À Bamako, les aides ménagères, connues sous le nom de « barakèdén ou 52 » sont employées dans des familles pour aider dans les travaux ménagers : cuisine, lessive, entretien de la maison et des enfants. Ces filles, qui laissent derrière elles, parents et amies pour « chercher de l’argent dans les grandes villes » aident aussi leurs patronnes dans le petit commerce. Elles contribuent aux dépenses familiales et financent leurs trousseaux de mariage. Malheureusement, ces aides ménagères subissent, souvent, maltraitances et divers sévices commis sur elles par leurs employeuses.
Quitter son village, ses parents, ses ami(es) pour venir à la conquête de l’argent en ville, afin de soutenir financièrement les parents ou réunir l’argent nécessaire pour un trousseau de mariage sont quelques sources de motivation de ces jeunes filles, qui travaillent en tant qu’aides ménagères dans les foyers à Bamako. Exposées à toutes sortes de dangers, ces jeunes filles travaillent d’arrache-pied pour des salaires misérables (de 7 500F à 30 000F) selon les différentes tâches exécutées. Elles ne sont, malheureusement, pas traitées à leur juste valeur. Elles se sentent négligées, voire rejetées par la société. Malgré tout, elles affluent encore vers les grandes villes et sont souvent le pilier de certaines familles.
Généralement, ces filles font à la fois le ménage, la cuisine et s’occupent de la garde des enfants. C’est encore elles, qui balaient la cour de la concession et sa devanture, achètent les condiments au marché, la vaisselle et la lessive, assistent les personnes âgées et malades, les étrangers.
Les premières à se lever, les dernières à se coucher…
En réalité, la journée de l’aide-ménagère déborde de diverses tâches qu’elle doit accomplir, du matin de bonne heure jusque tard dans la nuit. Elles travaillent en moyenne 15 à 16 heures par jour pour un salaire insignifiant. Elles ne bénéficient d’aucun congé, ni de jour de repos en semaine.
Gnélén Coulibaly, âgée de 14 ans, elle vient de San, se lève tous les jours à 6h du matin et se couche vers 22h ou 23h. « Quand je me lève le matin, la première des choses que je fais, c’est allumer le feu pour préparer le petit déjeuner. Ensuite, je balaie la cour, fais la vaisselle. Je dois aussi laver la voiture du mari de ma patronne, avant qu’il ne parte au travail. Puis, je nettoie et range le salon. Tout cela doit se faire avant 9h, car c’est à cette heure-là que ma patronne va au travail. A la descente des enfants de l’école, je dois partir les chercher et bien avant, je dois tout faire pour finir de préparer. Et gare à moi si la patronne vient trouver que je n’ai pas fini une seule de ces tâches, elle me couvre de toutes sortes d’injures. Franchement, je n’en peux plus, mais que faire ? », se désole-t-elle.
Certaines de ces domestiques sont même victimes d’agressions physiques, parfois sexuelles, de la part de leurs employeurs et proches. C’est le cas de Wassa, dans la quinzaine d’âge, victime de violences physiques. « Je travaillais dans une famille aisée à la Sema2 de Sébénikoro. Au début, tout allait bien avec ma patronne. Plus le temps passait, plus son comportement envers moi changeait, jusqu’au jour où elle m’a battu à sang, parce que j’ai fait tomber un verre, sans faire exprès ». Et elle poursuit en pleurs : «Je n’oublierais jamais ce que j’ai subi… ».
Souvent sexuellement abusées
Soutoura, une jeune femme, qui confie qu’à l’âge de 14 ans, elle subissait des agressions sexuelles de la part du mari de sa patronne quand celle-ci s’absentait. « Il m’a fait croire que si je ne me laissais pas faire, il va me renvoyer et dire à ma patronne que je suis une voleuse. Prise de peur, je me suis laissée faire jusqu’à ce que je quitte leur maison », se lamente-t-elle.
Dans son témoignage, les larmes aux yeux, Mariam 16 ans, dit avoir été victime de maltraitances, qui étaient devenues une habitude pour sa patronne. Ne pouvant plus subir toutes les violences qu’elle endurait pour un salaire dérisoire, la fillette réussit à s’enfuir en abandonnant son salaire chez la dame, pour regagner un nouveau foyer, où elle s’épanouit.
D’autres « bonnes » fuient le village en raison des mariages forcés. C’était le cas de Kany. Son oncle voulait la donner à un vieux et pour elle, la seule solution d’échapper à ce mariage forcé était de fuir vers la grande ville et c’est pourquoi elle s’est retrouvée en ville pour cet …emploi. Mais à Bamako, elle s’est retrouvée dans une situation difficile. Kany était souriante jusqu’au moment où on l’a interrogée. « Les travaux champêtres ont déjà commencé au village, toutes mes sœurs sont rentrées. Mais, moi, je ne peux pas, car je n’ai pas encore mon argent. Partir faire ces travaux est une tradition chez nous. Ma patronne m’ordonne d’attendre octobre, pour me payer », dit-elle la tête baissée devant un tas d’assiettes.
D’autres après des années de travail à Bamako, oublient le village et s’adonnent à des pratiques peu honorables. D’après le témoignage d’un boutiquier, ce sont ces filles qui passent la journée à errer entre les sotramas pour vendre des fruits de saison, ou bien des arachides. D’ailleurs, même pendant la nuit, elles sont souvent dans les rues. Pour lui, c’est certain que la nuit ce n’est pas pour vendre des fruits…
Et aussi une aide-ménagère, qui préfère garder l’anonymat, soulève qu’elle a pris le mauvais chemin, mais que c’est le plus facile. « Avec 10 000 F CFA par mois de salaire, c’est difficile de subvenir à tous ses besoins. C’est pourquoi, je sors la nuit. Pour moi, c’est une autre façon de gagner de l’argent et en même temps d’oublier un peu le stress de la longue journée de travail. Je reconnais, comme d’autres, que nous subissons toutes sortes de pressions physiques et surtout psychologiques, sans oublier l’exposition aux infections sexuellement transmissibles et au VIH Sida, le risque de violences sexuelles ou encore celui des grossesses précoces et non désirées, nous tombons souvent dans ces pièges sans retour », avoue-t-elle.
De leur côté, de nombreuses patronnes se plaignent du fait que les aide-ménagères aiment trop les sorties nocturnes. L’argument, le plus souvent avancé par la majorité de ces migrantes, est qu’elles se regroupent la nuit juste pour causer et se rappeler des moments passés au village. L’apprenti d’un sotrama, sur la route de Lafiabougou, ne s’embarrasse pas de confier que pour des raisons financières, certains jeunes, comme lui, préfèrent avoir des aide-ménagères comme copines. Il confie : «Avec elles, pas besoin d’acheter des mèches brésiliennes, des pommades coûteuses, des vêtements de marque. Une dépense de 1 000 FCFA leur suffit pour toute la semaine ».
Quelques expériences dans le ménage…
Cependant toutes les aides ménagères ne sont pas confrontées à des situations difficiles. D’autres viennent en ville et apprennent beaucoup de choses, qu’elles ignoraient, avec leurs patronnes. C’est le cas de Sabou, qui affirme avoir tout appris avec sa patronne, qui était très gentille avec elle. « J’exprime ma gratitude à ma première patronne ; c’est elle qui m’a tout appris. Cette profession m’a permis d’être davantage propre dans l’exécution de mes tâches ménagères, de découvrir plusieurs recettes pour la cuisine et d’améliorer mon comportement et maintenant, faire énormément d’activités domestiques » se réjouit-elle
A Bamako, c’est juste après les premières pluies que le retour des bonnes au village s’annonce pour les travaux champêtres ou pour les mariages. Si pour certaines, le moment de rentrer est une joie, pour d’autres, c’est un moment de tristesse et d’angoisse. On se rend ainsi compte qu’il y a parmi ces domestiques souvent surexploitées, celles qui préfèrent toujours la ville au village. Et malgré tous les efforts que ces aides ménagères font, les maltraitances à leur endroit ne cessent d’accroitre. Même si le manque de qualification et de formation sont souvent des raisons qui les pénalisent, les aides ménagères ne sont pas moins maliennes que les autres travailleurs du Mali. Elles doivent donc bénéficier de leurs droits en tant que travailleuses, mais aussi en tant que citoyennes tout simplement. C’est le message abondamment véhiculés par l’Etat à travers le ministère de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, appuyé par plusieurs associations et ONG.
Mama Keita (stagiaire)