Société civile : Une nouvelle génération au front

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« Trop c’est trop », « Ras le bol », « An Torala», Mouvement national patriotique (MNP), Mouvement pour la justice sociale…sont autant d’organisations de jeunes qui ont décidé de monter au front contre les multiples dérives du régime en place. En un laps de temps, leurs leaders sont devenus des figures incontournables dans un paysage militant, en plein effervescence. Cette nouvelle génération qui émerge au sein de la société civile malienne est aux avant-postes de la fronde contre le projet de révision controversé initié par le pouvoir.

Longtemps confinée dans la défense d’intérêts catégoriels, la société civile malienne, depuis trois ans, s’est engagée sur une autre voie : celle de la sauvegarde des acquis démocratiques et de la dénonciation de la mauvaise gouvernance.

Parmi la multitude d’organisations de cette société civile, se démarquent des mouvements de jeunes très engagés dans la défense de la République. Ils coupent aujourd’hui le sommeil aux gouvernants.

« Trop c’est trop »

Amara Sidibé, porte-parole du mouvement, justifie son engagement et celui de ses camarades par un constat : « l’indifférence des autorités face aux souffrances des populations, la mauvaise gestion des affaires publiques et une dérive monarchique des institutions ». Ce mouvement, né le 12 juillet 2016 après la tuerie des jeunes à Gao lors d’une manifestation contre la Minusma, a jugé nécessaire d’entamer des actions à Bamako pour soutenir leurs frères de la cité des Askia. A la longue, le mouvement ajouta d’autres cordes à son arc. « Nous ne pouvions pas demeurer passifs face à la gestion calamiteuse des maigres ressources du pays», soutient M. Sidibé qui déplore la situation dans laquelle se trouve la société civile au Mali. « Dans les autres pays, la société civile est autonome sur le plan financier. Chez nous, la société civile est sous la coupe du gouvernement, ses leaders sont des personnes sous influence des autorités et des partis politiques. Ils vivent  des subsides du pouvoir », affirme-t-il. Alors pour garder son autonomie, le mouvement «  trop c’est trop » a décidé de vivre des cotisations de ses membres.

« Ras-le-bol »

Selon Mamadou Sissoko dit « Papman », au-delà de leur opposition légitime aux dérives autoritaires et autocratiques  que contient  le texte le projet de révision constitutionnelle, plusieurs autres facteurs  motivent leur combat. « De  nos jours, il n’y a aucun secteur où les Maliens peuvent s’en féliciter. L’insécurité va crescendo avec des attaques quotidiennes, le chômage des jeunes s’accentue, l’accord de paix signé à Alger n’a pas produit l’effet escompté, le panier de la ménagère est vide. Le Malien lambda ne mange pas trois fois par jour», explique Mamadou Sissoko. Face à cette dure réalité que vit le pays, « nous avons, en tant que jeunes responsables, porté le 5 mars 2016 sur les fonts baptismaux cette plateforme pour  tirer la sonnette d’alerte. Le mouvement est composé de plusieurs associations et il a des antennes à l’intérieur du pays. « Papman » précise que son mouvement vit d’autofinancement.

« An Torala »

Le coordinateur de cette organisation, Souleymane Traoré, est formel : il faut que les organisations de la société civile se mobilisent contre l’injustice, car tout semble être permis aux plus puissants du pays alors que la majorité de la population souffre. La plateforme « An Torala » a été créée en 2015 dans le but de dénoncer la mauvaise gouvernance au Mali et la gestion calamiteuse des affaires publiques. «Oui, notre Maliba est gravement malade », clame-t-il. Le coordinateur  de « An Torala » affirme que les Maliens sont malades, parce que le népotisme, la corruption, le favoritisme, le clientélisme gangrènent la gestion irresponsable et honteuse du pays. Il déplore aussi le fait que les jeunes, espoir de tout un peuple, ne cessent de se poser des questions sur leur avenir, du reste incertain et pris en otage par une poignée de personnes. « Qu’avons-nous pu faire au bon Dieu pour mériter un tel sort déshonorant, désobligeant et pitoyable »,  s’interroge Souleymane Traore. Et d’enfoncer le clou sur le caractère inopportun  du referendum sur la révision constitutionnelle: «  un pays au ¾ occupé, des centaines d’écoles fermées  dans le centre du pays, la santé déniée au plus grand nombre… Avec tous ces  problèmes non résolus, le gouvernement  a la volonté  d’organiser un referendum qui ne servira qu’à fragmenter, diviser un peuple qui souffre le martyr. La révision ne sert qu’à répondre à la soif de pouvoir du Président IBK », tempête Souleymane Traoré.

Mouvement national des patriotes du Mali

Créé en 2015, ce mouvement regroupe « An, Sera Da », « Tarata Woulé »… Pour  Moussa Coulibaly, il est  temps que les jeunes s’engagent  à sensibiliser les citoyens aux enjeux de la bonne gouvernance, à promouvoir l’inscription sur les listes électorales, à vulgariser et traduire en langues locales les dispositions constitutionnelles afin de permettre aux jeunes de ne plus rester passifs face à des chefs d’État omnipotents. Il promeut aussi la culture de la citoyenneté au niveau des jeunes générations. Il estime que la jeunesse doit rejeter le fatalisme et refuser de se morfondre. Cependant, Moussa Coulibaly précise que de nombreux obstacles entravent l’engagement  des jeunes. «L’aspect financier est un gros handicap pour structurer nos regroupements. Nous fonctionnons par autofinancement, ce qui est, vu nos maigres moyens » déplore l’activiste. Concernant le projet de révision, Coulibaly souhaite une large consultation de toutes les forces vives pour aboutir à un consensus. Sans cela, dit-il, le mouvement continuera à être de tous les combats pour le retrait du texte. «Nous serons de tous les combats pour plus de justice, de bonne gouvernance », dit-il.

Mouvement pour la justice sociale

Zana Koné est le porte-parole de ce mouvement qui s’est révélé lors de cette contestation contre le projet de révision  constitutionnelle. Il assure que ce projet a permis de réveiller les citoyens d’un long sommeil. « Je tire des leçons de positivité, de profond optimisme. Je suis vraiment très heureux  de constater que le peuple est jaloux de sa souveraineté, qu’il refuse qu’un groupe restreint de privilégiés fasse passer ses intérêts pour la volonté du peuple. Ceux qui doutent de notre détermination comprendront que même les montagnes tremblent  lorsque la volonté du peuple se fait chair. J’espère qu’ils en ont tiré les leçons et prendront les bonnes décisions. J’espère qu’ils ont pu revenir à la réalité et ont compris qu’il ne s’agit pas d’une centaine de personnes qui s’agitent sur facebook, mais plutôt d’un peuple déterminé et débout ! », explique  Zana Koné. Pour ce leader, c’est aux jeunes de se saisir de ce combat, « parce qu’aucun jeune malien n’a intérêt à voir la concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul homme ; parce qu’aucun jeune n’a intérêt à assister à  la perpétuation d’une dynastie au pouvoir ». Il estime que le manque de moyens ne doit être un frein à la volonté de changement, et d’engagement  à défendre des causes justes. « Ceux qui ont  une conviction, ceux qui ont  un  idéal parviennent  toujours à surmonter les écueils. C’est  un privilège  de pouvoir participer à la construction de l’histoire, la seule qui restera quand nous ne serons plus, la seule par laquelle nous survivrons à la mort. Et dans cette construction, il n’y a pas de place pour l’argent, seule la conviction nous entraine sans qu’on puisse jamais lui résister ! », assène Zana Koné.

Soumaïla Doucouré dit Master Soumi

« Notre vocation n’est pas de conquérir le pouvoir, mais de veiller au respect de la Constitution dans le but de préserver la paix ». Ces mots sont du célèbre rappeur, Master Soumi, présent dans toutes les manifestations contre la mauvaise gouvernance. Connu pour ses prises de position tranchée, Master est engagé contre la corruption, le favoritisme, le népotisme, le clientélisme dans la gestion du Mali. Récemment, il  s’est donné pour mission de lutter contre la modification de la constitution malienne. Sur le sujet, il occupe les ondes des radios privées avec son single sorti  spécialement pour dire « NON, Touche pas à ma constitution ».

Collectif de défense de la République (CDR)

« Ce qui nous intéresse, c’est la vie de la nation et des populations. Nous sommes là pour elles, pas pour prendre la présidence de la République  ou aider l’opposition à prendre le pouvoir », assure l’activiste Yousouf Ali Bathily dit Ras Bath, porte-parole du  collectif de défense de la République (CDR). Ce collectif, qui regroupe plusieurs organisations, a été créé en  Avril 2012. Le chroniquer estime que chaque citoyen a le devoir et l’obligation de veiller à ce que le bien public soit géré de manière efficace et profitable à tous. « Le premier bien, c’est l’État. Protéger l’État, c’est protéger ses intérêts. Cette obligation incombe à tout citoyen. Celui qui fait sien ce devoir est un bon citoyen, un républicain », tel est l’état d’esprit du CDR.

A propos de la révision constitutionnelle, Ras Bath ne mâche pas ses mots : «Nous n’acceptons pas que le Mali soit transformé en jouet, au bon plaisir du prince du jour. Que Ibrahim Boubacar Keita revienne à la raison ».

Ibrahim Kébé dit Ras Kébé

Autre figure  de proue de cette  nouvelle vague de la société  civile : Ibrahim Kébé dit Ras Kébé, un jeune à l’avant-garde  de tous les combats pour exiger des pratiques nouvelles dans la gestion des affaires de l’Etat. Au sujet de la révision constitutionnelle, Ras Kébé  ne vas pas par le dos de la cuillère : «  je trouve cela inopportune. Le Mali est confronté au terrorisme, aux conflits inter communautaires,  à une insécurité généralisée. C’est ce moment que choisi  IBK pour lancer son projet de révision constitutionnelle  qui ne fait que renforcer son propre pouvoir ». Sinon, s’interroge-il, comment comprendre que dans un pays où plus de 500 écoles sont fermées, où beaucoup de représentants de l’Etat ont abandonné leur poste (70 sous-préfets et préfets), que le président de la République se lance à des lubies, des gadgets comme la création du Senat ? IBK vent être un Mansa, martèle-t-il.

Pour l’activiste, le peuple malien souffre sous l’ère IBK. «Les années IBK ont été des années de galère, de misère. Il est temps que cela cesse », dit Ras Kébé qui perçoit un début de  changement dans le comportement des citoyens maliens. «Le peuple est décidé à ne plus demeurer  passif».

Le mouvement citoyen n’en est qu’à ses balbutiements, mais il est animé par une ferme volonté de contrôler la gestion des affaires publiques. La révolution citoyenne est en marche ! Elle exige plus de transparence dans la gestion desaffaires, un suivi sourcilleux de l’utilisation des deniers publics…

Mémé Sanogo

 

 

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