Social : La perversion de la symbolique du « sucre » de Ramadan

3

Une vielle tradition dans  notre société malienne est de remettre quelques kilos de sucre à sa belle famille ou aux grandes personnes en signe de respect. Seulement le gestuel perd toute  sa signification et se pervertit à un acte de vantardise.

Depuis l’introduction de l’islam dans nos mœurs, remettre quelques kilos de sucre à sa belle-famille est devenu une tradition bien respectée par les uns et les autres. Jeûneurs ou non, bons pratiquants ou non, chacun se fait l’obligation de séduire sa belle famille ou ses proches  en leur remettant le sucre symbolique du mois béni de Ramadan. Bien qu’il  n’y ait pas de nombre de kilo préétabli, mais de façon habituelle, le nombre  varie entre  5 à 10 kilogrammes. Mais de plus en plus cette tradition semble perdre toute sa valeur sociale et l’on se saisit de l’occasion pour faire étalage  de ses moyens financiers. Une situation qui crée  beaucoup de malaise au sein des foyers et dans les communautés.  Depuis quelques années, on assiste  à la remise de sac de sucre à la belle-famille en place des quelques kilogrammes. Un geste souvent vanté  par les belle-mamans dans l’entourage. Ce qui provoque parfois des frustrations dans les familles :   « Je suis vraiment dégoûtée par le comportement de mon beau frère. Il est la cause de la fissure actuelle de notre famille.

Chaque année, il fait apporter par ma petite sœur un sac de sucre pour nos parents. Alors que nous autres nous n’avons pas assez de moyens de donner plus de 10 kilos à la mère. Avant que ma petite sœur se marie, mon mari apportait 5 kilos.  Quand mon beau- frère a commencé à apporter son sac, mon époux était obligé de passer à 10 kilos c’est la limite de ses moyens. Il est tailleur tandis que mon beau frère est un grand opérateur économique. Ce qui me fait mal c’est le comportement de nos parents surtout ma mère qui s’en vante partout et le regard fier de ma petite sœur… », nous raconte Madina revendeuse de poisson au marché de Lafiabougou en commune IV.

De plus en plus, il devient difficile pour les hommes de satisfaire épouse et belles familles dans ce rituel symbolique qui se transforme en cauchemar. Les couples se disputent pour le nombre de kilos à remettre à la belle-famille pour ne pas paraître « démunis ou pingres ». Les femmes poussent leurs maris à aller au delà de leurs limites pour avoir fière allure dans la famille ou dans l’entourage. « Chaque année, j’ai des problèmes avec ma femme Awa pour le nombre de  kilos de sucre à aller remettre à sa famille. En effet, il y a sa propre famille et les innombrables tantes ou oncles auxquelles je dois remettre au moins 5 kilos de sucre. Vraiment c’est une source de dispute dans notre ménage. Surtout cette année, le carême a coïncidé avec la crise. Je ne vais pas pouvoir faire plaisir à Madame. Elle est fâchée mais tant pis. Je me sens seulement obligé de donner mes 5 kilos à ses parents », nous raconte Djibril, la trentaine, agent immobilier.

De nombreux témoignages démontrent que la remise symbolique du sucre pendant le mois du Ramadan a perdu toute sa valeur. Censé créer la cohésion au sein des familles et signifier l’entraide,  ce don n’en est plus. D’un côté, il est  perverti  par certains qui y trouvent une belle occasion pour se vanter. Et l’autre côté, il devient un cauchemar pour  ceux qui tirent le diable par la queue pour satisfaire épouse, belle-famille et proche  entourage.

Khadydiatou Sanogo

Commentaires via Facebook :

3 COMMENTAIRES

  1. merci une fois de plus Khady !ce mois béni est devenu très cauchemardesque pour plein de chefs de famille surtout à bamako.Certaines épouses exigent des plats speciaux toutes nuits,imposent le nombres de kilo de sucre à distribuer aux différents parents ,et à la fin les habits pour L4aid El Fitr ,pouaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhh,comment joindre les deux bouts ?

  2. Les agents du ministère de l’artisanat et de la culture détestent leur ministre qui ne connait rien de la culture: elle était hors du Mali depuis plus de 20 ans. Pourquoi ne pas la changer et l’amener aux domaines où elle a servi sous le régime de Moussa. Comme c’est une ex-copine de CMD, les agents du ministère de l’artisanat, tourisme et culture restent impuissants.

  3. Au Mali, nous avons tendance à exagerer tout et souvent c’est les femmes qui en sont à la base!Sinon,pour le sucre du Ramadam, aucune quantité n’est fixée puisque ce n’est que symbolique!Alors pourquoi exiger à ton mari de faire “autant que l’autre”?Si “l’autre”, mon beau-frère commerçant veut, il peut décharger 3 remorques de sucres dans notre belle famille!Moi j’amenerai
    que ce que je peux en fonction de ma bourse! 😉

Comments are closed.