Sécurité alimentaire : Aux grands maux, les grands remèdes

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Il faut 77 milliards de francs pour circonscrire une crise aux conséquences multiples sur les hommes et le cheptel et qui menace le plus gravement 159 communes.

Les structures chargées de la supervision de la production céréalière, de la bonne santé du bétail et de la sécurité alimentaire se sont finalement accordées sur l’envergure de la crise alimentaire à laquelle notre pays est confronté (où va l’être) à l’instar des autres pays du Sahel. Une série de réunions conduites par la Primature a ainsi établi que 104 communes sont en difficulté alimentaire, a souligné le commissaire à la Sécurité alimentaire, Yaya Nouhoum Tamboura. Le commissariat à la Sécurité alimentaire prévoit, par conséquent, des distributions gratuites de près de 46.000 tonnes de céréales sèches dès le mois de décembre prochain. Cette opération touchera environ 1,7 million de personnes à raison de 9 kg par personne et par mois pendant 3 mois. Elle compensera l’absence des récoltes de la période de soudure (légumineuses) et des taux de malnutrition très élevés. Le Système d’alerte précoce (SAP) a identifié 55 autres communes classées en difficultés économiques, c’est-à-dire ne disposant pas des ressources nécessaires pour se nourrir comme durant les années normales. La situation ici est moins grave que celle des 104 communes où la crise frappe déjà à la porte. Le gouvernement mettra à partir de janvier 2012, près de 70.000 tonnes de céréales en vente au prix modéré de 15.000 Fcfa le sac de 100 kg au bénéfice des communes en difficultés économiques. Cette opération va minorer l’effet de la forte hausse des prix des céréales. 14.500 tonnes d’aliments pour le bétail doivent aussi être achetées par les pouvoirs publics. Sans oublier, l’achat de semences de céréales sèches et de pommes de terre ainsi que la recherche d’alevins de qualité. Cette première phase du plan coûtera 19,1 milliards de Fcfa. Une deuxième phase est prévue entre les mois de janvier et juin 2012. Elle prévoit la vente de 70.512 tonnes de céréales à un prix modéré dans plusieurs localités. Le Fonds de sécurité alimentaire et le stock d’intervention de l’Etat seront reconstitués et 350 000 tonnes de riz achetées. Pour soutenir les premières actions en faveur du bétail, le gouvernement envisage un renforcement du stock de produits vétérinaires et, si nécessaire, une campagne de déstockage. Cette deuxième et dernière phase nécessite une enveloppe de 58,5 milliards de Fcfa.

MOYENS DISPONIBLES INSUFFISANTS. Lors de la 6è réunion statutaire du Comité de coordination et de suivi des programmes de sécurité alimentaire qui s’est tenue en début de semaine, Yaya Nouhoum Tamboura a confirmé qu’il s’agissait d’une crise réelle contre laquelle il convient de déclencher le Plan d’intervention d’urgence qui s’adapte à la nature du phénomène. Bien que le pari de la mobilisation des ressources financières ne soit pas gagné d’avance, le patron du Commissariat à la sécurité alimentaire se veut optimiste : « Nous avons le soutien du gouvernement et des partenaires techniques et financiers qui suivent de près l’évolution de la situation ». Pour le moment cependant, les moyens disponibles ne permettent pas de faire face à une crise de cette ampleur. Le Fonds de sécurité alimentaire présente, en effet, un solde de l’ordre d’un milliard de Fcfa sur un niveau optimum de 5,5 milliards. De même, note Yaya Nouhoum Tamboura, le fonds commun de contrepartie dont le solde n’est que de 180 millions, ne peut plus assurer 3 mois de fonctionnement du dispositif. Le stock national de sécurité alimentaire, lui, est de 20.000 tonnes. Or, son niveau optimal est fixé à 35.000 tonnes. Pour ce qui est du stock d’intervention de l’Etat, essentiellement constitué de riz, il renferme 15.000 tonnes sur un objectif de 25 000 tonnes. Pour les experts du SAP, la sécurité alimentaire d’un pays est assurée lorsque ses disponibilités en nature et en monnaie courante correspondent à une quantité de produits alimentaires égale ou supérieure aux besoins minima. Cette correspondance est fonction d’une part, de l’importance des disponibilités et d’autre part, du niveau des prix des produits alimentaires, c’est-à-dire du pouvoir d’achat.

La sécurité alimentaire va donc au-delà de la simple production agricole. C’est justement ce qui explique le fait que malgré une production agricole jugée moyenne, le spectre de la sécheresse plane sur notre pays. Heureusement, la majorité des populations est à l’abri de la faim. Les populations ayant besoin d’aide se trouvent dans les communes de la bande sahélienne des régions de Kayes, Koulikoro et celles de la zone inondée de Mopti, les régions du Nord étant structurellement déficitaires. Dans les zones menacées comme dans les localités sécurisées, le SAP pronostique une hausse des prix des céréales. Au même moment, les éleveurs du Septentrion et ceux du Sahel occidental souffriront d’une baisse de revenus sur les ventes du bétail. Et pour cause : le bétail va se faire abondant sur le marché alors que l’embonpoint n’est guère au rendez-vous. Dans les localités où l’exode rural apporte un appui vital ou dans les milieux qui vivent des apports des migrants, la situation va se compliquer, la conjoncture économique mondiale n’arrangeant pas les choses. Un exemple typique est fourni par l’échec de la campagne agricole dans le delta du Niger qui est une zone d’attraction par excellence des bras valides du pays dogon pendant les récoltes. Dans ce cas, les mauvaises récoltes provoquent un manque à gagner en cascade. Le mauvais hivernage aura aussi des conséquences négatives sur les cultures de contre-saison avec la diminution (par endroits de 2 mètres) du niveau habituel de l’eau des fleuves. Cette crise alimentaire, qui présente à bien des égards des similarités avec celle de 2004-2005, apparait maîtrisable, souligne le premier responsable du commissariat à la Sécurité alimentaire. A condition que les ressources sollicitées soient mises à la disposition des structures appropriées à temps. C’est ce à quoi travaille le gouvernement comme l’expliqueront lors d’une conférence de presse ce matin, le ministre de l’Agriculture et son homologue de la Communication, porte-parole du gouvernement.

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