Société : La rue, l’autre refuge des maliens

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Dans la plupart des pays au monde, on retrouve des personnes qui vivent dans la rue. Elles sont sans logis et errent dans l’espace public. La plupart d’entre elles dorment souvent à la belle étoile. Le Mali ne fait pas exception. On les retrouve beaucoup plus à Bamako. Seulement, le phénomène prend de l’ampleur et devient inquiétant.

Il y a quelques années, il était en effet rarissime de voir des personnes vivre dans les rues de Bamako, même celles qui souffrent de maladies psychosomatiques. Ils sont aujourd’hui des milliers d’enfants, de jeunes ou encore d’adultes de tout genre à résider dans des endroits peu recommandables. Chacun a son histoire. Mais, toutes ces personnes restent  à la merci des caprices de la nature et pataugent dans un quotidien fait de misère.  Ce phénomène dresse également le lit de la délinquance juvénile qui prend de plus une proportion importante dans la société. Le cas des enfants de la rue est encore plus préoccupant. Alors qu’est-ce qui pousse les uns et les autres à se retrouver dans la rue ? Comment se déroule la vie dans ce monde de « fourre-tout » ? Certaines personnes parviennent-elles à se réinsérer socialement après un passage dans la rue ? Pour trouver des éléments de réponses à ces questions, nous avons fait le tour des rues de Bamako pour constater les réalités de la rue.

Un phénomène galopant

Aujourd’hui hormis les détraqués mentaux, ils sont des milliers à squatter les trottoirs avec des profils différents. A Bamako, ces personnes se retrouvent généralement au niveau du ‘’rail da’’, au square Patrice Lumumba, dans le centre commercial etc. Plusieurs causes sont à l’origine de cette situation. Elles diffèrent naturellement d’une personne à l’autre.

Généralement, c’est le manque de moyens qui pousse certains Maliens dans la rue. Il y a des familles entières qui se retrouvent dans la rue, faute de moyens. Des propriétaires terriens expropriés de leur parcelle, en passant parfois, par le fait que certains locataires sont mis dehors par les promoteurs immobiliers pour non-paiement de loyers. Naturellement sans soutien, ils finissent dans la rue. La dislocation de certains couples fait que dans bien de cas, les femmes et les enfants n’ayant nulle part où poser les valises, se trouvent livrer à eux-mêmes dans la rue. Lors de ce reportage, nous sommes tombés sur une femme et ses enfants aux Halles de Bamako. Tard dans la nuit vers 22h, elle gardait ses enfants couchés à même le sol sur un carton. Visiblement fatiguée, visage fermé, elle n’a pas voulu révéler les raisons de leur infortune. « Sachez juste que la vie nous réserve plein de surprises », lance-t-elle dans un désarroi total. Toutes les tentatives pour savoir davantage sur l’histoire de cette famille sont restées infructueuses. Les riverains approchés dans la zone pour en savoir plus n’ont pas donné davantage de précisions, seulement que cela fait un bon moment que la femme et ses enfants viennent passer les nuits là.

Certaines personnes décident délibérément de venir en aventure à Bamako. Des rêves plein la tête, ils quittent leurs villages pour la capitale, qu’ils considéraient à tort ou à raison comme un eldorado. Mais souvent, l’aventure tourne au cauchemar. Sans travail et sans-abris, ils sont aujourd’hui à la dérive sur les trottoirs de la capitale. On les retrouve majoritairement aux encablures du grand marché de Bamako, tout au long du fleuve vers le Cicb et sur d’autres artères de Bamako. Ils constituent en partie le lot de « badauds ».

Certaines filles qui viennent elles-aussi en aventure finissent souvent par se retrouver sans toits et …  dans la rue. Elles y font pratiquement tout. La lessive, la vaisselle, les toilettes intimes et autres. Certaines d’entre elles font des enfants également avec des hommes ayant le même statut qu’elles. Pour s’en sortir, certaines deviennent des portefaix alors que d’autres font le choix de la prostitution. Elles vivent en majorité au niveau du musée du district de Bamako, au carrefour des jeunes. La nuit tombée, elles dressent des tentes avec leur pagne.

Le cas tragique des enfants

Les enfants font partie des couches vulnérables de la société. Fort de cela, ils devront bénéficier d’une attention particulière, que ce soit de leurs parents ou de la société tout entière. Malheureusement, ce n’est pas souvent le cas pour certains. Ces derniers finissent par se retrouver dans la rue. Ces adolescents vivant dans la rue mènent une vie de clochards. Ils sont un peu partout à Bamako. Dans la journée, ils prennent d’assaut les feux tricolores, soit pour quémander soit pour faire de petits jobs histoire de trouver de quoi subsister. Leur accoutrement laisse à désirer. La rue n’étant pas un cadre idéal pour avoir une éducation de qualité, ces enfants ne résistent pas à la drogue et à l’alcool qui circulent facilement dans ces milieux. Petits qu’ils soient, ils maîtrisent à la perfection les méthodes de « gangster » et opèrent dans leur zone de prédilection.  Ceux qui n’ont pas été totalement métamorphosés par la vie de rue, deviennent des archéologues en herbe. Ils passent la majeure partie de leur temps sur les dépotoirs à la recherche de la ferraille qu’ils iront vendre à des prix dérisoires. Le quartier Lafiabougou (précisément vers le cimetière où jalonne la décharge d’ordure) et le Rail da sont leur QG.

Agé de 10 ans à peine, Kassim vit dans la rue. Il y est depuis 2 ans déjà après avoir faussé compagnie à sa tutrice qui le « maltraitait allègrement ». Il a fini par s’adapter à la vie de la rue. « Ici, personne ne te triche en te frappant à longueur de journée. Si quelqu’un veut te battre, tu te défends aussi », raconte-t-il. Quant à son quotidien, il assure être régulièrement dans le marché pour vendre des sachets plastiques, qu’un boutiquier lui confie tous les matins, ce qui lui permet d’avoir chaque soir souvent 200 F CFA, ou 300F CFA au plus. « Avec ça, je fais ma vie tranquille », ajoute-t-il.

Ces adolescents ont une hygiène de vie déplorable. Les fontaines des espaces publiques restent leur toilette par excellence. Ils s’y beignent et y laissent les détritus. Ils ne bénéficient d’aucune couverture sociale et sont laissés à leur triste sort. « Dieu merci on tombe rarement malade, mais quand ça arrive, on se débrouille avec des médicaments achetés chez les bonnes dames », affirme un jeune croisé au carrefour du 3ème arrondissement.

Agir ensemble !

Si les sans-abris se multiplient dans la rue, c’est la preuve d’un échec de la politique sociale des gouvernants. Mais, ils ne sont pas les seuls responsables. Les parents qui n’arrivent pas à offrir à leurs enfants un mieux-être sont aussi à blâmer. Comme le dit-on souvent, les enfants n’ont pas demandé à venir dans ce monde, autant prendre soin d’eux pour qu’ils ne finissent pas dans la rue.

Pour ceux qui y sont déjà, il y a des ONG qui essayent de faire un travail de terrain pour leur venir en aide. Mais, ce travail reste peu efficace malgré leur dévouement. Grace à certaines ONG, des personnes dont des centaines d’enfants, ont pu quitter la rue. Quelques-uns rencontrés dans un centre d’accueil se rappellent toujours leur passage dans la rue et profitent pour lancer un message à la société en général.

« Mes parents n’avaient pas les moyens et il n’y avait aucun contrôle à la maison. Je voulais bien aussi avoir les mêmes choses qu’avaient mes amis. Un jour, j’ai préféré prendre la tangente et c’est comme cela que je me suis retrouvé dans la rue. La vie est difficile là. Il est arrivé que mon papa me retrouve dans la rue mais je n’ai jamais voulu retourner à la vie normale.  Avec le temps certaines personnes qui venaient échanger avec nous, m’ont persuadé de me réinsérer socialement. C’est ainsi que j’ai intégré ce centre, qui prend soins de moi. J’ai repris l’école. La rue, je dirai simplement que ce n’est pas un bon endroit pour les gens encore moins pour les enfants », conseille Ablo aujourd’hui en 9ème année.

Assi de Diapé

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