Le Mali aura offert au monde un exemple inédit : celui d’un chef d’Etat légitimement élu par ses concitoyens qui se voit obligé de coupler sa victoire électorale à la recherche de l’unicité de son pays, pour enfin gouverner. Gouverner, oui, c’est bien le mot, mais gouverner quel pays ? Gouverner un Mali ruiné par l’instabilité depuis le coup d’état du 22 mars 2012 et qui devra sortir d’un conflit identitaire pernicieux.
C’est dire que s’il devenait effectif après la grosse parenthèse de sang ouverte depuis le coup de force des mutins en mars 2012 et dont on souhaite qu’elle se referme vite et à jamais, le pouvoir IBK aura une autre guerre à gagner : celle de la réconciliation nationale, qui sera de loin la plus dure à mener. Pourquoi la réconciliation des Maliens sera-t-elle impérative après les graves troubles de ces dernières semaines ? Parce qu’elle touchera et concernera l’un des maillons essentiels de la chaîne de stabilité du pays, à savoir les différents peuples du pays sans oublier aussi les forces armées, de police et de gendarmerie. Par expérience, les pays en période post-conflit héritent toujours, sur ce plan précis, d’un fourre-tout susceptible d’exploser à tout instant. Or, depuis l’éviction, en 2012, du président Amadou Toumani Touré par les militaires, la grande muette au Mali est dans une délicate phase de reconstitution. On en conviendra, les événements en cours ne sont pas faits pour accélérer ce processus. C’est pour cette raison que la tâche d’IBK ne sera pas aisée.
Bien évidemment, sur le plan diplomatique, le pays retrouvera rapidement sa place au sein des instances africaines et internationales. Mais sur le plan intérieur, il faudra à Ibrahim Boubacar Kéita beaucoup d’imagination pour se sortir du piège que lui a malicieusement tendu les rebelles du Mnla. Ce piège est celui qui fait que le président élu soit obligé de faire le tour des pays pour exprimer de vives voix les réalités de son pays quant à la réconciliation. On ne le mesure pas assez, l’armée et l’administration civile maliennes pourraient avoir toutes les peines du monde à vaincre les divisions héritées de plusieurs années de conflits identitaires.
Paul N’GUESSAN