Le procès intenté à Amadou Djicoroni est l’occasion ou jamais, pour tous les criminels, les meurtriers (et leurs complices) de la République, de sortir de la lâcheté pour enfin avouer, dire la vérité et retrouver la paix avec leur conscience. En auront-ils le courage et la dignité ?
Ainsi donc, les héritiers de feu le Dr Faran Samaké, épaulé par Tiécoro Diakité, ancien ministre, ont décidé de poursuivre Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni en cour. Le procès, en principe, démarre ce matin 02 novembre, devant le tribunal de première instance de la Commune III. Cette cause est la suite logique d’un échange acrimonieux, à travers la presse, entre Tiécoro Diakité « ami » de la famille Samaka et l’ex-compagnon de feu Modibo Kéita. Après avoir vainement tenté de faire taire, une fois pour toutes, l’octogénaire connu dans tout le Mali pour sa probité et son sens jamais démenti du patriotisme, la solution judiciaire devrait venir « lui clouer le bec », comme le dirait l’homme de la rue.
Que reproche-t-on à Amadou Traoré à travers cette citation ? C’est d’avoir dit, lors d’une conférence-débat : « La thèse de la mort de Modibo Kéita est claire. C’est un empoisonnement par injection, sur une ordonnance prescrite par le Dr Faran Samaké. » Cela lui vaut une accusation de calomnie. Puisque le français n’est pas notre langue, essayons d’abord de nous entendre sur une chose : Amadou Djicoroni n’a jamais dit que le Dr Faran Samaké a tué personnellement Modibo Kéita. Il rapporte ce que l’ex-geôlier du premier président du Mali, le capitaine Sounkalo Samaké, dit dans ses mémoires : « Ma vie de soldat ». Et, à ce que l’on sache, le capitaine Samaké qui vit à Dioïla n’a jamais été démenti ni poursuivi en justice. Pour la bonne et simple raison que Modibo est mort sur ses genoux et, depuis le transfèrement du prisonnier du Nord vers Bamako, c’est lui qui s’en est occupé.
Le peuple du Mali espère que ce procès ne sera pas une tragique comédie qui servira à sacrifier un doyen qui n’a jamais renié les valeurs fondatrices de ce pays. Ou pire, une vaste pantalonnade qui verra se débiner les témoins principaux. Ce procès est, dans un sens, salutaire. Puisqu’il offre l’occasion inespérée de faire la lumière et toute la lumière sur cette mort indigne infligée à Modibo Kéita. Oui, le peuple a raison de ne pas croire que « l’ancien instituteur », injure enjointe à la dépouille du père de l’indépendance, n’est pas parti de « mort naturelle ». Rien, mais absolument rien ne vient de témoignages concordants sur la dégradation de son état de santé. Ni sa famille ni ses proches n’ont constaté chez lui les symptômes d’une maladie létale. Alors, qui sait et osera enfin affronter sa conscience pour nous dire la vérité. Plusieurs témoins de ce crime odieux sont encore vivants. Ce sont les pleutres et les comploteurs de l’ombre, les vampires assoiffés de pouvoir qui n’hésitaient pas à tuer des prochains pour garder leur fromage dans le bec. Qu’ils sortent enfin de cette veulerie et parlent, à visage découvert. Si le peuple doit pardonner, il leur pardonnera, en croyants sincères qui estiment que le pardon pour une faute avouée est plus noble que la vengeance.
Au-delà de la mort inexpliquée de Modibo Kéita, ce pays regorge d’assassins qui en savent long sur la disparition d’autres personnes. Citons, pêle-mêle et sans considération de passifs, Yoro Diakité, Diby Sillas Diarra, Mamadou Sissoko, Sory Ibrahima Tiocary, Abdoul Karim Camara « Cabral », Tiécoro et Kissima, Joseph Coulibaly et des dizaines d’anonymes ou célèbres prisonniers torturés et soustraits à la vie, sans accusation, sans procès, en dehors de toute légalité. L’histoire est tellement cruelle qu’un procès ne suffira jamais à la travestir.
Amadou Djicoroni s’est battu toute sa vie pour que chacun, dans ce pays, ait droit à la liberté et à la dignité. Amadou Djicoroni fait partie de ceux qui, bravant la peur et la mort, avaient organisé la fuite de Cabral jusqu’à ce qu’un traître encore vivant ne vende son âme au démon pour dénoncer le leader des étudiants. Cabral sera arrêté non loin de la frontière guinéenne alors qu’Amadou et ses amis avaient quasiment réussi l’exploit de lui sauver la vie. Cabral a été enchaîné et traîné dans des centres de torture où des serviteurs zélés et sbires sans vergogne d’un régime dictatorial à la sauvagerie l’ont assassiné.
La rédaction