quelque soit ses capacités et qui n’aura même pas le temps de s’adapter, venir occuper la Primature. On peut considérer le gouvernement de Mme Cissé comme un gouvernement de mission. Nous l’avons déjà dit, nous pensons qu’il faut des gens d’une certaine capacité, c’est-à-dire, d’une certaine expérience, et très engagés pour abattre le grand travail qu’il y a à faire dans un temps très court. C’est donc vous dire que la nomination de Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé est une nomination bien réfléchie, parce que cette dame apparaît comme étant équidistante de l’ensemble des partis politiques. Donc, c’est une première au Mali de voir une dame nommée Premier Ministre et aussi un honneur pour notre, notamment pour la promotion du genre. Je crois que les femmes doivent être fières qu’une dame soit nommée Premier Ministre à un moment aussi spécial et aussi déterminant dans l’histoire du processus démocratique du Mali. Nous savons que les fins des mandats sont souvent difficiles et peut être qu’elle sera un tampon, qu’elle amènera une certaine sagesse et aussi une certaine modestie pour pouvoir travailler et réussir pendant une période aussi courte qui ne sera pas du tout tranquille. Nous sommes dans une phase où toutes les erreurs comptent. Donc, il faut beaucoup de patience, beaucoup de professionnalisme et beaucoup de capacité sociale pour mener à bien le temps qu’il nous reste d’ici 2012. J’ai l’habitude de dire qu’en vérité, il n’y a que 10 mois de gouvernement qu’il nous reste pour aller aux élections. Donc, c’est une situation qui me paraît difficile et qu’une femme à la tête de la Primature peut être une chance pour le processus démocratique et les luttes politiques qui vont être menées par la suite.

En ce qui concerne ces 10 mois pour aller aux élections, je pense, comme je vous l’ai déjà dit, que c’est un temps très court, mais il est possible de faire un ficher crédible pendant ces dix à travers les résultats du RAVEC. Mais, je partage votre inquiétude à savoir que c’est à travers le RAVEC qu’on va faire le fichier électoral, et théoriquement, qu’on va faire la carte incrustée. Tout cela demande beaucoup de temps et rien ne prouve qu’on n’aura pas à toucher ou à retoucher la loi électorale. Or, cela demande du temps et il faut aussi du temps aussi pour assimiler la loi si on la retouche pour permettre aux différends responsables de bien l’assimiler et l’expliquer aux électeurs. Puisque souvent, on est pris de court par la loi électorale et on n’arrive pas à mettre en place tout ce qu’il faut, parce que quoiqu’il arrive, que ce soit la CENI qu’on garde, il est important qu’on ait suffisamment de temps pour la mettre en place. Et si on doit changer la CENI et adopter une nouvelle loi, il faudrait dans ce cas de figure penser à un Référendum. Mais, qu’il y ait Référendum ou pas, une nouvelle loi ça se discute, ça se construit et s’adopte. Dans le cas d’espèce, si c’est un référendum, c’est nous tous qui allons aux urnes. C’est tout le pays qui doit voter et qui doit être mobilisé, puisque ça va entraîner des débats, des contradictions et même des problèmes pour faire adopter une nouvelle Constitution dans le temps qu’il nous reste. Tout cela demande beaucoup d’énergie et surtout beaucoup d’esprit de sérénité, surtout qu’on n’a plus droit de nous tromper. Je crois même qu’on a plus beaucoup de temps pour nous disputer sur les mots et les formules, etc. L’essentiel dans tout cela, c’est d’épauler cette dame nommée au poste de Premier Ministre par ATT pour qu’on puisse sortir de l’auberge.
Propos recueillis par Nouhoum DICKO

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