Les responsables de l’Association pour la Protection et la Promotion de la Culture Dogon « GINNA DOGON » sont enfin sortis de leur silence.Ils se sont, à travers une conférence tenue le samedi dernier, prononcés sur la situation sécuritaire au centre du pays et particulièrement au Pays Dogon. Ladite conférence a été animée par Hamidou Ongoiba, vice-président de Ginna, en présence du président Mamadou Togo.
« Nous sommes ici aujourd’hui pour vous donner notre part de vérité », a introduit le président de Ginna Dogon, Mamadou Togo avant d’ajouter : « On a parlé ; on a dit beaucoup de choses ; les gens ne savent plus qui est qui et qui fait quoi ». Sans langue de bois, il affirme que beaucoup véhiculent des messages haineux souvent mensongers sur la situation sécuritaire du pays dogon. Il estime que trop de sang a coulé, et tout le monde doit se donner la main pour y mettre fin.
Le conférencier Hamidoun Ongoiba a, pour sa part, déploré les attaques meurtrières contre les populations civiles au pays dogon. Il a été très clair quant à la gravité de la situation dans cette zone. « Chaque jour qui passe est un jour de deuil pour le pays », laisse-t-il entendre. Et d’attirer l’attention des journalistes quele vendredi 1er février, des « individus armés non identifiés » ont attaqué et détruit les villages de Yara, Bohila et Zimito dans l’arrondissement de Baye dans le cercle de Bankass. Ladite attaque a, selon lui, fait plusieurs morts.
Outre cela, le conférencier s’est prononcé sur plusieurs points, dont la présentation sommaire de l’Association Malienne pour la Protection et la Promotion de la Culture Dogon, communément appelée Ginna Dogon ; la chronologie des évènements intervenus à partir de 2012 ; les relations de Ginna Dogon avec DananAmassagou ; le point de la situation humanitaire au Pays Dogon ;…
Parlant de la Chronologie des évènements intervenus à partir de 2012, le conférencier a fait la genèse de la crise depuis 2012. À ses dires, c’est à cause de l’absence de l’administration causée par le terrorisme que l’insécurité a grandi au centre. Les populations ont commencé à être victimes d’attaques ciblées contre une communauté. « Alors, de ciblées, ces attaques sont devenues plus globalisées : on attaque un village pour piller, saccager. Et la plupart des attaques sont dirigées contre des villages Dogons », explique le 1er vice-président de Ginna dogon. Selon lui, ce sont ces attaques ciblées contre la communauté dogon et l’inertie de l’État qui ont conduit à la création du groupe d’autodéfense Dana Amassagou. « Constatant que l’état n’avait pas la volonté ou la capacité de leur venir en aide, les Dogons à travers leurs chasseurs se sont organisés pour se défendre : d’abord individuellement puis collectivement à travers une association – reconnue par les autorités, car ayant un récépissé – dénommée « Danan Amassagou », qui veut dire que nous confions à Ama (Dieu) et aux Danam (chasseurs) – sous-entendu pour nous protéger »,a-t-il expliqué.
Devant une salle remplie de journalistes, de membres de Ginna, les représentants des Associations sœurs signent et persistent : « Au départ et jusqu’ici, à notre connaissance, les chasseurs n’ont jamais été les premiers à attaquer ». Et d’ajouter : « Ils ripostent plutôt face à une agression ».
À entendre Hamidou Ongoiba, le groupe Dana Amassagoua un récépissé. « L’association possède un récépissé ; elle n’est donc pas clandestine. Elle a un leader dont le nom, le village et la famille sont connus », a-t-il précisé.
S’agissant de la situation humanitaire au Pays dogon, le vice-président de Ginna dogon affirme qu’elle est préoccupante. À ses dires, des centaines de villages sont pillés, incendiés, leurs greniers éventrés, leurs bêtes emportées. Ces populations ont besoin d’appui. Pour lui, aucune ethnie n’est épargnée par cette insécurité : « Aujourd’hui, toutes les communautés vivent dans le désespoir. Il y a un grand appauvrissement des populations. Des écoles, des centres de santé sont fermés. Dans certaines zones, la plupart des habitants n’ont pas pu planter et ceux qui ont eu à le faire, n’ont pas pu récolter. Le pays Dogon est au bord de l’asphyxie », déplore Hamidou Ongoiba.
En ce qui concerne les relations entre Ginna dogon et Danna Amassagou, le conférencier a précisé qu’il n’est pas l’initiateur du groupe d’autodéfense. Chacune des deux associations est indépendante.
Les remarques de Ginna dogon
Le conférencier a aussi livré aux journalistes ses remarques. « Les populations de cette région, toutes ethnies confondues ont le sentiment que l’état malien les a abandonnées. Un déficit de confiance entre États / Populations qui sera difficile à combler », déclare-t-il avant d’ajouter : « quel que soit le dénouement de cette crise, la cohésion sociale qu’il y avait entre les deux communautés Dogon et Peul a pris un bon coup qui mettra du temps à se refaire ».
Recommandations
En plus des remarques, l’association Ginna dogon recommande à l’État de mener des actions d’urgence simultanées, et des actions à moyen terme. Certaines de ces recommandations à l’urgence sont entre autres : instauration de dialogues intercommunautaires ; de patrouilles incessantes des forces de sécurité maliennes dans la zone ;neutralisation des nids de groupes armés qui sont pour la plupart constitués d’éléments allochtones. Ces repères sont connus des populations ; sécurisation des foires hebdomadaires ; aides alimentaires et financières conséquentes ;…
À moyen terme, Ginna dogon recommande la nomination des agents de l’État après enquête de moralité et lancement d’appel à candidatures. Quelques modules de bonne conduite leur seront dispensés avant leur prise de service. Il leur sera alloué une prime spéciale risques ;réouverture des centres de services sociaux de base : mairie, centre de santé et écoles fondamentales avec cantines ou on exigerait la présence d’enfants de pasteurs ; la création d’internats au niveau du secondaire avec présence d’enfants des 2 communautés Dogon / Peul ;…
Dans son mot de clôture, le président de Ginna dogon a smashé ceux qui amplifient la situation à travers des publications haineuses sur les réseaux sociaux. « Les choses inimaginables se disent sur les réseaux sociaux. On dit des choses qui n’existent et n’existeront jamais .Les gens veulent de la sensation », regrette-t-il. Et d’ajouter : « Évitons des propos incendiaires ; évitons d’appeler à la guerre ; évitons de stigmatiser, ce n’est pas bon ». Avant de conclure, Mamadou Togo affirme en vouloir à la société civile et à l’État qui ne joue pas son rôle.
Boureima Guindo