Qui disait donc que la vie spirituelle peut être perçue comme un point de départ vers ces « terrains où poussent les remèdes » ou encore des horizons où nos divergences s’effaçaient, les petites querelles intestines s’affaiblissant… pour se dissoudre dans la lumière de Dieu ?
Depuis plus d’une semaine, nos frères et sœurs musulmans sont sur le sentier de Dieu pour raison du mois de carême. A ce jour, ils se comptent à plus d’un milliard et demi de fidèles, dit-on de par le monde. Nul ne peut, comme on le voit enlever à la création sa grandeur, sa gravité. C’est que Dieu, en rentrant dans ses œuvres, a donné Ses commandements à ses prophètes.
Ainsi, le Coran nous est connu par l’intermédiaire de Mohamed (SAW) d’abord homme de droiture parmi sa communauté et homme de Dieu. Ce message divin est un appel adressé à chaque homme dans l’intégrité de toutes ses facultés de perception, interprétation, raisonnement, sensibilité et appel à la conscience.
LA Descente miraculeuse du Coran, dans sa version littérale comme « parole incréée » de Dieu eut lieu durant un mois de RAMADAN dans la nuit dite de la Destinée. Ajoutons que l’Envoyé de Dieu ne sortira pas indemne d’autres mois de RAMADAN où il aura à subir lui et sa communauté de fidèles les plus dures épreuves…
C’est donc en l’an II de l’hégire (624) à Médine que le RAMADAN fut institué. Il date aussi de l’année de la direction de la prière (« Qibla ») prise vers la Mecque au lieu…de Jérusalem. Comme quoi désormais, la communauté des fidèles du prophète illettré et toutes les générations qui vont suivre prenaient en main leur propre destin, avec ALLAH comme seul témoin. Ce jeûne, sera toujours un peu le souvenir du ciel qui s’y mêle car Dieu qui nous le commande nous donne lui-même sa propre mesure fixée à un mois de l’année (le 9ème du calendrier).
Il devient une obligation (FARD) de la vie religieuse car rattaché à la tradition de Noé, Abraham. Le jeûne ou encore (Siyam) est tout dans l’action de s’abstenir, renoncer, s’interdire de faire quelque chose…mais aussi se taire, se radoucir…. Le croyant entre dans cette épreuve avec l’humilité du cœur, humilité physique. Et devant l’immensité de ce devoir religieux à accomplir, le croyant va donner une mesure confuse (encore certes) de la grandeur de son âme. Une mesure tout de même qui fait naître en lui ce vague désir de se rapprocher de son créateur. Cet enrichissement du sentiment de sa propre condition ne pouvait venir que du retour sur sa propre condition ici-bas.
-Le jeûne est dit libre puisqu’il nous délivre des liens matériels et des maux de ce monde.
De tout temps, les hommes ont pris dans la faim (famine), ou le manque ou tout autre de ses propres besoins, la première mesure de sa finitude. Quelle société n’en garde-t-elle pas la mémoire ? Le sens de la vie de l’homme devient-t-elle alors de lutter contre cette imperfection, cette faiblaisse. De pénuries, il va penser l’économie. Avec le jeûne du mois de carême, c’est une autre étape de lecture qui s’impose dans la vie du croyant. Comme il en sera ensuite du 5ème pilier de l’Islam le « hajj » qui signifie l’intention d’aller vers la quête du pardon de Dieu, le renoncement aux séductions du monde ici-bas.
Blaise Pascal nous disait ‘’que l’homme étant revenu à soi considère ce qu’il est au prix de ce qu’il est ‘’… En homme libre, il embrassait une religion où la contrainte était interdite (Sourate II, verset 256… tout de suite après l’inégalable verset du trône.)
Disposant du libre choix (c’est le fameux ‘’ikhtiyar’’), il n’est pas contraint aussi à subir une prédestination. C’est tout le principe de justice divine. L’homme qui était au départ ‘’Objet’’ devient ‘’projet’’ par vocation depuis sa sortie de l’Eden…Obéir dès lors à Dieu et à son prophète, c’est faire partie de ce que Dieu a comblé de ses bienfaits (sourate IV les femmes, verset 69 ).Bien qu’il ait donné à chaque société une loi et une voie en nous commandant de ‘’ rivalisez de vitesse dans les bonnes œuvres’’.
Voilà pourquoi le verset 48 de la Sourate V « La Table » vient-il nous rappeler l’unité fondamentale des 3 religions monothéistes : même Dieu, même dogme, même humanité. Mais la liberté de Dieu est totale, cependant que le seul engagement pris par Dieu selon le Coran est d’être miséricordieux envers les hommes (Sourate VI les bestiaux, verset 12).Dieu, en parachevant sa religion l’Islam (sourate V la table verset 3) a comblé les musulmans de ses bienfaits et IL en a fait une communauté du juste milieu ‘’afin qu’ils soient témoins à l’encontre des hommes’’. Communauté modérée, de bon équilibre, éloignée des extrémismes (le répétera t-on jamais). Dieu demande aux musulmans de concourir aux œuvres pieuses où qu’ils se trouvent.
-Le Ramadan, véritable témoignage de la gratitude de l’homme à Dieu.
Dans sa sagesse, révélée dans les miracles de la création, Dieu voyait bien comme on l’a si bien dit, que les hommes par eux-mêmes n’étaient pas assez purs pour convoquer au pied de l’autel le repentir. Dans la Sourate II Bakaara, verset 152, il enjoint aux hommes de se souvenir de ses prescriptions et de l’obéissance due. Ainsi Dieu parle :‘’je me souviendrai de vous pour vous pardonner ‘’. N’est-il pas ainsi évoqué toute la problématique du ‘’dhikr’’ pour tout pratiquant assidu ? Le jeûne a été ‘’écrit en votre encontre’’ faut-il comprendre dans le texte sacré. Dans la sourate II Bakaara, verset 183, Dieu dit ‘’il vous est prescrit de jeûner à l’instar de ceux qui vous ont précédés afin que vous manifestiez votre piété…’’. Et d’ajouter (au verset suivant sourate II, verset 184), ’’Mais en tout état de cause il est préférable pour vous de jeûner’’.
Les médecins de santé publique et techniciens d’hygiène corporelle ne diront pas le contraire…
Toujours dans la même sourate et verset suivant, (S II, verset 185) Dieu poursuit : « le mois de ramadan est celui au cours duquel le Coran fut révélé pour servir de bonne direction aux hommes, d’explication claire aux préceptes divins, de critère à la vérité et à l’erreur… ». Le message et son Messager (le prophète Mohamed S A W) n’ont été envoyés aux hommes qu’à titre de simple miséricorde divine.
Des 5 piliers de l’Islam, la ‘’Shahada’’ est la profession de foi, la ‘’Salat’’ est la prière qui traduit le désir d’être constamment en la présence de Dieu, la ‘’Zakat’’ ou charité manifeste l’amour qu’on porte à Dieu.
Dans les cercles édifiés, on raconte que ces 2 dernières obligations ont été instituées ensemble ; Le’’Hajj’’ signifie aller vers les lieux saint de l’Islam à la Mecque et à Médine, comme une sorte de bouquet final à sa pratique. Le « Siyam » ou jeûne n’est pas que souffrance physique (jamais notre nature humaine ne rejoindra celle des anges). La vraie reconnaissance du mérite du jeûne est attestée par le don de ce qui nous est propre. Or ce qui est propre à l’homme n’est-il pas sa souffrance ?
Ici à Bamako, à la rupture du jeûne dans certains foyers les yeux et les ventres iront à la rencontre des délicatesses d’un copieux repas. Faut-il y voir l’étonnante clémence d’une religion par ailleurs sourcilleuse de l’aube au coucher du soleil ? En d’autres endroits, dans d’autres foyers les repas pris en commun ressemblent à ceux des premiers croyants. On ne pourra plus dire que l’on considère l’homme que par les plaisirs…Mais, il y a ce que d’aucuns considèrent comme matière à chapitrer : Dieu ne dit-il pas : ‘’jamais’’ vous ne parviendrez à la véritable piété sans avoir sacrifié de ce que vous aimez… (Sourate3 la famille d’Imran verset 92).
Tout ce que l’homme fait pour son prochain parle de Dieu…Est-ce l’ultime leçon de choses à retenir du mois béni de Ramadan ? Le décret divin ne nous rappelle t-il pas que « ce qui ne peuvent jeûner qu’ils donnent une aumône expiatoire » (‘’fidya’’) correspondant à la nourriture d’un pauvre ?
La grande idée à retenir, celle de la rétribution individuelle proportionnée en toute équité à la stricte responsabilité de chacun creuse ici ses fondements.
Ainsi va la croyance ultime de la vaste multitude des croyants en un Dieu unique et rétributeur. Demain, après la mort, les hommes remettrons leur ouvrage à Dieu, de tous ceux qu’ils ont pu accomplir. Alors l’Eternel qui est l’auteur de la vie, les fera renaître. Si l’homme est donc libre de choisir la voie de la raison ou celle de l’errance, qu’il s’instruise ici qu’il n’est nullement libre d’échapper aux conséquences de son choix.
Après les 3 derniers versets parlant du jeûne dans le Coran, au verset 186 qui suit (Sourate Bakaara), Dieu dit : « lorsque mes serviteurs t’interrogeront à mon sujet, dis-leur que je suis près d’eux. Qu’ils répondent donc à mon appel (par leur soumission) et croient en moi pour être bien dirigés ».
S. KONE