Souveraineté, souveraineté et encore souveraineté ! Ce paradoxe de la Transition malienne, difficile à comprendre pour beaucoup

3

Le 24 mai 2021. Une date qui marqua la grande entrée dans la sphère politique des militaires qui auront fait démissionner le président IBK. C’était à l’occasion d’un remaniement gouvernemental opéré par le Colonel-Major à la retraite, Bah N’daw qui, semble-t-il, voulait s’émanciper de l’influence des colonels. Il s’agit aussi d’une date qui marqua une rupture radicale dans le curseur diplomatique du Mali, mais aussi, d’axe de communication gouvernementale. Désormais, l’on ne jure que par la souveraineté retrouvée du Mali. Paradoxe, lorsque l’on sait que le plus clair du territoire échappe au contrôle de l’Etat central, que des réfugiés maliens par milliers peinent à retourner dans leurs localités d’origine, et que l’Armée, malgré les relatifs progrès enregistrés, peinent encore à panser les plaies de plus de deux décennies de déconstruction.

Qu’est-ce qui a donc changé, au plus haut sommet de l’Etat, pour que les tenants actuels du pouvoir, se voient pousser des ailes souverainistes ? Les défis qui assaillent le Mali sont nombreux, et pour les relever, une lutte de longue haleine devra être menée. En l’espace d’un peu plus d’un an, peut-on remettre sur selle un pays souffrant de tant d’agonies ? Tout naturellement, la négative l’emporte. Selon toute vraisemblance, Bamako se serait trouvée un allié de poids, capable de remplacer dignement, en tout cas à l’entendement de la Transition, la France qui aura plié bagages. Koulouba aurait tellement confiance en son nouvel allié que le gouvernement peut se permettre désormais des envolées souverainistes à la face du monde.

Sauf qu’emportée par son élan, la Transition oublierait l’essentiel du combat. Certes, le Mali est un Etat indépendant dans la forme, doté de quasiment tous les attributs afférents à son rang d’entité internationale. Cependant, tout Etat souverain, digne de ce nom, devrait être capable de défendre sa population contre toutes velléités, assurer l’intégrité de son territoire, et être présent sur l’ensemble de son territoire. C’est cela, une composante essentielle d’un Etat, l’autorité politique pleine et entière. A l’épreuve du terrain, point de tergiversations à tenir, ce n’est point le cas. Le constat est dur, mais c’est le constat. User de la rengaine souverainiste, aussi bien à l’interne qu’à l’international, est un non-sens, surtout dans le contexte actuel de la gouvernance, où ce sont des militaires qui gèrent une Transition censée être, avant tout, civile. Autre mal, et pas des moindres, le manque d’un système politico-institutionnel solide et fiable.

La souveraineté que le Mali veut atteindre, doit être conquise dans le travail acharné dont le carburant sera le patriotisme, le don de soi et la compétence. Le tout dans la modestie, sans déclarations fracassantes inutiles, et inscrit dans la durée. Plus de trois décennies de mauvaise gouvernance ne peut être guéries que sur le long terme. Ne dit-on pas que construire est plus difficile que détruire ?

L’arbre de notre égo national-populiste ne doit pas nous aveugler à tel point que nous ne puissions pas voir la forêt des problèmes qui nous assaillent. Un langage de vérité doit être tenu aux Maliens. Celui qui place le citoyen, et au-delà, l’Etat, face à ses responsabilités. Le Mali nouveau, tant désiré et chéri, ne peut se faire sans un Malien nouveau, et aussi et surtout, sans une gouvernance nouvelle, affranchie de toute instrumentalisation étrangère, d’une certaine mentalité malienne accommodante et complaisante et dotée d’une force morale nécessaire pour instaurer la vertu en règle de conduite.

                                                                                                                                       Ahmed M. Thiam

Commentaires via Facebook :

3 COMMENTAIRES

  1. L’activisme et le militantisme devraient distinguer deux niveaux de priorité : le niveau de l’urgence est la lutte pour la sécurité ; la lutte anticolonialiste et panafricaniste, lutte pour la liberté, une lutte de longue date qui ne date pas d’aujourd’hui, en est un autre.
    A considérer la lutte anticolonialiste pour la liberté comme prioritaire et urgente, et à la rabattre sur la lutte pour la sécurité qui devient comme secondaire dans la mesure où l’on soutient que c’est parce que nous ne sommes pas libres que nous ne sommes pas en sécurité (et que celui qui nous tient encore sous sa dépendance est aussi celui qui nous met en insécurité), on ne sait plus finalement pourquoi on lutte :
    Si nous n’avons plus d’Etat et de territoire, nous ne pouvons plus lutter contre une puissance dominatrice et impérialiste qui les convoite pour en accaparer les ressources et nous en désapproprier ; la résistance suppose un sol à s’approprier et défendre contre tout colonialisme ; mais si ce sol et cette terre sont envahis par d’autres individus qui ne sont pas les colons contre lesquels nous luttons, la sagesse et l’intelligence seraient d’orienter d’abord notre lutte contre les envahisseurs violents.
    Non pas : il n’y a pas de sécurité sans liberté, mais, dans la situation que nous vivons au Burkina et au sahel : il n’y a pas de liberté sans sécurité. La lutte actuelle pour la sécurité est tactique, le combat anticolonialiste de toujours pour la liberté est stratégique. Il faut d’abord gagner la première pour se donner les moyens du second. Voyez-vous : si, « indépendants » et « souverains », disposant de territoires et d’Etats avant le terrorisme, nous n’étions déjà pas (complètement) libres, comment pourrions-nous être plus libres sans Etats ni territoires s’ils sont envahis et colonisés par des terroristes ?
    Donc : un anticolonialiste conséquent, qui n’est pas un agitateur verbal et verbeux, devrait trouver dans la situation d’insécurité actuelle créée par les terroristes les ingrédients et prémices de la véritable lutte anticolonialiste. En ce sens : nous libérer des terroristes, et libérer notre territoire sont l’avant-goût de la libération du colonialisme.
    Cela suppose que cette libération de l’invasion terroriste soit nôtre, que nous en soyons les premiers acteurs. Si dans la libération de notre territoire nous sommes dépendants des Français ou des Russes, on ne voit pas comment nous pourrions nous libérer seuls du colonialisme ! Si, indépendants, nous disons que nous ne sommes pas libres, comment pourrions-nous être libres dépendants ?…
    Il faut dont penser à éviter le scénario afghan : les Afghans qui fuyaient leur pays, en 2021, ne se jetaient pas dans les bras des vainqueurs du moment, les Talibans, mais cherchaient désespérément le secours et la protection des « vaincus », les Américains. On se rappelle ces scènes inédites d’Afghans qui s’accrochaient aux ailes des avions américains pour en retomber morts comme des oiseaux abattus.
    Les vrais vaincus ne sont pas toujours ceux qu’on croit, ceux qu’on chassent et caillassent en faisant du bruit (ou alors la victoire est toujours de très courte durée). Toutes la force de l’Occident, sa séduction, sa clôture, c’est ceci : il gagne encore en perdant ; plus il perd et plus il gagne… Il faut donc d’abord, si on lutte, lutter pour soi et contre soi, pour sauver sa peau. Cela s’appelle sécurité…

Comments are closed.