Les mouvements sociaux d’Afrique et d’Europe, réunis du 7 au 8 janvier 2017 à Ouéléssébougou à l’occasion de la 12ème édition du Forum des peuples du Mali, un sommet alternatif citoyen au 27ème sommet Afrique-France, ont adopté une déclaration qui a été remise au sous-préfet de Ouéléssébougou. Le thème central de cette édition portait «Les peuples du Sud exigent des alternatives pour un nouveau partenariat économique, social et sécuritaire entre la France et les Etats africains».
Le Forum des peuples du Mali de cette année, organisé en contrepoint au sommet Afrique-France, se voulait un cadre alternatif citoyen visant à contribuer à la réflexion sur les problématiques qui impactent le développement durable du continent. La cérémonie d’ouverture était présidée par le sous-préfet de Ouéléssébougou, Modibo Diarra, en présence du maire, Yaya Samaké, et du président de la Coalition des Alternatives Africaines Dette et Développement (Cad-Mali), Issaka Kamissoko.
Cet événement inédit en Afrique a réuni plus de 800 participants venus des différentes régions du Mali, du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée Conakry, du Togo, du Sénégal, du Maroc, de la Mauritanie, du Niger, de la République Démocratique du Congo et de l’Europe, représentant plus d’une centaine d’organisations et mouvements sociaux.
Durant deux jours, les participants ont assisté à des débats lumineux et à des discussions chaudes et animées. Les échanges ont porté sur les questions du foncier, l’accaparement des terres, la gestion des ressources naturelles, les services sociaux de base, l’endettement, la formation et l’emploi. Ces débats et discussions ont permis d’aboutir à des propositions et positions alternatives sur les grandes questions de préoccupations.
À la fin des travaux, les mouvements sociaux ont fait des propositions contenues dans une déclaration qui sera remise aux chefs d’Etat au 27ème sommet Afrique-France. Parmi ces propositions, on retiendra l’arrêt immédiat de l’accaparement des terres, du pillage des ressources naturelles, de la destruction de l’environnement du continent africain ; l’expropriation des terres sans indemnisation des grands propriétaires fonciers ; la mise en place de politique publique sociale et environnementale basée sur la redistribution des richesses ; la production vivrière pour garantir la souveraineté alimentaire ; la justice sociale et environnementale ; le respect des droits humains fondamentaux, aussi bien à travers le droit à la libre circulation et d’établissement des personnes qu’à travers le droit à avoir une vie digne.
En outre, les participants exigent l’annulation des accords de libre-échange ; la poursuite des débats sur la création de la banque du Sud et la création d’une monnaie unique africaine ; l’arrêt de la criminalisation et de la persécution des migrants et la libre circulation des personnes ; l’arrêt des accords de réadmission, de l’utilisation des laissez-passer européens et de l’externalisation des frontières européennes sur le continent ; la suppression des visas et la liberté de circulation des Africains dans tous les Etats du continent.
Ils demandent également la sortie de tous les pays africains de la Cour Pénale Internationale(CPI) et la création d’une Cour Pénale Africaine ; la fin du financement de l’Union africaine par les fonds européens ; la mise en place d’audit citoyen de la dette extérieure et intérieure publique des États pour en déterminer les parts illégitimes, illégales, odieuses et insoutenables ; ils demandent à procéder à leur abolition pure et simple et le remboursement d’une dette écologique et la création d’un front mondial contre la dette.
Par ailleurs, les mouvements sociaux à ce forum recommandent l’arrêt et l’annulation des contrats de concession de nos États avec les multinationales ; des contrats de désendettement et de développement (C2D) qui maintiennent les peuples africains sous le joug colonial ; l’arrêt de la vente des titres de dettes publiques sur les marchés financiers des pays les plus industrialisés aggravant la situation d’endettement des pays du Sud ; la renationalisation de toutes les sociétés d’État qui ont été privatisées sous la pression du FMI et de la Banque mondiale et contre les intérêts des Africains. Enfin, les mouvements sociaux du Sud comme du Nord engagent à poursuivre ce combat en développant une solidarité concrète pour que toutes les luttes légitimes constituent les piliers du monde de demain.
Auparavant, dans son discours d’ouverture, le président de la Cad-Mali, Issaka Kamissoko, a rappelé que cette rencontre se place dans le cadre des engagements de son organisation à organiser des espaces de mobilisation populaire, d’échanges, de partage d’expériences, de propositions d’alternatives et d’éducation citoyenne dénommé «Forum des peuples». Il a indiqué que de Siby à Gao, en passant par Kita, Fana, Sikasso, Bandiagara, Niono, Koulikoro, le Forum des peuples a toujours mobilisé les masses populaires et fait remonter leurs propositions et recommandations aux gouvernants et décideurs.
Selon Issaka Kamissoko, 55 ans après la fin de la colonisation, il est temps que les relations franco-africaines ne se limitent plus aux simples clauses de style, aux formules diplomatiques convenues, moins encore une subordination néocolonialiste. Ce genre de sommet Afrique-France, dit-il, doit donner l’occasion de formuler des revendications concrètes sur les questions des droits humains, de dette, de coopération militaire, commerciale, de migrations et de développement durable.
Le sous-préfet de Ouéléssebougou Modibo Diarra et le maire Yaya Samaké ont salué l’initiative de la tenue du forum dans leur localité, avant de souhaiter la bienvenue aux délégations.
Diango COULIBALY