Notre pays, cité il ya quelques années comme exemple de démocratie plurielle a été dès le début de l’année 2012 frappé par une crise sans précédent, sans doute la plus grave de toute son histoire. Les attaques conjuguées des rebelles touaregs armés et des jihadistes avec le coup d’Etat du 22 mars 2012 ont plongé le Mali dans une situation de crise politique, sociale, institutionnelle, sécuritaire et économique jamais ressenties auparavant. Pour la première fois, l’intégrité territoriale de notre pays a été violée remettant en cause sa capacité interne à faire face aux innombrables défis, en premier lieu la garantie de sécurité physique des biens et des personnes.
Cette crise nous a révélé la fragilité des Institutions de la République et de l’armée nationale dont ni les effectifs, ni la qualité des hommes, ni l’équipement ne sont à la hauteur des enjeux sécuritaires. Elle a surtout mis au grand jour la mal gouvernance et la corruption qui a gangréné tous les sphères d’activités de la vie nationale et entrainé la perte de crédibilité de l’Etat aux yeux des citoyens maliens.
Sortir le pays de la crise signifie d’abord de rétablir l’intégrité nationale. Grâce à l’intervention militaire française soutenue par les forces maliennes et africaines, cela est en passe d’être réalisé. Les soldats maliens qui bénéficient de la formation militaire de l’Union Européenne au Mali devront être capables de prendre le relais afin de permettre le retrait progressif des forces étrangères, mais aussi et surtout de créer un climat de stabilité et de confiance qui poussera les réfugiés et les déplacés à rentrer chez eux. Ces derniers devront bénéficier de mesures spéciales d’aide à la réinsertion dans la vie socio-économique afin de leur permettre de reprendre leurs activités économiques. En effet, qu’ils soient pasteurs ou nomades, ils ont tous besoin de soutien pour le redémarrage de leurs activités productives.
En outre, des mesures de relance économique sont nécessaires pour enrayer les effets de la crise sur l’économie et l’emploi. Il faut, par conséquent, aider les entreprises qui ont été frappées par la crise de reprendre leurs activités dans de meilleures conditions, de créer de la richesse et d’offrir, à nouveau, des emplois.
La crise a aussi mis en évidence l’importance d’un débat public sur les grands enjeux de la nation. La léthargie intellectuelle du milieu universitaire dont les recherches auraient dû éclairer la société et alimenter un débat public riche et pluriel dont une presse indépendante et capable se serait faite l’écho pour éduquer le public et interpeller la classe politique est un des indicateurs du déficit de qualité (et de l’absence de masse critique) et de l’absence de capacités de veille. Ce débat et l’éducation du public qu’il véhicule sont des pré-requis pour l’émergence et l’enracinement d’une culture de la citoyenneté, des citoyens qui ont l’indépendance d’esprit et les repères pour juger des programmes de développement. La démocratie suppose un électorat éduqué.
Tirant les leçons de la crise, le gouvernement ambitionne de jeter les bases d’une meilleure gouvernance seule à même d’éviter les troubles politiques et sociaux ainsi que la résurgence de revendications à caractère régionalistes et identitaire. Dans cet élan, les autorités maliennes de transition se sont attelées à mettre fin à l’impunité qui a été le laissez-passer pour toutes les pratiques de corruption et de népotisme qui ont gangréné la gestion des affaires publiques tout au long de ces dernières années. Il prépare à cet effet un projet de loi portant répression de l’enrichissement illicite au Mali.
La décentralisation et la réforme de l’Etat
Instaurée à la fin des années 1990, la décentralisation était censée mettre fin aux revendications régionalistes. Combinée à des mesures de discriminations positives dans l’accès aux emplois publics, dans l’administration et les forces de défense et de sécurité en faveur des ressortissants du Nord, elle a entrainé une longue accalmie sans doute liée aussi au développement des infrastructures socio économiques que ces régions ont connu au cours de cette période.
Par ailleurs, il conviendra de revoir les compétences des collectivités territoriales afin de les renforcer en matière de développement économique local. Il conviendra aussi de revoir la composition des budgets nationaux et locaux dans le sens d’un plus grand transfert vers ces derniers. Enfin, revoir les procédures d’exécution des dépenses publiques afin de conférer plus de liberté d’actions aux autorités locales sans préjudice des mesures de contrôle permettant de limiter la délinquance financière est une nécessité.
Les objectifs de la feuille de route de gouvernement
Adoptée par l’Assemblée Nationale le 29 janvier 2013, la feuille de route sert de soubassement aux demandes d’appui des partenaires du Mali telles qu’exprimées dans le Plan pour la Relance Durable du Mali (PRED) qui a été le document de base soumis à la Conférences des donateurs à Bruxelles. Ses grandes lignes sont : renforcer les forces de défense et de sécurité pour garantir l’intégrité du territoire national et la sécurité des personnes et des biens, rapprocher l’Etat et ses organes des préoccupations des citoyens en s’assurant de l’effectivité de ses programmes, porter une plus grande attention à l’esprit des textes et mettre en place des mécanismes effectifs pour que l’administration soit comptable devant les citoyens, actions qui contribueront à la réconciliation nationale et l’art du vivre ensemble, réduire les facteurs de vulnérabilité structurelle (aridité prédominante du climat, faiblesse d’aménagement territoriale, forte croissance démographique, insécurité alimentaire) et endémique.
Dans la perspective de création des bases d’une économie résiliente, le PRED a mis en place des programmes d’investissement en infrastructures dont l’insuffisance constitue un véritable obstacle au développement économique. La crise de l’énergie affecte au quotidien le fonctionnement des services et des activités économiques, la perte de productivité qu’elle occasionne est incalculable.
Il ya un ardent besoin d’améliorer la qualité des services de l’administration, que ce soit en éducation, en santé ou les autres services publics pour renforcer la confiance entre l’Etat et les citoyens. Dans ce contexte, devenu plus patent à cause de la crise, la problématique de la décentralisation doit être repensée. Il conviendra, toutefois, de mettre en place les garde-fous nécessaires pour que les collectivités décentralisées qui ont encore moins de capacités que l’administration centrale, soient en mesure de rendre les services aux citoyens.
La sécurité alimentaire dans un pays dont 70% de la population réside en zone rurale reste une priorité. Celle sécuritaire a donné un coup de frein brutal à l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement en particulier en raison du déplacement massif des populations fuyant l’insécurité dans les zones du Nord Mali.
La feuille de route fait comme il se doit, de l’accès aux services sociaux de base pour les populations déplacées et réfugiées, une priorité. Mais, la crise a mis en évidence, par le débat qu’elle a suscité sur les multiples facettes de la crise et les problèmes importants à résoudre pour que le Mali ait la maitrise de son destin, l’impératif d’une école de qualité. Le déficit de qualité affecte tous les niveaux du système éducatif. Relever le défi de la qualité de l’éducation est sans doute le plus grand défi que la société malienne devra confronter, l’éducation étant l’affaire de tous.
Malick CAMARA