Sankara, un mythe ?

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Burkina : il y a 27 ans, Thomas Sankara était assassiné
L’ancien leader de la révolution burkinabè, en 1986. © Pascal Maitre / Jeune Afrique

«Mes meilleurs informateurs, ceux qui viennent me dire : “attention, on dit ceci, on dit cela”, c’est Blaise Compaoré, c’est Henri Zongo, c’est Lingani Jean-Baptiste. C’est vrai que le jour où ces gens-là ne me diront plus la vérité parce que l’ennemi leur aura fait du mal, ce sera une grande perte.» Thomas Sankara, août 1987.

Et ce fut une grande perte! Une perte, non seulement en vies humaines. Une perte pour tout un continent, l’Afrique, qui voyait mourir celui-là qui incarnait toutes les espérances de sa jeunesse.

L’adieu du 15 octobre 1987, ce sont les larmes d’une femme, Mariam Sankara, inconsolable, abattue par la trahison ; elle qui ne connaîtra plus jamais le bonheur de vivre aux côtés de son homme.

L’adieu, ce sont ces mots durs, vomis fraîchement des entrailles des « Rectificateurs », pour justifier leur forfait, alors même qu’à peine le corps du défunt président reposait en paix au cimetière des pauvres à Dagnoën, à Ouagadougou.

Des frères d’armes, des amis unis par leur volonté de rendre service à leur peuple, n’ont pas su se retenir quand il le fallait : “l’amour du pouvoir personnel a conduit Thomas à vouloir nous poignarder dans le dos.”, osait confier Blaise Compaoré après le 15 octobre 1987.

C’est ainsi qu’il s’en est allé, mort à 38 ans, faisant des orphelins par millions dans le monde entier. La commémoration des 20 ans de son assassinat a révélé, en octobre 2007 au Burkina,  aux yeux de la communauté internationale Ô combien l’homme est toujours aimé. La haine de ses tombeurs n’a pu entamer cet amour que le peuple africain, des décennies après, lui témoigne. “Thomas Sankara toujours vivant”, fait plus peur que jamais. Une marée humaine est venue lui témoigner sa sympathie, scandant des slogans révolutionnaires, au rythme de ses plus célèbres discours, en fond sonore.

Plus jamais on ne l’entendra dénoncer les hiboux au regard gluant, fustiger les lépreux qui ne peuvent que renverser les calebasses, galvaniser des foules entières, discuter des heures pour convaincre. Sankara, l’homme à la pensée intarissable, fit faire des bonds de géant à un petit pays, le sien, qu’il aimait et respectait tant.

Plus jamais il ne pourra adresser des mots tendres à son épouse, dont la douleur d’une séparation n’a rien enlevé à la beauté et à son calme imperturbable. Très discrète, elle a su placer les mots là où il le fallait. Et comment ne pas couler des larmes, quand, se plongeant dans un lointain souvenir, elle se rappelle de leur première rencontre et des premières lettres que celui qui allait changer le destin de son peuple lui écrivait avec tant de passion?  Un amour dont les premiers pas ont été guidés par la tendresse, l’affection et la fougue d’une jeunesse bien remplie : Sankara et Mariam formaient un beau couple. Leurs enfants, Auguste et Philippe, sont un témoin vivant de cette union, détruite à coup de kalachnikov par les hommes de “tonton”.

Plus jamais, les ennemis du PF (Président du Faso), dans leur sommeil, ne retrouveront la paix. Un fardeau bien lourd à porter, que d’avoir la mort d’un tel homme sur sa conscience. Même les calmants les plus efficaces n’y peuvent rien. Encore moins l’utopie d’un président qui se voulait irremplaçable, surpris en plein tripatouillage de la Constitution,  par le changement du vent. Il est forcé à vivre en exil, en attendant que la justice le juge pour ses actes.

En voulant effacer de la mémoire collective le chef-d’œuvre de Sankara, Blaise Compaoré et ses complices avaient oublié qu’on ne tue pas un mythe. Surtout lorsque celui-ci tire sa source d’un certain Thomas Sankara. Près de trois décennies après sa mort, le peuple africain n’a cessé de faire son adieu au président Sankara.

 

Henri Levent

 

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